Le lanceur européen Ariane 5 a accompli avec succès aujourd'hui sa sixième mission de l'année 2009, en plaçant sur orbite de transfert géostationnaire les satellites NSS-12 et Thor-6 pour le compte des opérateurs SES World Skies et Telenor Satellite Broadcasting.
La masse totale à injecter sur orbite était de près de neuf tonnes. Le tir fut effectué de jour, à 17h heure locale dans un ciel un peu nuageux, ce qui a empêché de voir la sépération des Etages d'Accélération à Poudre notamment. Les satellites furent largués au bout d'une trentaine de minutes de vol.
NSS-12 est un satellite de télécommunications de 5 700kg destiné à remplacer NSS-703 à 57° Est. Il permettra de couvrir une grande partie de l'hémisphère Est, soit le Moyen-Orient, l'Europe, l'Asie centrale et du Sud, ainsi que l'Afrique de l'Est. Il a été conçu par le constructeur américain Space Systems/Loral sur un bus de la série FS 1300 doté de 88 répéteurs en bandes C et Ku.
Ce fut le 32ème lancement de satellites pour le compte de l'opérateur SES World Skies par Arianespace sur un total 41 satellites constituant la flotte de ce groupe, Ariane 5 avait d'ailleurs déjà placé sur orbite le satellite NSS-9 en février de cette année.
Quant au satellite Thor-6, il sera chargé de la diffusion de la télévision en direct à partir de la position 1° Ouest afin de remplacer Thor-3. Il permettra de couvrir les pays scandinaves ainsi que les pays d'Europe Centrale et de l'Est d'où provient une demande croissante dans le domaine d'activité du satellite. Celui-ci est conçu sur la base d'un Spacebus 4000B2 doté de 36 répéteurs en bande Ku construits par Thales Alenia Space.
Le prochain vol d'Ariane, le Vol 193, est prévu pour le 10 décembre et sera un peu particulier car il emportera le satellite Hélios-IIB du ministère de la Défense, ce qui impliquera des mesures de sécurité très importantes autour du site, avec notamment le déploiement d'avions de chasse sur l'aéroport de Rochambeau. La version d'Ariane 5 ne sera pas l'ECA mais la GS car il s'agira d'un lancement simple sur orbite polaire et non d'un lancement double sur orbite de transfert géostationnaire comme le fait généralement Arianespace. C'est d'ailleurs la dernière Ariane 5GS produite, elle fait partie du lot précédent commandé par la société, ce lanceur attendant depuis plusieurs années du fait des reports successifs du lancement de ce satellite.
Vol inaugural d'Ares I-X
La veille du Vol 192 d'Ariane 5 eut lieu un autre évènement important, le premier tir d'essai de l'hypothétique remplaçant de la navette américaine, le lanceur Ares I-X. Le lancement fut effectué avec un jour de retard du fait de nombreux facteurs, d'abord météorologiques avec des vents en altitude, puis du fait d'un problème avec une protection en plastique refusant de se retirer au sommet du lanceur. Vint ensuite un navire de commerce dans la zone dangeureuse de l'Atlantique Nord, reportant le lancement de dix-neuf minutes, qui permirent au mauvais temps de se réinstaller.
Bref, ce ne fut décidément pas le bon jour pour le lancement, qui fut reporté au lendemain après quatre heures d'essais infructueux. Ce lendemain fut néanmoins plus heureux pour les responsables de la NASA puisque le lancement eut lieu à 16h30 dans de bonnes conditions, le vol de 2min30s s'achevant à la fin de la combustion du premier étage et à la séparation de celui-ci avec le reste du lanceur (second étage + charge utile, tous deux factices) comme prévu.
Néanmoins, ce test, qui aura coûté 445M$ à la NASA, pourrait bien se révéler en grande partie inutile. En effet, un récent rapport commandé par le Président américain fait état de la non adaptation du lanceur Ares I aux besoins de la NASA dans sa future mission d'exploration du système solaire. Le rapport Augustine, du nom de l'ancien président du groupe Lockheed Martin chargé de cet audit, préconise une remise à plat complète du programme d'exploration Constellation afin de trouver des solutions moins onéreuses que celles retenues par l'Administration Bush, à savoir un lanceur léger Ares I destiné à envoyer l'équipage, ainsi qu'un lanceur lourd Ares V pour le lancement du train lunaire.
L'audit propose cinq scenarii apportant des solutions différentes, par exemple un prolongement de la durée de vie des navettes (qui de toute façon devront être prolongées jusqu'en 2011 et non 2010 comme prévu au vu des lancements restant à effectuer) ou encore le recours à des compagnies privées telles que Space X. Mais surtout, les deux scenarii "favoris" retiennent une solution basée sur un seul lanceur Ares V "light" permettant l'envoi aussi bien de l'équipage que du train lunaire, économisant ainsi le coup de développement d'un lanceur.
Ainsi, le lancement d'Ares I-X, même si il permet de montrer la faisabilité d'un tel lanceur, ne suffira peut-être pas à sauver celui-ci des griffes du Congrès américain qui cherche, en ces temps de crises, à économiser autant que possible sur de nombreux programmes, celui d'exploration lunaire étant une cible de choix puisque très onéreux et risqué.
De plus, un ralentissement du programme spatial américain serait aussi néfaste pour l'Europe spatiale car l'ESA s'associe souvent à la NASA dans ses programmes, notamment ceux d'exploration car elle n'est pas en mesure de les financer seule. Les Etats européens seraient alors tentés de réduire eux aussi leur budget, perdant ainsi une expertise dans le domaine spatial, et laissant la voie libre à la Chine et à la Russie ainsi qu'aux autres puissances émergentes pour la conquête de l'Espace, domaine éminemment stratégique.