Ça y est. Barack Obama, l'a annoncé mardi matin : les Etats-Unis renoncent officiellement à leur programme d'exploration de la Lune, et donc a fortiori de Mars. Les analystes de Washington ont en effet estimé que cet ambitieux programme, lancé par George W. Bush en 2004, n'était réalisable qu'au prix de rallonges budgétaires et calendaires exorbitantes.
La NASA va terminer la construction de la Station Spatiale Internationale, et s'engage à l'exploiter au moins jusqu'en 2020. Mais le budget 2011 que le Président nobélisé vient d'annoncer « annule le programme Constellation, y compris les lanceurs Ares I et Ares V et le véhicule d'exploration habité Orion », comme l'a reconnu l'administrateur Charles Bolden.
Est-ce réellement une surprise ? Pas tant que ça. Comme nous l'avions déjà écrit au moment du premier - et dernier - vol d'essai d'Ares I, le service des relations publiques de la NASA était le seul à croire réellement à un retour sur la Lune et au début d'une « nouvelle ère ». Le concept même du programme Constellation condamnait les Américains à réitérer ce qui avait été fait du temps d'Apollo, dans les années 1960.
C'est dire qu'à part prendre quelques belles photos, il n'allait pas permettre les avancées significatives que seule une base permanente sur la Lune pourrait provoquer. De plus, le Président Bush avait vanté le vaisseau Orion comme le premier pas vers l'exploration habitée des planètes du système solaire, ce qui n'était ni plus ni moins que de la démagogie, principalement destinée à faire fantasmer l'électorat Républicain rêvant de voir la bannière étoilée afficher la suprématie américaine aussi loin que possible.
Plus que le « bond de géant en arrière » que certains parlementaires républicains tentent de dénoncer, l'arbitrage de Barack Obama ressemble donc davantage à un retour à la réalité. Car comme Charles Bolden l'a précisé, « la vérité est que (la NASA) n'était tout simplement pas sur le chemin du retour sur la Lune ».
Le nouveau budget 2011 est toutefois en nette augmentation (6Md$ sur cinq ans). Les sommes supplémentaires, ainsi que celles dégagées par l'abandon de Constellation, seront utilisées pour développer de nouvelles technologies. L'agence spatiale américaine s'oriente donc vers plus de R&T, et elle laissera la responsabilité du transport spatial habité au secteur privé.
La grande question est de savoir quelle sera la réaction de l'Europe et de la Russie. Jusque là, cette dernière construisait son programme spatial habité en fonction de ce que faisait l'éternel rival américain. Sans ce « moteur » qui les tirait vers le haut (littéralement), les Russes risquent fort de revoir leurs ambitions à la baisse, voire d'abandonner tout projet de remplacement de leur flotte actuelle de vaisseaux Soyouz TMA.
Le Vieux Continent, quant à lui, ne savait déjà pas où aller quand l'Amérique lui montrait le chemin, et on peut donc redouter le pire. On voit mal l'ESA se lancer seule dans un programme d'exploration lunaire unilatéral, et le mieux qu'on peut espérer est la réalisation d'une version habitée de l'ATV (projet ARV), qui est à l'étude chez EADS Astrium.
Plus que jamais, les acteurs traditionnels du spatial semblent avancer en aveugle, voire ne pas avancer du tout. L'avenir nous dira si cela entraînera une stagnation à l'échelle mondiale, ou si de nouveaux arrivants, tels que la Chine ou l'Inde, ouvriront la voie.
Nicolas Pillet.
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