PAK-FA, F-22 et F-35, trois chasseurs à différents stades d’évolution et qui représentent fièrement cette cinquième génération d’avions de combat en devenir. Plus que des appareils à la pointe de la technologie, ils sont pour les États-Unis et la Russie le symbole de la supériorité technique de ces nations sur le reste du monde. Alors que l’on croyait la Russie en pleine déchéance, Sukhoï, MiG et le Kremlin nous rappellent qu’il faut toujours compter sur les Russes. Plus à l’ouest, même si le programme F-22 Raptor est aujourd’hui stoppé, les États-Unis continuent d’affirmer leur leadership mondial. On se pose alors la question de savoir ce qu’il se passe en Europe. L’Eurofighter et le Rafale sont peut-être bien positionnés sur le marché des avions de quatrième génération +, mais quid d’une prochaine évolution ?
Histoire et déconvenues des chasseurs américains et russes.
Nous étions le 29 janvier 2010 et la Russie donnait un signal fort au reste du monde. Avec le vol inaugural du PAK FA, Sukhoï et Moscou rentraient dans le club très fermé des chasseurs de cinquième génération. Une histoire débutée il y a longtemps, juste après le lancement de la production en série des MiG-29 et Su-27. On est alors en 1986 et c’est à un chasseur lourd le MiG 1.42 que l’on pense alors ou au S-32 de Sukhoï. Cependant, avec la chute de l’Union Soviétique la donne change et Sukhoï devient petit à petit l’avionneur préféré de Moscou. Ses prototypes renommés S-37 puis Su-47 Berkut enchainent les vols et apprennent beaucoup au constructeur russe. C’est finalement en avril 2002 que Sukhoï est choisi pour mener à bien le programme PAK FA accepté en décembre 2004 dans sa version initiale.
Cependant, même si le programme de développement tient les délais, les essais débutent à peine. Les essais constructeurs doivent durer jusqu’en 2012, après quoi l’appareil tentera de décrocher sa qualification étatique au centre militaire d’Aktoubinsk. À l’issue du vol inaugural, le premier ministre Vladimir Poutine affirmait que les premiers exemplaires de préproduction seraient livrés en 2013. Le lancement de la production en série devrait avoir lieu en 2015. Pour cela, Moscou et son avionneur devront encore relever quelques défis. Il faudra peut-être attendre encore une décennie pour que les motoristes russes puissent développer un réacteur opérationnel pour cet avion.
L’un dans l’autre, il va falloir une trentaine d’années à Moscou pour mettre en service son avion de cinquième génération. Et encore, si tout se passe comme prévu. Aux États-Unis, les choses vont un peu plus vite, mais à peine. Il faut dire que dans l’intervalle le pays n’a pas été soumis aux contraintes de l’effondrement du bloc soviétique. Ainsi, le chasseur bombardier furtif F-22 Raptor (60 milliards de dollars d’investissement) fut lancé à la fin des années 1980. Mis en service au milieu des années 2000, il est aujourd’hui l’appareil le plus moderne du monde en service dans des forces armées. Commandés à 187 exemplaires par l’US Air Force, le chasseur n’est pas disponible à l’achat en dehors des États-Unis. Sa production a cependant été stoppée le 21 juillet 2009 par le Sénat américain. Il n'existera donc peut-être que 187 F-22 Raptor dans l'histoire. L'appareil n'est pas jugé en totale adéquation avec les problématiques opérationnelles actuelles.
En dehors du Raptor, le programme F-35 Lightning II (300 milliards d’investissements) ou Joint Strike Fighter (JSF) est le second appareil de nouvelle génération américain. Il a lui était lancé au début des années 1990 et reçoit l’aide d’une dizaine de pays étrangers. Concrétisé en 1994, le Pentagone décide de regrouper dans ce projet baptisé Joint Advanced Strike Technology (JAST) tous les besoins des armées du pays. Chasseur polyvalent et furtif, il doit entrer en service à l'horizon 2012, mais subit d’importants retards et surcoûts. Le Pentagone vient d’ailleurs de geler la somme de 614 millions de dollars qu'il devait verser au constructeur aéronautique Lockheed Martin en raison de problèmes et de retards dans le programme F-35. Il a donc grossièrement fallu une vingtaine d’années à Washington pour développer ses deux chasseurs de cinquième génération.
Rafale et Eurofighter contre cette cinquième génération.
Les engagements simulés entre ces appareils sont encore peu courants et les informations souvent difficiles à obtenir. Or, le dernier engagement en date aux Émirats arabes unis lors de l’exercice international Advanced Tactical Leadership Course (ATLC) affiche le niveau. Lors de deux engagements, le Rafale a donc pu se mesurer au F-22A. Des engagements à vue et à courte distance soit du combat rapproché au « un contre un ». En général, à niveau de performances rapprochées il s’agit d’un combat canon qui peut se solder par une neutralisation mutuelle dès lors que personne n’accroche personne. Ainsi, le service des relations publiques de l’armée de l’air rapporte que sur six engagements, un seul a permis au F-22 d’ouvrir le feu. Les pilotes américains auraient étaient extrêmement surpris par la résistance des hommes et des machines françaises.
Alors que les deux types d’avions ne sont comparables ni par le prix, ni par les technologies embarquées, il est agréable de voir que malgré ses avancées le F-22A n’a pas réussi à prendre clairement le dessus sur le Rafale. Cependant, nous ne parlons pas ici d’engagements hors de portée visuelle (BVR). Dans pareil cas, les Américains rapportent que « les émissions électromagnétiques du Rafale auraient étaient captées, autorisant ainsi le tir de missiles Amraam à distance de sécurité ». Les capacités de détection et les systèmes d’armes longue distance des Raptor sont évidement bien plus avancées que ceux des Rafale ou Eurofighter. Alors qu’un fossé générationnel sépare ces avions, on peut en tout cas dire qu’il n’est pas si important que ça quand on regarde les performances de l’appareil conçu par Dassault Aviation.
Perspectives françaises et européennes.
Puisque les engagements actuels privilégient l’interception à longue distance, ces bonnes performances en « dogfight » restent à relativiser. On se demande alors si un appareil de cinquième génération pourrait faire son apparition en Europe. Ceci pour maintenir la supériorité technologique européenne sur le reste du monde. Mais une supériorité qui pourrait être aussi militaire. À titre d’exemple, l’Inde est-elle aussi bien intégrée au programme de développement du PAK FA russe. À partir de 2017, la version indienne du T-50 devrait rentrer en production.
Si pour l’instant aucune information officielle ne fait état d’un tel projet, on regarde avec perplexité le manque de débouchés à l’export pour le Rafale et dans une moindre mesure pour l’Eurofighter. Même si l’un s’est déjà vendu à plus de 700 exemplaires, le Rafale n’a pour client actuel que l’armée de l’air française pour 294 avions commandés. Dans un contexte exacerbé par la crise économique, il est probable qu’une nouvelle génération d’avions ne soit pas sérieusement envisagée par les décideurs européens. Même si Dassault étudie des technologies qui pourraient servir à une future génération d’avions (annulation active permettant de rendre virtuellement un avion invisible au radar en annulant les ondes), l’avionneur ne peut certainement pas se lancer dans le développement d’un nouvel appareil tout seul. Une fois de plus, les Européens sont potentiellement condamnés à travailler ensemble au lieu de renter en compétition (Rafale vs Eurofighter).
Sachant qu’il faudra entre vingt et trente ans aux industriels pour développer et produire un chasseur de nouvelle génération, la réflexion fait froid dans le dos. Mais cela est-il vraiment nécessaire ? Beaucoup pensent que la sixième génération d’avion de chasse sera celle des drones. Dans ce cas-là, les industriels et les hommes politiques européens ne vont-ils pas directement passer de la case quatrième génération + à celle des drones ?
Dans le domaine des drones, les États-Unis ont également une sérieuse longueur d’avance sur l’Europe. Global Hawks, Predator et j’en passe sont aujourd’hui en service opérationnel dans le monde. À titre d’exemples européens, Dassault pense son programme nEUROn, on coopère avec les Israéliens sur les Harfangs et EADS la menace d’une annulation du programme Talarion. Mais dans un tel cas de figure, ne manquera-t-il pas une corde à l’arc européen ? La question reste ouverte entre arrêt de la production du F-22, la future suprématie du F-35 et la prise d’altitude du PAK FA.
Michael Colaone.
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