Aeroplans - A400MNous le disions précédemment, même si les approches sont différentes d’un pays à l’autre quant à la marche à suivre pour le futur de l’A400M, tous s’accordent à ne pas céder à ce chantage grossier auquel se livre Airbus. Pour calmer le jeu, une rallonge de 2Md€ en faveur d’Airbus serait à l’étude par les Etats clients. Une manière de couper la poire en deux et de sauver le programme.

Elle proviendrait en fait du contrat initial liant l’industriel à ses clients pour prendre en compte notamment les risques d’inflation. Le reste serait alors à la charge d’EADS pour un montant nettement au-delà des 2,4Md€ déjà provisionnés. Pour Louis Gallois et Tom Enders, cette solution est d’ores et déjà inacceptable puisque le groupe a proposé à ses clients prendre en charge le reste des coûts de développement (soit les dépenses les plus importantes qu’il reste à verser).

Aeroplans - A400M

 

L’hypothèse d’un sauvetage français s’éloigne aujourd’hui de plus en plus vite. A Paris aussi on est de plus en plus excédé par l’attitude d’EADS. On imagine mal que le groupe se comporte ainsi avec ses clients privés. De toute façon, à quoi servirait-il à la France de prendre à sa charge une grande partie de ces surcoûts sans le soutien de tous les autres clients ? A moins d’être pris d’un large élan d’œcuménisme aveugle, on voit mal comment cette hypothèse pourrait tenir la route.

EADS joue au final plus gros que ce simple contrat. Au delà de l’A400M, ce sont les relations entre les Etats et EADS qui sont en jeu. Les pays clients, qui ne sont pas des moindres, sont mécontents et déçus. Surtout, certains pays pensent que l’on se moque d’eux. Cette attitude, jugée de plus en plus inacceptable par Paris et Berlin, pourrait impacter les autres contrats d’armement en cours et à venir. Ceci sans parler des affaires civiles dont le financement dépend en grande partie des avances faites par les Etats. On pense à la fois à l’Eurofigther, aux ravitailleurs MRTT, aux drones, aux missiles, aux futurs A350 et A320, etc. Déjà, selon LesEchos citant une source proche du dossier, « On parviendra à un accord, même si tout cela va relever du grand marchandage ». On pense alors aux conséquences que cela pourrait avoir sur les négociations quand à la survie du drone Talarion notamment. Aujourd'hui menacé d'extinction, EADS exige de ses clients (France, Allemagne et Espagne) des commandes fermes avant l'été...

Aujourd’hui, les plus objectifs mettent en balance des chiffres peu commodes. Si le prix unitaire d’un A400M sans support s’envolerait donc à 135M€, c’est bien plus qu’un C-130J. L’appareil américain coûte lui 89,5M$ pour son principal client, l’US Air Force. Pour la France et pour une commande basée sur 6 appareils, un C-130J avec son support logisitique initial couterait plutôt 80 millions d'euros TTC (source blog Secret Defense). Quel serait le prix pour une commande européenne de 180 unités ? Si l'on ajoute à cela que l'un des argument principal en faveur de l'A400M est sa flexibilité puisque les armées clientes peuvent demander leurs propres spécifications techniques, l'argument est aujourd'hui bancal puisque les pays clients pourraient accepter d'abandonner certaines spécifités techniques pour sauver le programme.

Aeroplans - A400MMalgré la montée de la concurrence étrangère (Russie, Chine et Brésil), Boeing et Lockheed Martin dominent totalement ce marché. Si la réalisation de l’A400M dépasse, comme l’indique le Ministère français de la Défense, la logique comptable, rappelons que, logiquement, les bénéfices réalisés par le groupe américain avec le C-130 ou le C-17 aident à la bonne santé financière de ce dernier sans pour autant remettre en cause son avenir. Une autre approche, qu’EADS ne semble pas partager.

La situation est en tout cas d’autant plus regrettable que les Etats avaient donné une impulsion forte pour soutenir notre volonté d’indépendance technologique et stratégique. Si les contribuables étaient prêts à payer plus cher un avion fabriqué en Europe avec des savoirs-faires européens, les surcoûts engendrés par le maître d’œuvre mettent aujourd’hui en péril toute cette entreprise. Alors que le groupe industriel avait engagé sa meilleure volonté dans le projet A380, c’est aujourd’hui la volonté d’indépendance de l’Europe et son propre avenir qu’il met en jeu via l'A400M. Si aujourd’hui on ne peut pas encore vraiment parler de fiasco européen, on attend les prochaines décisions prises par le conseil avec plus d’appréhension que jamais.

A lire aussi : A400M, chacun son point de vue.

Michael Colaone.