Aeroplans - E-C3FLe 3 février 2010, la compagnie Boeing a annoncé, dans un communiqué de presse, la signature d’un contrat de 324 millions de dollars pour la modernisation de la flotte des avions radars français E-3F du 36ème escadron de détection et de contrôle aéroporté d’Avord. C’est en fait la totalité de la ressource en AWACS (Airborne Warning and Control System) de l’armée de l’air qui est concernée puisque seuls quatre appareils garnissent les rangs français. Ces avions arrivent à mi-vie et il est temps de les faire évoluer. Alors que le débat sur l’indépendance technologique de l’Europe fait une fois de plus le plein, nous en profitons pour revenir sur l’achat de ces appareils américains.

 

 

 

La modernisation de quatre AWACS.Aeroplans - AWACS

Le constructeur américain Boeing a donc empoché au début du mois un contrat de 324 millions de dollars au profit de l’armée de l’air française. Pour ce montant, le ministère de la Défense souhaite moderniser ses appareils ainsi que ses systèmes sols correspondants. Le but de la manœuvre est entre autres d’améliorer le potentiel des opérations en réseau menées par les AWACS français. L’évolution vers le bloc 40/45 de l’armée de l’air américaine augmentera les capacités, la fiabilité et l’efficacité d’exécution des missions, tout en réduisant les coûts de gestion du cycle de vie. Actuellement, les E-3F sont notamment utilisés pour la lutte anti-piraterie au large de la Somalie.

De plus, selon le ministère de la Défense les appareils rénovés comprendront quatre nouvelles consoles : « Elles réduiront la charge de travail des opérateurs de mission qui consacreront d’avantage de temps à la gestion du champ de bataille. »

Les E-3F partent donc pour un chantier qui devrait durer quatre ans. Il débutera en 2012 et devrait être terminé en 2015. À raison de grossièrement un appareil par an, les opérations de l’armée de l’air ne devraient pas être trop impactées. Ces travaux auront lieu entre la base américaine d’Hanscom (Massachusetts) et l’aéroport du Bourget puisqu’Air France Industries participe à l’opération. En 2015 ce seront donc des avions mis à jour qui prendront le relais. Une situation idéale pour continuer à travailler dans les meilleures conditions sur le territoire national ou dans un contexte multinational comme celui de l’OTAN.

Au-delà de l’indépendance, il s’agit de vivre dans le monde réel.

Aeroplans - AWACSParis, tout comme Londres voisine dispose de sa propre flotte d’AWACS. Un choix qui se justifie à la fois par les moyens alloués à leur défense comme par le désir de ces armées de se doter des meilleurs moyens opérationnels pour assumer leurs missions dans le monde. Or, quand on voit la publicité faite autour de ces appareils ainsi que leur utilité sur le champ de bataille, on est en droit de se demander pourquoi l’Europe ne se lance-t-elle pas dans la construction de son propre appareil ?

La réponse est simple, trop cher et pas assez rentable. Si les États-Unis ont pu se permettre de développer cet appareil, il est évident qu’un concurrent tuerait le marché. Si les Européens se lançaient (et ce n’est pas prévu) dans le développement d’un AWACS, on voit mal comment cet appareil pourrait se vendre suffisamment pour être rentable. En dehors de la France et du Royaume-Uni, les AWACS sont peu nombreux dans les cieux européens. L’Allemagne par exemple possède ce type d’appareils, mais en copropriété dans le cadre de l’OTAN.Aeroplans - AWACS

Ainsi, il a été bon de pouvoir compter sur ce projet américain pour satisfaire à nos propres besoins. D'une part, la vente d’AWACS reste énigmatique dans le bilan de Boeing. Ceci n’avantage donc pas l’avionneur par rapport à Airbus. De plus, même si dans notre esprit l’AWACS est un avion américain rien n’empêcherait l’armée de l’air française de mieux communiquer sur les capacités de la flotte française. L’outil d’influence américain serait alors utilisé à des fins de propagande française.

Pour conclure, si l’AWACS est un symbole de l’industrie aéronautique américaine, les Européens ne doivent pas se sentir investis de telles missions. Si l’A400M a prouvé le désir des États d’Europe de s’unir pour une industrie de défense commune, il a aussi démontré que l’Europe ne peut pas tout faire toute seule. Il faut savoir partager et le cas de l’AWACS est un bon exemple. Ainsi, si les Américains sont capables de produire un tel appareil rentré en service dans l’USAF en 1977, en Europe on voudrait peut-être se spécialiser sur le développement de nouvelles technologies plutôt que de travailler sur des bases anciennes. Pour cela, acheter outre-Atlantique n’est pas incompatible avec le désir d’indépendance européen et surtout français. Une nouvelle fois, on se rend compte que l’Europe est condamnée à innover. Pour vendre ses appareils souvent plus chers, il faut que ces derniers possèdent une plus value importante.

Michael Colaone.