Petit rappel sur le projet A-UAV (Advanced-UAV), maintenant dénommé Talarion. Selon EADS, il s’agit d’un programme européen lancé en 2007 pour le développement d’un drone avancé de type MALE (Moyenne Altitude - Longue Endurance), destiné à répondre aux besoins exprimés par l’Allemagne, l’Espagne et la France en faveur d’un système sans pilote endurant dévolu à leurs futures missions de surveillance et de reconnaissance des théâtres d’opérations.
Véritable outil high-tech, le drone sera innovant par ses capacités de communication et de détection de toute dernière génération. Il sera capable d’orbiter au-dessus du théâtre d’opérations à haute altitude et pendant des périodes prolongées grâce à une voilure à fort allongement.
De plus, à l’instar de son homologue américain, le Predator, EADS prévoirait de développer une version armée de l’appareil. Pesant déjà 7 tonnes, il pourrait embarquer une tonne d’armement, a priori sous la forme de missiles air-sol. Si, dans un premier temps, le drone vise à répondre aux besoins des missions ISTAR (renseignement, surveillance, ciblage et reconnaissance), il pourrait également servir pour des missions de surveillance maritime, de surveillance du territoire et de lutte anti-terroriste. Prévu pour une certification en Europe, la configuration biréacteur du Talarion lui permettrait d’assurer la sécurité en vol de ses charges utiles. Prévu en remplacement des drones Harfang, on remarque tout de suite qu'il va bien au-delà des capacités de son prédécesseur.
Le cahier des charges final avait été présenté aux Forces Armées clientes en avril 2009, au vu d’évaluation finale et de la planification budgétaire consécutive. Aujourd’hui, les trois pays n’ont pas encore notifiés de façon claire et définitive leur engagement dans ce programme. Ceci alors que le lancement du développement du projet est attendu au deuxième trimestre 2010, dans la perspective des premiers vols en 2013 et d’une Capacité opérationnelle initiale (Initial operational Capability – IoC) en 2016 selon EADS. Les besoins sont encore évalués à 18 drones pour la France et l’Allemagne, 9 pour l’Espagne soit 45 appareils sans parler de possibilités à l’export.
Cependant, EADS fait actuellement face à certains problèmes relationnels avec ses clients, ainsi qu'à des difficultés de financement. Les autres programmes du groupe semblent en effet avoir aujourd’hui un impact sur le futur de ce drone haut de gamme. Nous tentions de résumer les discussions tendues qui ont actuellement lieu au sujet de l’A400M dans des articles précédents. Si a priori les deux programmes ne dépendent pas de la même division d'EADS, le groupe menace aujourd’hui ses clients d'un possible arrêt du programme.
Si les négociations sur le financement du développement restant de l’A400M aboutissent en faveur des pays clients et que le groupe doit prendre en charge plus que provisionné, il va inévitablement chercher à sécuriser ses autres programmes. A priori, ce sera le cas du programme Talarion. Si l'Allemagne, la France et l'Espagne ne passent pas de commandes fermes pour cet avion sans pilote d'ici l'été, "nous devrons geler ce programme", a déclaré le responsable de la branche défense d'EADS Stefan Zoller au Financial Times Deutschland. Pour la suite du développement du drone, EADS attend de ses clients la somme de 1,5Md€. Cette somme viendra alors s’ajouter au prix d’acquisition qui devrait s’élever à 1,4Md€ pour ces 45 A-UAV.
En dehors des retards prit par l’A400M et les relations tendues entre la France, l’Allemagne, l’Espagne et EADS, le groupe d’aéronautique et de Défense européen voit le manque de moyens de ses clients s’inviter dans la partie.
On entend de plus en plus parler d’un projet "hors de prix" et "trop risqué". En France, le programme de 2,9Md€ (réparti sur les trois pays) ne semble pas inscrit dans la loi de programmation militaire, qui n'a prévu sur 2009-2014 que 139M€ pour le segment Male. Ainsi, les trois clients initiaux du programme Talarion pourraient faire machine arrière.
Quatre solutions alternatives seraient envisagées : l'achat de drones américains Predator, une offre commune de Dassault Aviation et Thales, ou de Dassault avec IAI sur la base des Harfang, ainsi qu'une éventuelle coopération entre Dassault Aviation et les Britanniques. Dans le premier cas, l’Europe s'éloignerait encore un peu plus de son indépendance et sa capacité même à produire des drones. Outil d’avenir, cette composante est de plus en plus utilisée dans le monde, et elle représente un intérêt certain si elle est correctement exploitée.
La solution américaine passerait certainement par des Predator Reaper, puis Heracles quand celui-ci sera en service. La solution serait très sérieusement envisagée par l'Etat-Major. Enfin, dans le cas où un nouveau projet devait être lancé en remplacement du Talarion, il serait tout d’abord de bien moindre qualité ce qui rappellerait au monde la manque d’ambition européenne, mais aussi individuelle, des pays concernés. Ensuite, il ramènerait tout le monde des années en arrière, vers le début d’un développement d’un nouveau drone et une mise en service dans un futur lointain. Avec un retard significatif sur l’offre américaine, l’Europe peut-elle se permettre de renoncer à des années de R&D dans un domaine de pointe ?
L’Europe possède en dehors de cela d’autres projets en cours de développement de drones et notamment d’attaque. On pense alors à l'ambitieux programme nEUROn, emmené par Dassault Aviation. Ce programme, qui réunit la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la Suisse et la Belgique (ainsi que la Suède depuis fin 2005), pourrait néanmoins être concurrencé dans une certaine mesure par un projet lancé par l’Allemagne via EADS et dénommé Barracuda. Ce projet serait cependant de moindre envergure comparé au nEUROn, mais peu de détails ont pour le moment filtré.
Michael Colaone.