On est de plus en plus confiant quant à l’avenir de l’appareil de transport tactique et pré-stratégique européen fabriqué par Airbus Military, filiale du groupe EADS. En effet, les clients qui étaient pourtant divisés en ce début de feuilleton s’accordent de plus en plus sur la marche à suivre vis-à-vis du groupe européen d’aéronautique et de défense. Rallonges substantielles, oublis de pénalités et maintenant possibilité d’avances remboursables, les Etats clients affichent leur bonne volonté. De son côté, EADS cherche toujours à obtenir le plus possible pour les 5,2 milliards d’euros de surcoûts du programme. Mais, la marge de manœuvre du groupe se réduit alors que ses clients lui demandent de prendre maintenant en charge entre 900 millions et 1,4 milliard d'euros de plus que les 800 millions déjà pris en charge par l’industriel.
Hervé Morin, le ministre français de la Défense continue son chemin de croix pour faire de l’A400M un avion opérationnel. Le rêve d’une défense européenne a désormais laissé place au réalisme économique. Au-delà même des besoins des forces armées, c’est de l’existence même d’EADS dont il est parfois question. Mais stratégie frigide oblige, le groupe européen continu de faire pression pour que les Etats prennent en charge l’intégralité des surcoûts. C’est pour cela qu’après avoir accordé une rallonge de deux milliards d’euros, Paris va plus loin pour sauver le programme. En effet, le camp français a réussi à trouver un accord de principe pour consentir à l'industriel entre 1 et 1,5 milliard d'avances remboursables. L'Allemagne et l'Espagne seraient d'accord sur le principe, même si Karl-Theodor zu Guttenberg, le ministre allemand de la Défense reste prudent. Tout comme pour l’A350, ces trois pays bénéficient de la majorité des retombées économiques et industrielles. Ce nouveau coup de pouce est déjà plus compréhensible qu’une simple rallonge. Tout le monde estimant qu'en 2020, l'A400M serait sans concurrent.
Maintenant, il faudrait pour conclure l’affaire qu’EADS prenne en charge le montant des surcoûts restants. Car du point de vue des clients, il n’est maintenant plus question d'aller plus loin. « C'est à prendre ou à laisser », confirmait-on ce week-end à Paris. Après avoir « oublié » 1,2 milliards d’euros de pénalités de retards et accepté de recevoir les premiers appareils pas avant 2013 soit avec quatre ans de retards, les Etats sont au bout de la route qui mène vers un consensus. Ils ont également accepté que les tests prennent une année de plus pour éviter de nouveaux problèmes comme ceux ayants entrainés l’arrêt de l’un des moteur lors du vol inaugural. Enfin, l'avion sera livré en deux standards technologiques successifs ce qui handicapera évidement les forces armées clientes.
Pas de panique cependant pour ce qui concerne ces avances remboursables. EADS remboursera comme toujours mais cela lui permet d’étaler ses dépenses dans le temps. Un délai qui permettra au groupe de passer à l’offensive sur les marchés export. Le potentiel de l’A400M sur le marché mondial étant lui indiscutable.
On retiendra désormais de cette affaire que même les plus sceptiques soutiennent aujourd’hui le projet A400M. Malgré les retards et les défaillances, l’Europe veut croire en ce type de projets qui portent son indépendance. Ainsi, tout comme le déclarait le ministre allemand de l’Economie, Rainer Brüderle : « L’échec de l’avion militaire pourrait signifier la fin d’EADS et c’est pour cela que je veux aussi l’A400M. ». C’est toujours dans la douleur que les Européens avancent mais tant qu’ils le font...
"En ce qui concerne l'A400M, je crois que les négociations doivent se poursuivre, nous sommes d'accord pour dire qu'il s'agit d'un projet d'une importance stratégique et que tout doit être fait pour parvenir à une solution", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel. "C'est un projet décisif qui doit aboutir très rapidement", a ajouté le président français Nicolas Sarkozy. Même si les Etats européens ne souhaitent pas se laisser mettre sous pression, on ne voit pas comment ces derniers pourraient mettre l’avenir d’EADS en péril. Malgré tous ses succès, cet abandon serait terrible pour l’industriel. Compte tenu de toutes les richesses que cela représente, une telle perte est inimaginable. Reste à ne pas en vouloir trop du côté de chez EADS, qui devrait faire profil bas.
En face et notamment à la DGA française qui vient de présenter une année historique avec une augmentation de 123% des commandes, on ne mache pas ses mots. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement dénonce "les carences graves de l'industrie ". "Apprendre qu'il y a quatre ans de retard, cinq ans après le lancement, c'est un retard de 80%. Absolument colossal ! ". Pour lui, "l'industriel a sous-estimé les difficultés techniques du programme" et le renouveau pourtant annoncé comme une révolution dans la forme du contrat n'aura pas abouti à grand chose. Cependant, il concluera en disant : "C'est long, c'est compliqué, mais ça vaut probablement le coup".
Peut-être qu’une fois plus forte de cette nouvelle expérience, l’Europe continuera dans le sens d’une défense commune. Sur des projets futurs, on aimerait peut-être voir les Européens se donner du mal sur des projets augmentant la capacité de leurs industries à demeurer en pointe dans les domaines de l’aviation militaire et civile. Des projets qui lui ont toujours réussie. On pense alors au retard dans le domaine des drones. Le feuilleton du Talarion ne fait quant à lui peut-être que commencer.
Michael Colaone.
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