Pour les Espagnols de CASA, les appareils de surveillance maritime n’ont pas de secret. Cette partie du consortium EADS est cependant plus habituée à des appareils de plus petite taille : C295, CN235 et C212.
Compte tenu du succès de ces avions à l’exportation l’idée de produire une solution basée sur un appareil plus grand, l’A319, n’était plus très loin et coulait peut-être de source après le rapprochement des deux entreprises.
Cependant, alors que l’avion n’est pour l’instant qu’un projet, il doit surtout faire face à ses concurrents favoris, les américains Boeing et Lockheed Martin avec leurs appareils mythiques comme le P-3 Orion ou le nouveau P-8 Poseidon.
Des appareils qu’Airbus Military connaît bien puisqu’elle a elle-même son propre programme de modernisation des Orion. Cependant, l’A319 MPA pourrait peut-être s’imposer de plus en plus face à Boeing, mais attention : les besoins en terme d’unités sont faibles et la concurrence des drones arrive.
Pour EADS, le programme A319 MPA doit avant tout répondre à de futurs appels d’offres qui devraient s’ouvrir entre 2010 et 2020. Après quelques timides tentatives en Inde, en Italie ou en Allemagne avec un projet moins abouti qu’il ne l’est aujourd’hui, l’A319 MPA est un avion du futur.
Pour se rendre compte de la compétition à laquelle il devra faire face, nous y consacrerons un article complet. Mais en attendant, nous essaierons de détailler au mieux le potentiel du futur avion de patrouille maritime européen.
Le projet de développement de l’A319 MPA.
Comme toujours avec l’Europe, le programme A319 MPA est ambitieux et, s’il se concrétise, il donnera naissance à une nouvelle génération d’avions de patrouille maritime. Des appareils dérivés de modèles civils et dédiés à une large gamme de missions : lutte anti-sous-marine, lutte contre les navires en surface, renseignement, reconnaissance et bien-sûr surveillance.
Le contrôle des frontières maritimes est un enjeu majeur. Quand on remarque l’étendue du littoral de pays comme la France, la Chine, les Etats-Unis ou l’Inde, on comprend vite qu’un outil de contrôle est indispensable. Si on parle de plus en plus de drones pour accomplir ces missions, un appareil piloté reste une composante essentielle, surtout compte tenu des avancées technologiques des UAV et des législations attenantes.
L’A319 MPA est donc considéré comme le projet d’avion de surveillance maritime du XXIème siècle. Rappelons-nous des très bonnes performances de la famille des Airbus A320 qui en ont fait l’appareil de ligne le plus vendu après le B737 (qui bénéficie de son âge plus avancé).
Dériver un appareil militaire depuis un appareil civil qui a fait ses preuves présente de nombreux avantages, comme un risque moins élevé dans son industrialisation et des économies d’échelle non négligeables en ces temps de compression des budgets de Défense. L’avion bénéficiera aussi du service d’assistance développé depuis des années par Airbus pour ses clients présents sur la planète entière.
Le futur appareil pourra bénéficier de l'expérience de son cousin civil. Appareil économe tant dans son exploitation que dans sa maintenance, c’est un excellent rapport qualité-prix. Il bénéficiera de toutes les avancées faites par Airbus, comme son système de maintenance centralisée.
Embarquer les meilleures technologies qui font de l’Europe un des plus grands avionneurs mondial sera une des priorités de l’A319 MPA. On pense surtout à la console « fly-by-wire » que l’on a déjà pu croiser sur l’A330 MRTT. Le système embarqué est certainement le plus moderne du marché et bénéficiera en plus de l’expérience de CASA (FITS). Ce système FITS développé par CASA fut d’ailleurs proposé aux Indiens et équipent les P-3 Orion modernisés par Airbus Military.
Toutes ces technologies de pointe réduiront considérablement la tâche des opérateurs permettant ainsi une plus grande efficacité. Rien que dans le cockpit, l’équipage aura à sa disposition six grands écrans permettant par exemple de mieux conduire des opérations de lutte anti-sous-marine à basse altitude.
Dérivé des appareils civil d’Airbus, l’A319 MPA bénéficiera encore des 3,70m de fuselage qui offriront un maximum d’espace aux opérateurs. De plus, puisque l’appareil n’embarquera pas de passagers, les soutes vont accueillir un réservoir additionnel ainsi que de l’armement. Un armement dédié aux frappes sous-marines mais aussi de surface. Outre la soute pouvant contenir jusqu’à huit points d’emport, l’appareil disposera de quatre stations sous ses ailles permettant le tir de missiles anti-surface (marine ou terrestre). Evidemment, l’avion disposera aussi de systèmes d’auto-défense avancés.
Enfin, l’appareil pourra être équipé en option du fameux UARRSI permettant un ravitaillement en vol. Le réceptacle se trouvera alors sur le haut du fuselage.
Du potentiel à l’export mais attention, la compétition sera rude.
Malgré la récente rénovation de ses Wedgetail AEW&C, l’Australie s’est déjà dite intéressée au même titre que la France et l’Italie. On sait aussi depuis 2009 que les Emirats arabes unis discuteraient de manière exclusive avec la France en vue d’acquérir deux de ces appareils. Pour le pays, il s’agit principalement de renforcer ses moyens d'écoutes électromagnétiques. La France sera certainement très impliquée dans le sort de l’A319 MPA, puisque Thales devrait jouer un rôle primordial dans ce programme. Cependant, la récente décision de transférer la production des A320 en Allemagne risque de calmer la motivation française.
Enfin, nous parlions récemment du renouvellement de la flotte d’E-3F, les AWACS français. S’il nous apparaissait évident que le développement d’un appareil de ce calibre par l’Europe n’était pas justifié, l’avènement de l’A319 MPA pourrait changer la donne. Combiné au savoir-faire suédois en la matière (Erieye fabriqués par Saab Microwave Systems, anciennement Ericsson Microwave Systems), le nouvel appareil ouvre des perspectives. Si l’on rêve à une industrie aéronautique européenne ambitieuse, des développements futurs de l’A319 MPA pourraient amener l’appareil à remplacer l’AWACS grâce à l’évolution des technologies du vieux continent. En attendant, la rénovation des E-3F coûtera 324M$ et durera jusqu’en 2015.
Un projet pour le futur.
Si l’A319 MPA n’est encore qu’un projet, déjà l’US Air Force pense au remplacement des ses E-3 AWACS, E-8 Joint Stars et RC-135 Rivet Joint par un seul et même avion. Une ambition qui aura un temps été mise en sommeil par l’ancienne Administration Bush. A cette époque, on pensait que ces missions pourraient toutes être remplies par des engins spatiaux. Une approche qui aurait été extrêmement coûteuse et qui n’aurait pas forcément fonctionné. Du coup, c’est une nouvelle fois l’idée qu’un dérivé du Boeing 737 puisse remplir les missions dévolues à ces trois appareils qui refait surface. Ainsi, l’idée de voir l’A319 MPA remplir toutes ces missions n’est pas absurde.
Reste à savoir si l’Europe aura le cran de concrétiser ce nouveau projet et surtout si elle le fera dans le bon timing. Boeing s’est déjà fait souffler la vedette par les Chinois. En effet, la Chine vient de procéder au premier vol d’un appareil de surveillance. Un prototype embarquant des technologies « chinoises » sur un appareil qui n’est autre qu’un B737-300 ! Le premier prototype américain n’est prévu que dans trois ans…
A noter enfin que Washington n’aurait pas réagi face à cet évènement. De quoi laisser songeur face aux discours affirmant que l’industrie aéronautique chinoise est « sous contrôle ».
A lire aussi : Les C-212, C-295 et CN-235 toujours à l'affût.
ou de la nécessité de fabriquer des drones HALE en Europe.
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