Nous savons que sur le terrain des chasseurs de cinquième génération, Américains et Russes font la course en tête. F-22 Raptor, F-35 Lightning II et bientôt Soukhoï PAK-FA, des noms de guerre qui n’ont pas fini de raisonner dans nos oreilles.

Mais dans nos mémoires, un chiffre raisonne lui aussi comme un grand classique de l’aviation de combat. Ce chiffre, c’est le zéro, qui représente le Mitsubishi A6M japonais.

Mais alors qu’un gouffre générationnel les sépare, le zéro pourrait en quelque sorte renaître de ses cendres grâce à un programme aujourd’hui connu sous la dénomination « ATD-X Shinshin ».

Nous nous sommes récemment posés la question de savoir si l’appareil russe de nouvelle génération, le PAK-FA, a une chance de conquérir suffisamment de marchés exports pour être rentable. Aujourd’hui c’est un nouveau venu, encore au stade de l’étude, qui nous intéressera. Un nouveau « zéro » qui naît à nouveau d’un différent entre le Japon et les Etats-Unis.

Le refus de Washington de céder à Tokyo des F-22 Raptor.

Le manque actuel d’une version exportable du F-22 Raptor pose des plus en plus de problèmes aux Etats-Unis. Si le retour sur investissement ne semble pas avoir été une priorité pour ce programme, aujourd’hui ce sont différentes tensions diplomatiques qui s’invitent à la fête. Nous parlions récemment de l’Australie et nous reverrons que c’est le cas pour le Japon. A ce sujet, les deux pays comme liés dans l'adversité ont signé un accord symbolique mais historique de coopération de leurs troupes dans le cadres d'opérations de maintient de la paix (ACSA-Acquisition and Cross-Servicing Agreement).

Même son de cloche pour le F-35. Même si le programme a clairement été pensé pour permettre aux pays étrangers de financer la mise au monde du chasseur polyvalent américain, la relation avec certains alliés pensants s’avère plus compliquée. C’est actuellement le cas d’Israël, qui souhaite aussi acquérir le F-35 après avoir tiré un trait temporaire sur le F-22. De nouveaux pourparlers pour doter l’IAF de vingt Lightning II sont encore tombés dans l’impasse. Les discussions continuent cependant, mais se heurtent au refus américain de laisser Israël doter l’appareil de son propre système de guerre électronique et de pousser plus loin la coopération industrielle. De plus, Tel Aviv refuse que tout ou partie de l’avion soit entretenu par un centre de maintenance qui se trouverait en Europe, probablement en Italie.

Au Japon, on a très mal accueilli le refus américain de doter la Japan Air Self-Defense Force (航空自衛隊, Kōkū Jieitai) du Raptor. Pour Tokyo, qui doit faire face à une situation géopolitique complexe, ce refus de l’allié qu’elle soutient tant est jugé comme mal venu. Certains connaissent la volonté japonaise de soutenir depuis des années la politique américaine en Asie. Un engagement que Tokyo aurait souhaité voir porter ses fruits avec l’arrivée du chasseur bombardier furtif.

En attendant, les mouvements de mécontentement se multiplient au Japon face à l’attitude américaine. Encore ce 16 mai, une chaîne humaine fut formée devant la base aérienne des Marines à Okinawa. Au total, 17 000 personnes auraient participé à ce mouvement populaire dont les banderoles sont claires : «Les bases américaines hors d'Okinawa !». La première installation militaire américaine de l'Asie-Pacifique permet au Pentagone de couvrir mieux que partout ailleurs l'Asie de l'Est. L'armée américaine utilise aujourd'hui 10% du territoire d'Okinawa. Les motifs de mécontentement de la pollution sont liés au bruit et au comportement brutal et parfois criminel de la soldatesque. A noter enfin que la base a accueilli pour la troisième fois un détachement d’une douzaine de F-22 en ce début d’année.

De l’utilité de se doter de moyens aériens performants.

Pour Tokyo il n’y a pas de doutes, la montée en puissance de ses voisins doit trouver une réponse adéquate de la part du Japon. Connu pour son désir de s’imposer comme le maître incontesté des hautes technologies, le Japon veut aligner des chasseurs de dernière génération. Ceci même si la Chine n’est notamment pas encore en posture de rivaliser avec le niveau technologique japonais actuel. Des Chinois qui, pour l’instant, ne sont pas capables de fabriquer des avions dignes des F-15D/J Eagle japonais (fabriqués sous licence). Mais comme nous le savons, la Chine avance et pourrait bientôt tester son Shenyang J-XX possible J-14. On pense aussi au J-10 qui enchaîne des présentations commerciales, notamment pour d’hypothétiques clients africains ou du Moyen-Orient. Même en Corée, on pense à un chasseur de cinquième génération. Un projet connu sous la dénomination KAI KFX.

Une coopération asiatique pour un développement en commun semble peu probable. Les relations entre le Japon, la Corée et la Chine n'étant historiquement pas propices à une telle coopération dans un secteur aussi stratégique.

En Russie, le premier ministre Vladimir Poutine s’est récemment dit tout à fait satisfait des résultats des tests actuellement en cours sur le PAK-FA. L’appareil de cinquième génération fabriqué par Soukhoï, très en vogue à Moscou, est en forme malgré un problème récurrent au niveau de sa propulsion. Le PAK FA pourra embarquer huit missiles air-air de nouvelle génération R-77. Ou alors, il pourra aussi être utilisé pour larguer deux munitions antinavires de 1 500kg chacune. L’utilisation de deux missiles à longue portée (400km) est aussi à attendre. Ils sont en développement chez Novator.

Du coup, côté japonais on pourrait bien se lancer à nouveau dans la fabrication et la commercialisation d’avions de combat. Nous avons pu remarquer que le pays redéveloppe une industrie aéronautique de pointe dans le domaine civil. L’exemple en est avec le MRJ. Mais c’est aussi le cas du côté des militaires, comme l’a prouvé l’envol de l’appareil de transport tactique fabriqué par Kawasaki, le XC-2. Des projets de nouveaux appareils, plus petits que l’ATD-X (Advanced Technology Demonstrator – X) ont également été envisagés par l’exécutif japonais sans plus de détails.

Peut-être l’envie de revenir au plus haut niveau.

Les industries aéronautique et spatiale sont dans l’histoire moderne un des piliers du prestige qui auréole un pays. A l’heure où l’Asie du sud-est se développe, le Japon souhaite garder son statut de leader et même d’exception dans la région. Faire renaître le « zéro » ne paraît alors pas incompatible avec le désir d’accroissement de puissance japonais.

Durant la Deuxième Guerre Mondiale, l’appareil nippon fut la terreur du Pacifique. L’avion affichait des performances bien supérieures à la plupart des appareils envoyés pour l’affronter. Alarmé par le développement russe et les rumeurs concernant un appareil chinois, Tokyo ne souhaite plus perdre de temps à discuter avec son ami américain. De fait, la relève du Mitsubishi A6M "Zero" est en marche. Si le descendant de l’appareil mythique ne sera peut-être pas aussi performant que le F-22 Raptor, on est en droit d’attendre beaucoup des Japonais.

C’est Mitsubishi Heavy Industries (MHI) qui est en charge de ce projet dont peu d’informations sont disponibles. Une avancée qui se fait en partenariat avec le Technical Research & Development Institute (TRDI). Une maquette en fibre de carbone de 46 pieds de long a été dévoilée dans l’usine de Komakiminami dans la préfecture d’Aichi. En 2005, la maquette était alors de retour de France (CELAR de Bruz) où elle aurait subit une batterie de tests en soufflerie. L'amitié franco-nippone en matière de Défense n'est plus à démontrer comme le prouve la visite du général Kenichiro Hokazono, chef d'état-major des forces armées d'autodéfense japonaises, en visite officielle en France, du 18 au 20 mai 2010. En 2006, MHI a fait voler une maquette radio-télécommandée à l’échelle 1/5 pour concrétiser le projet.

Pour faire voler ses deux premiers prototypes, MHI serait en train d’interroger différents motoristes étrangers. Tout comme pour le PAK-FA, les motoristes locaux ne possèdent pas la technologie adéquate pour le moment. Le Japon serait en train d’interroger une longue listes de possibles fournisseurs capables de lui fournir des moteurs développant entre 5 et 10 tonnes de poussée. Cette recherche pourrait inclure le General Electric F404 (F/A-18), le M88-2 de Snecma (Rafale) et le RM12 de Volvo (Gripen). Selon certaines sources, il pourrait même être question de l’indien GTX-35VS Kaveri.

Une fois encore, il s’agit de faire voler un prototype dans les plus brefs délais tout en donnant du temps à Ishikawajima-Harima Heavy Industries (IHI) qui a été mandaté pour développer le futur moteur de l’ATD-X, le XF5-1.

A Tokyo, on espère un premier vol de test pour ce futur chasseur furtif d’ici 2011 avec un vol inaugural d’ici 2014. D’ici là, Lockheed Martin pourrait être invité à se joindre au développement de l’appareil mais rien n’est moins sûr. Malgré que le Japon soit un pays pacifiste, il dispose d’un des plus grands budgets consacrés à sa Défense.

Reste que depuis les années 1970 et le développement du F-1, le Japon ne s’est plus lancé dans un tel projet. C’est peut-être pourquoi il a d’abord tenté d’obtenir d’autres appareils comme le F-22 Raptor, le F-35 ou encore l’Eurofighter.

Celui que l’on commence à connaître sous la dénomination « Son of Zero » pourrait bien symboliser le retour du Japon dans les têtes d’affiche de l’aviation militaire mondiale. Ceci à condition que les coupures dans son budget ne l'étoufe pas dans l'oeuf. On peut aussi croire que depuis toutes ces années, le projet ATD-X vise à influencer Washington. Une tactique sur le long terme tout comme l’avait été celle menée par BAe Systems avec son Replica. Les technologies développées dans le cadre de cette opération d’influence pourraient alors être utilisées dans d’autres domaines, comme les missiles balistiques ou les drones. Affaire à suivre.

Michael Colaone.

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