Aeroplans - Decollage de l'Euro Hawk ce 29 juin a Palmdale © Northrop GrummanGrâce à leur joint venture EuroHawk, GmbH, EADS, via Military Air Systems (MAS) et leur partenaire américain, Northrop Grumman, développent conjointement un drone HALE (Haute Altitude Longue Endurance). Ce projet unique en Europe donne progressivement naissance au premier drone de ce type sur le vieux continent. Ceci du moins en partie puisque le RQ-4-B Global Hawk reste tout de même une plateforme américaine.

Le 29 juin 2010 à 10H32 du matin, l’Euro Hawk a pris pour la première fois son envol. Ce vol inaugural aura eu lieu depuis la base de Northrop Grumman à Palmdale en Californie. Une avancée encourageante pour le premier client en coopération pour l’industriel américain du Global Hawk. Ce programme d’EADS Défense & Sécurité se fait au bénéfice de son unique client, l’armée allemande.

 

Un premier vol sans accro au dessus de la Californie.

L’UAS (Unmanned Aircraft System) a donc pris son premier envol le 29 juin dernier. Construit par Northrop Grumman Corporation en coopération avec EADS, le drone est monté jusqu’à 9 700 mètres (32 000 pieds) d’altitude au dessus du désert. Il est revenu à terre deux heures plus tard, à 12H24 sur la base de l’armée de l’air américaine d'Edwards, toujours en Californie.

Pour Duke Dufresne, “sector vice president and general manager of the Strike and Surveillance Systems Division for Northrop Grumman's Aerospace Systems” le vol inaugural s’est très bien déroulé : « l’Euro Hawk symbolise la première mise en configuration international pour le drone HALE RQ-4-B Global Hawk. Ce programme renforce cette première coopération transatlantique entre Northrop Grumman, l’Allemagne et EADS DS. C’est un très bon départ pour le programme d’essais en vol de l’Euro Hawk ainsi qu’un bel hommage au travail des équipes de Northrop Grumman et d’EADS DS qui ont permis cet évènement. »

Aeroplans - L'Euro Hawk en vol © Northrop Grumman Corp.

Cet engin est développé sur la base du Global Hawk Block 20. Il sera cependant équipé du système de mission SIGINT (SIGnals INTelligence) développé par EADS. Le drone possède une envergure plus grande qu'un avion de ligne et peut rester en l'air pendant trente heures à plus de 60 000 pieds d'altitude. Ce système de reconnaissance à haute altitude destiné aux missions de renseignement a été spécialement modifié pour répondre aux exigences du client allemand.

Aeroplans - RQ-4 Block 20 Global Hawk © Northrop Grumman   Corp.

Le système SIGINT ultrasophistiqué mis au point par EADS, est capable de détecter, à distance de sécurité, toutes les sources d’émission radar ELINT (ELectronic INTelligence) et de télécommunications COMINT (COMmunications INTelligence). EADS fournira également les stations sol de réception et d’analyse des données transmises par l’Euro Hawk, afin de pourvoir la Luftwaffe d’une solution de système totalement intégrée.

Selon les termes originaux signés le 31 janvier 2007, le démonstrateur de l’Euro Hawk devrait être livré aux Allemands en 2011. Quatre exemplaires supplémentaires, totalement opérationnels seront eux livrés entre 2015 et 2016.

Le Global Hawk est en outre une plateforme très performante et en constante évolution. Nous pensons notamment au programme baptisé KQ-X. Ce dernier attribué à Northrop Grumman Corporation en coopération avec la NASA vise à démontrer de la faisabilité d’un ravitaillement en vol entre deux drones. Inutile de préciser que Aeroplans - Concept de la NASA KQ-X © Northrop Grumman  Corp.cette technologie ouvrira l’appétit de nombreux opérationnels en Europe.

Enfin, l'on s'étonnera peut-être que cette coopération se passe sans accro visible alors que le dossier des ravitailleurs de l'US Air Force bat son plein. Finalement, on se demande si les problèmes de coopération transatlantique ne seraient pas seulement duent à Boeing. Rappelons-nous qu'au départ, c'est une nouvelle fois Northrop Grumman qui s'était associé à EADS pour le contrat KC-X.

Il faut croire que lorsque l'Europe se porte acquéreuse, même d'une technologie très sensible, personne n'y voit d'inconvénient. A l'heure où tout le monde semble persuadé qu'une vente s'accompagne obligatoirement de transfers de technologies et de la délocalisation d'une partie de la production, force est de constater qu'ici, les drones seront produits aux Etats-Unis.

Entre besoins opérationnels et restrictions budgétaires.

Cette phrase qui devient un casse tête pour l’industrie de défense européenne dans son ensemble s’applique bien évidement à l’Allemagne. L’arrivée de l’Euro Hawk permettra entre autre de remplacer la flotte vieillissante des Breguet Atlantic (version SIGINT), dont la mise en service remonte à 1972. Le 20 juin dernier, la Marine Allemande mettait fin à la carrière opérationnelle de son dernier Breguet Atlantic encore en service, portant le numéro « 61+03. Au-delà, nous pensons bien évidement à d’autres applications comme en France avec le remplacement à long terme des AWACS, C-160G Gabriel ou C-160 H Astarté.

Aeroplans - AWACS francais au decollageAinsi, si le développement d’un drone HALE européen n’a, tout comme l’était l’AWACS en son temps pas de sens, l’adaptation de la technologie américaine pour les besoins européens parait être une bonne stratégie. Le volume que l’on peut estimer pour répondre aux besoins des armées européennes et surtout à leurs budgets ne permet pas de soutenir la thèse du développement d’un drone HALE dans un futur proche. Ainsi, la stratégie allemande et d’EADS visant à développer l’Euro Hawk semble cohérente.

Avec ce système, l’Allemagne et EADS ne prennent pas le risque de développer un UAS de cette classe. Le Global Hawk est actuellement avec le Eitan israélien le seul représentant des drones HALE dans le monde. Le risque de développement est donc très important en vue de son industrialisation. D'ailleurs Washington pourrait mettre entre parenthèse ce programme pour des raisons de budget. De plus, cette stratégie va dans le sens des plus frileux en Europe qui souhaitent principalement adapter du matériel étranger avec des moyens européens. Ici, la structure est donc américaine tandis que les moyens de renseignement sont eux européens.

Aeroplans - Euro Hawk en vol le 29 juin © Northrop Grumman Corp.Cependant, les Etats-Unis gardent la main sur la vie de l’UAS dans son ensemble comme ça peut être le cas avec les Harfang développé sur une cellule israélienne. Rien que lors des essais à Istres, les équipes européennes n’avaient pas eu l’autorisation de suivre toutes les phases d’évaluation des drones israéliens. Nous ne savons pas si c’est le cas pour l’Euro Hawk.

Outre le développement de l’avion, leur entretien devra se faire grâce au concours des Américains. S’il est évident que chacun souhaite coopérer avec l’allié des Etats-Unis, la maitrise de technologies clés reste un débat en Europe et principalement en France. L’indépendance technologique est alors remise en cause puisque si l’on reprend le cas des Harfang en service dans l’armée française, nous rappellerons que l’un d’entre eux à frôlé la catastrophe récemment. Il a alors pris le chemin d’Israël qui assure le service de réparation.

Un beau programme pour l’Allemagne mais peu d’échos dans le reste de l’Europe.

La Luftwaffe vient de rentrer dans une nouvelle aire en commençant le déploiement opérationnel de drone HERON 1 en Afghanistan. L’armée allemande dans son ensemble cristallise son ambition de se doter d’une gamme complète de drones pour renforcer ses moyens de surveillance et de renseignement. A ce jour, les Allemands continuent d’ouvrir officiellement la porte au développement d’un UCAS (Unmanned Combat Aircraft System). Des appareils qui remplaceraient à long terme une partie des missions allouées à la flotte d’Eurofighter ou de Tornado pour ne citer qu’eux.

On se souvient alors du démonstrateur Barracuda. Après s’être abîmé en mer en septembre 2006, le banc d’essai destiné à tester les technologies et procédures qui serviront à des drones matures de prochaine génération a repris en juillet 2009 les essais en vol sur la base aérienne canadienne de Goose Bay. Ceci avec un nouveau Aeroplans - UCAS Barracuda par EADSvéhicule amélioré et toujours « tout électrique ».

En attendant, l’armée allemande va devoir elle aussi faire des économies. Le plan de rigueur du gouvernement en prévoit 4 milliards d’euros jusqu’à 2014. Ceci ne devrait pas remettre en cause les livraisons d’Euro Hawk déjà prévues.

Ailleurs en Europe, selon les informations du Figaro, le budget du ministère français de la défense sera gelé en 2011. Mais il augmentera de 450 millions d'euros en 2012 et de 500 millions en 2013. Une nouvelle qui ne permet pas d’entrevoir l’arrivée d’Euro Hawk en France d’autant plus que les AWACS vont être remis à niveau.

Aeroplans - RQ-4 Block 20 Global Hawk © Northrop  Grumman Corp.D'un autre côté, on pourrait imaginer que l'Euro Hawk trouverait sa place dans les forces françaises. On pense alors au remplacement des appareils dédiés au renseignement d'origine électromagnétique tactique et stratégique. Le C-160G Gabriel qui reste considéré comme l'un des meilleur avion SIGINT électronique au monde ou son cousin le C-160 H Astarté (Avion STAtion Relais de Transmissions Exceptionnelles) sont de ceux là. Comme le prouve l'arrivée de l'A400M, les Transall arrivent en fin de vie.

De plus, l'accession au niveau drone nous permettrait d'oublier définitivement le dossier du DC-8 Sarigue NG (Système Aéroporté de Recueil d'Informations de Guerre Electronique). Une affaire coûteuse qui n'avait pas pris en compte que les pièces de la cellule de l'antique DC-8 sur lequel il se base n'étaient plus produites alors que ses équipements de guerre électronique étaient quant à eux à la pointe de la technologie.

Ailleurs en Europe, le budget de la défense espagnol a lui été réduit Aeroplans - Euro Hawkde presque 9%, soit plus de 600 millions d’euros cette année. De nouvelles coupes sont attendues en 2011. Au Royaume-Uni, nous attendons une réduction « très, très brutale » selon Liam Fox, le ministre de la défense britannique.

Or, au delà des coupes budgétaires les armées sont équipés de matériels différents et parfois en service pour encore de nombreuses années. Et c'est bien là un des obstacles à l'européanisation de la défense. D'un côté, certains pays doivent faire face à des besoins urgents. Ici, l'Allemagne peut et doit aller de l'avant avec ce projet de drone HALE tandis qu'en France, on doit assumer une avance prise dans le passé.

Dans le cas où l'Europe aurait réussi à s'entendre sur ce nouveau matériel qui deviendra à terme déterminant, on peut logiquement penser aux échanges de technologies mentionnés plus haut. Avec un volume plus important, une telle demande aurait eut plus de poids. Cependant, cela serait sans compter avec le désir des Américains de protéger leurs technologies de pointe.

Aeroplans - Euro Hawk en vol le 29 juin © Northrop Grumman Corp.