La problématique des futurs avions de transport tactiques est un sujet brûlant en Europe. Alors que le marché est pour, le moment, sous domination américaine et russe, l’entrée d’Embraer Defense Systems avec son KC-390 ne passe pas inaperçue. L’appareil est désormais dans sa phase de développement initiale. Ceci grâce au soutient toujours indéniable de l’armée de l’air brésilienne (FAB) mais aussi avec en point de mire une coopération plus internationale.
En France nous connaissons assez bien le KC-390. L’achat potentiel d’une douzaine d’exemplaires de cet avion de transport tactique en compensation de la vente de Rafale fait du bruit. Nous verrons qu’en plus de cette micro-flotte qu’il sera difficile d’entretenir au sein de l’armée de l’air, le KC-390 pourrait aussi faire de l’ombre à l’A400M.
La FAB officialise son intention d’acquérir 28 KC-390.
La force aérienne brésilienne a toujours travaillé en étroite collaboration avec Embraer. Depuis la création de l’avionneur en 1969, ce partenariat stratégique hisse la division de défense brésilienne vers les sommets. Quoi de plus logique que cette hypothétique commande puisque depuis le début le développement de l’appareil se fait en collaboration avec la FAB au travers de la construction des deux démonstrateurs. Le programme de développement a été signé en avril 2009 par les deux parties.
Lors du 47ème salon international de Farnborough, l’intention de la FAB d’acheter 28 KC-390 est désormais officielle. Pour Orlando José Ferreira Neto, Embraer Executive Vice President pour les marches de défense : « Cette annonce renforce la motivation et la détermination d’Embraer à développer un produit qui pourrait surpasser les attentes de la AFB comme celles du marché ».
En attendant que le programme avance, Embraer commencerait déjà à approcher des gouvernements étrangers en vue de développer des partenariats autour du KC-390. Ceci notamment pour la fourniture de ses réacteurs. Les études préliminaires sont maintenant achevées. Les tests les plus importants en soufflerie ont permis de valider l’aérodynamique et la structure de l’avion. Le premier vol de l’avion est attendu pour 2014 tandis que sa mise en service opérationnelle devrait avoir lieu en 2015. La FAB attend ses premiers exemplaires aptes au service pour 2016.
Un appareil qui a du potentiel.
Le KC-390 devrait apporter de nouveaux standards dans cette gamme d’avions de transport tactique. Sur la marché, il entrera en concurrence avec les C-130J, A400M ou encore C-295. Selon Embraer, les atouts principaux du KC-390 seront que l’avion turbopropulsé affichera un taux de productivité record pour un coût d’entretien très bas. On se rapproche alors clairement de la politique d’EADS et de ses C-295, CN235 et C-212.
Pour Embraer, pas question de sortir un appareil rustique. Le KC-390 est annoncé pour être polyvalent. Capable d’évoluer sur des terrains courts et semi-préparés, il aura entre autres la capacité d’être ravitaillé en vol. De plus, Embraer assure que son appareil sera rapidement convertible en ravitailleur en vol. Il sera capable d’emporter 23,6 tonnes à son bord (4,6 tonnes de plus qu’attendu) sur une distance de 2590 kilomètres. Une maquette à taille réelle de son intérieur a été construite. Elle confirme après évaluation la grande versatilité de l’appareil.
Enfin, l’avion est attendu avec une avionique moderne. Un système complet de contrôle de vol « fly-by-wire » est en projet. Il réduira considérablement la charge de travaille de l’équipage lui permettant de se consacrer à d’autres occupations. Son système CARP (Computed Air Release Point) facilitera les largages en vol. L’avionique de bord comprendra aussi deux HUD (Head- Up Displays) et un système d’auto-défense complet. Les opérations du KC-390 seront compatibles avec le système Night Vision Goggles (NVG) pour les opérations de nuit.
Dans son portefeuille de missions on retrouvera le transport de troupes et de fret dans des environnements changeants et difficiles. Le Brésil demande à Embraer et à son KC-390 d’opérer dans des conditions très variables allant de la forêt Amazonienne à l’Antarctique.
Lockheed Martin l’annonce, le KC-390 devrait concurrencer son C-130J.
Avec cette commande initiale (qui reste à confirmer) de 28 appareils pour la FAB, Embraer souhaite voir les premiers exemplaires de son KC-390 quitter l’usine en 2016. Le taux de production annuel pourrait atteindre les 18 à 20 avions par an. Suffisant pour inquiéter officiellement le poids lourd du secteur, Lockheed Martin. L’avionneur voit en cet avion une menace potentiellement grave pour ses marchés. Reste à confirmer les capacités réelles de l’appareil.
Pour les Américains, le KC-390 viendrait en compétition sur le marché lucratif des avions de transport tactique face au C-130J, à l’A400M ou encore face au Boeing C-17. Des comparaisons étonnantes mais que Lockheed Martin tient déjà à faire et ce, notamment pour son C-130J : « [Face au KC-390] nous devons nous rappeler que le C-130J est un appareil largement éprouvé. Il est capable grâce à ses récentes mise à jour de répondre aux attentes stratégiques et tactiques du monde entier » se défend déjà Ross Reynolds, vice-président pour les programmes C-130 chez Lockheed Martin.
« Bien-sûr nous voyons le KC-390 comme un compétiteur. Mais la question centrale reste de savoir à quel point il est vraiment capable de remplir ses missions. Nous ne savons toujours pas. Le C-130J peut évoluer sur des terrains non préparés. C’est cette capacité qui fait notamment son intérêt. Reste à savoir exactement comment se positionnera le KC-390. » En attendant chez Lockheed Martin, on rêve à 250 commandes additionnelles pour le C-130J.
En France, l’avion fait partie des projets d’avenir de l’armée de l’Air. Alors que le contrat F-X ne devrait pas arriver à sa fin avant les élections présidentielles d’octobre, on se demande toujours si le pays possède une réelle vision d’avenir pour son parc d’avions de transport. Alors que l’A400M continue de subir les réticences des armées européennes pour son coût, la facture pour la France s’élèvera entre 500 et 750 millions d’euros au titre des compensations accordées pour l’achat de Rafale.
L’avion viendra à la fois concurrencer l’A400M pour lequel la France œuvre largement. Mais cet achat viendra aussi diversifier la flotte de C-130H, de Casa 235 et bien-sûr d’A400M. Une diversification qui aura un prix surtout en ces temps de disette budgétaire. Reste à savoir à quel point la France est prête à faire des sacrifices pour vendre son Rafale au Brésil pour une première tranche de 36 appareils. Ceci alors que des contrats sont en vue en Libye et aux Emirats arabes unis. Des contrats qui se révèlent peut-être plus constructifs que des échanges de technologies intégraux et la mise en selle d’appareils concurrents à l’offre européenne.