Nous l'avons dit, le MRJ, futur avion régional de fabrication japonaise, a un bel avenir devant lui. Reste que cet appareil, développé dans la pure tradition nippone, ne fait pas l'unanimité en Occident et ce, alors même que personne ne semble vouloir s'attaquer aux Russes et aux Chinois. Depuis des années, l'industrie aéronautique japonaise subsiste grâce à sa participation non négligeable aux programmes tels que ceux de Boeing. Grâce à ceci, les ingénieurs de Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et de ses partenaires ont appréhendé les technologies du futur, celle des matériaux composites en tête.
Fidèle sous-traitant de Bombardier, Mitsubishi a participé à la réalisation de bon nombre de ses modèles à travers le temps. Impliqué dans le CSeries, dernière merveille de l'avionneur canadien, les Japonais auront pu produire des parties du fuselage, les ailes et bien d'autres composants des différents modèles de la marque. Si la coopération a été remarquable pendant des années, la montée en puissance de l'industrie aéronautique nippone ne plaît pas aux Canadiens.
Déjà fortement impactés par une crise économique mondiale et la montée de la concurrence de par le monde, les ambitions japonaises ne sont pas les bienvenues. Il faut dire que la barre est placée très haut par Mitsubishi, tant en termes technologiques que de parts de marchés. MHI souhaite conquérir un peu moins du quart du marché sur ce segment d'ici une quinzaine d'années avec ses partenaires dans ce programme : Toyota (10 %), les maisons de commerce Mitsubishi Corporation (10 %), Sumitomo Corporation (5 %) et Mitsui & Co. (5 %).
La raison principale de ce désaccord provient des ententes de non-concurrence qui lient les deux entreprises.
En tant que sous-traitant de l'industrie québécoise, les Japonais sont tenus de ne pas se lancer sur un marché qui serait en concurrence directe avec les avions produits par Bombardier. Or, le MRJ entre directement dans cette catégorie et est même des plus menaçants pour les parts de marché de l'avionneur. Fort de sa position dominante, Bombardier aurait tout d'abord cherché à négocier avec Mitsubishi. En vain puisqu'aujourd'hui, le Québécois menace d'intenter un procès à Mitsubishi de manière à tenter de faire appliquer ces accords de non concurrence. Si une décision de justice serait longue à obtenir et aurait une portée somme toute assez limitée, les Canadiens mettent en place une stratégie judicieuse pour contrer son sous-traitant.
Bombardier cherche activement des remplaçants à Mitsubishi. Ainsi, comme sanction directe, la réalisation du fuselage arrière de CRJ700 et CRJ900 a été confiée au Suisse RUAG. La construction du fuselage central du Q400 a également été perdue par Mitsubishi au profit du Chinois SAC, tout comme les systèmes de contrôle de vol horizontal et vertical qui seront directement produits chez Bombardier au Mexique.
Directe conséquence de la production du MRJ, ces contrats perdus sont un réel risque pris par les Japonais. En faisant le pari de construire ses propres avions, le Japon risque de perdre gros en sa qualité de sous-traitant. Mais on comprend son désir d'émancipation tout comme ses impératif de puissance. Avec le réveil de la Chine voisine qui remet en cause son statut de leader en Asie, le Japon a besoin de projet d'envergure.
Mitsubishi n'est tout de même pas encore complètement exclu de Bombardier. Elle continuera de produire les ailes du Challenger300, de même que le fuselage central et les ailes du GlobalExpress. Sanction logique de la part de Bombardier, le choix de l'émancipation pour le Japon même s'il ne s'est pas fait avec panache peut devenir payant. Vitrine du savoir faire japonais face au SuperJet et à l'ARJ-21, le MRJ volera normalement dès 2013 sous les couleurs de la compagnie nationale japonaise, ANA.