cette affaire est dans les tuyaux entre Beyrouth et Moscou, mais finalement la Russie ne fournira pas une dizaine de MiG-29 d’occasions au Liban.
Annoncée comme le début de la renaissance d’une armée de l’air libanaise en pleine déconfiture, ce don russe vient d’être remplacé par une autre donation d’une dizaine d’hélicoptères Mi-24 (nom de code OTAN Hind).
Un revirement de situation au pays du Cèdre qui paye de plus en plus son choix hasardeux de diversification dans ses approvisionnements. Pour la Russie, cette affaire stratégique est toujours gênante, alors qu'elle essaye d’opérer son grand retour dans la région dont elle était l'un des acteurs les plus influents lors de la période soviétique. Or, depuis la chute du système communiste, les Russes ont nettement perdu du terrain au Proche et Moyen-Orient.
Le don de MiG-29 aura bien tourné court.
L’affaire remonte au conflit israélo-libanais de juillet 2006, au cours duquel les avions de Tsahal avaient bombardé pendant 34 jours différentes infrastructures libanaises. Suivit ensuite un affrontement avec le groupuscule islamiste Fatah al Islam (où des hélicoptères Gazelle de fabrication française furent utilisés), ou encore des survols israéliens lors d’opérations comme « plomb durci », qui ont fortement déplu aux autorités libanaises.
De fait, Beyrouth souhaite contrôler son espace aérien tout comme un autre pays voisin, la Syrie. C’est dans cette optique que le Liban contacta les Russes et les Américains pour tenter de trouver une solution à ses problèmes. L’année dernière, un accord fut enfin trouvé avec Moscou qui, au nom d’une coopération militaire et technique approfondie, s'était engagée à fournir dix MiG-29.
D’une valeur de 30M$ chacun, les appareils devaient être remis en état et livrés à Beyrouth dans les plus brefs délais. Seulement, le président libanais en visite à Moscou annonce avoir trouvé un accord pour convertir ces dix MiG-29 en hélicoptères Mi-24 : le Liban qui s’était presque doté d’une force de frappe aérienne fait marche arrière. Une armée de l’air sérieusement amputée de ses moyens, surtout depuis la vente de ses Mirage III au Pakistan en 1999.
Des problèmes exacerbés par l’arrivée en fin de vie des Hawker Hunter. Pour cela, un remplacement serait envisagé par l’acquisition de certains exemplaires émiriens. Les Emirats arabes unis sont en train de négocier une acquisition de M-346 ou de T-50 coréens, et leur flotte serait alors disponible pour les Libanais. Mais nous verrons que l’acquisition de Mi-24 est peut-être plus en adéquation avec les besoins, et surtout les moyens libanais.
Les raisons de la renonciation aux MiG-29.
"Les autorités russes ont accepté de remplacer les chasseurs MiG-29, prévus initialement dans leur aide militaire, par des hélicoptères de combat Mi-24, l'armée libanaise ayant besoin d'urgence de ce type d'appareils équipés de roquettes et de moyens de défense sophistiqués" déclara le ministre de la Défense Elias Murr. En outre, "un accord de coopération militaire sur la fourniture à l'armée libanaise des équipements et l'entraînement des militaires et officiers a été signé à Moscou", a-t-il rajouté.
Aujourd’hui, la raison principale de l’abandon libanais serait liée à la situation économique du pays. Selon le quotidien As Safir, le budget de l'armée "ne lui permet pas de supporter les dépenses énormes liées aux MiG, qui nécessitent un entretien continu". Car si Moscou s’engage à fournir les appareils gracieusement, l’entretient de ces derniers devra être pris en charge par Beyrouth. Ainsi, malgré l’aide russe, le Liban n’aurait pas les moyens de telles ambitions.
D’un autre côté, la Russie doit faire face à de multiples problèmes avec son matériel d’occasion. Déjà en Algérie, Moscou n’avait pas pu étouffer le scandale lié à la vente de MiG-29. Dans son désir de devenir la puissance dominante dans sa région, le pays s’est porté acquéreur de MiG-29 en janvier 2006 et de pièces détachées auprès de la corporation MiG pour un montant de 7Md$. Or, l’affaire a pris une tournure assez inhabituelle pour les Russes, puisqu’Alger a renvoyé quinze chasseurs MiG-29SMT et MiG-29UBT déjà livrés.
En cause : la société russe ATK AviaRemSnab, qui aurait livré des pièces détachées anciennes, mais présentées comme neuves, en allant piocher dans de vieux stocks fabriqués entre 1982 et 1990 mais en les dotant de certificats falsifiés. Cet évènement faisait suite à des rumeurs présentant ces chasseurs destinés à l’Algérie comme vétustes. L'Algérie et la Russie avaient conclu un accord effaçant la dette algérienne contre l'acquisition de biens et services russes, d'une valeur équivalente, dont des équipements militaires.
Une affaire qui aurait pu refroidir Beyrouth, qui ne peut pas prendre de risques compte tenu de son budget. Mais là déjà, l’Algérie pourrait avoir subir des pressions françaises et américaines pour ces contrats sur lesquels Paris et Washington avaient elles-mêmes des vues. Une situation d'autant plus complexe si on rajoute à cela la nouvelle stratégie gazière européenne visant à se détacher entre autres de la Russie. Cette stratégie passe par l'Algérie et doit faire monter la pression dans cette affaire.
Une situation complexe au carrefour des luttes d’influence.
Comme nous le disions, la Russie tente de revenir une des grandes puissances d’influence dans la région. Or, le pays se heurte à la dominance française et américaine. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de la Syrie ou d’Israël que le Liban, et donc les Russes, subissent la réaction des deux autres puissances occidentales.
Mais Moscou semble bien décidé à se réimposer dans le secteur et à y vendre son matériel de Défense. Ainsi, il se pourrait bien que comme ses voisins libanais, iraniens et israéliens, la Syrie soit en train de renforcer son système de défense anti aérien. La rumeur court suite à l'annonce de la préparation par Moscou pour la livraison d'une douzaine de MiG-31E et MiG-29M/M2. Rappelons que la Syrie possède, contrairement à son voisin libanais, une force aérienne d'une vingtaine d'appareils. Le choix des MiG-31 peut donc paraître étonnant et est critiqué au sein même de la communauté syrienne.
Si l’on rajoute à cela que Moscou est en train de livrer à l’Iran des systèmes anti-aérien S-300, le retour de la Russie dans la région est indéniable. Reste à savoir quelle sera la réaction des Américains, mais surtout des Français. Paris perd de plus en plus de son influence dans la région, ce qui pourrait laisser une place de choix à la motivation russe. Ceci alors que le marché des Mirage F1 reste dynamique. En attendant, les Russes s’affirment au Liban en annonçant un accord qui "concernera la contribution russe au déminage du territoire libanais et de son nettoyage des bombes à fragmentation". Moscou réactive de vieilles alliances du temps de l’ex-Union soviétique.
Tout un chacun aura pu remarquer que la Russie a aujourd’hui mis en place une stratégie d’accroissement de puissance qui se traduit dans le don de ses hélicoptères au Liban, et peut-être même dans l’avenir de chasseurs à la Syrie. En effet, la donation des Mi-24 ne semble être qu’un premier pas pour les Russes. Cette offre pourrait bien être assortie à des chars de combats dans ces deux pays. C’est de nouveau un scénario proche de celui de la guerre froide qui se trame dans la région.
A l’autre bout de la Terre, MiG décroche un contrat en Malaisie pour l’évolution de dix MiG-29N. Le pays compte une flotte de seize appareils mais seulement dix de ces intercepteurs voleront jusqu’en 2015. Une bonne nouvelle alors que la corporation MiG pourrait voir sa fin arriver dans les mois qui viennent si elle n’arrive pas à décrocher un contrat significatif.
Michael Colaone.
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