Cet article fait suite à notre article précédent sur cette affaire : Des transferts de technologie « à un niveau sans précédent » pour vendre le Rafale au Brésil.
Autre surprise de cette annonce faite lors de la visite qualifiée d’historique de Nicolas Sarkozy au Brésil : l’achat d’une douzaine d’Embraer KC-390 pour l’armée de l’air française, pour un montant compris entre 500 et 750 millions d'euros. Avion virtuel dont nous avions déjà parlé et dont les capacités restent encore à prouver, il fera partie de la future concurrence de l’A400M d’ici environ 2015. Si d’ici là on espère que l’appareil de transport de troupes d’Airbus sera enfin arrivé à surmonter ses problèmes, la nouvelle a de quoi étonner.
En effet, la future flotte de KC-390 va a priori poser plus de problèmes à l’armée de l’air quelle ne va en résoudre. A ce moment là, la flotte française sera composée de C-130H, de Casa 235, d’A400M et, de KC-390. Quatre types d’appareils pour lesquels il faudra compter des équipages et des mécaniciens spécifiques, et auxquels on ajoutera toute la chaîne d’approvisionnement nécessaire.
Voici donc que le désir affiché de rationalisation des dépenses des armées en prend un coup. Depuis des années, l'armée de l'air explique pourtant qu'elle souhaite éviter les micro-flottes, c'est-à-dire une flotte composée de nombreux types d'avions en petit nombre, dont le coût est plus élevé qu'un grand nombre du même avion. De son côté, le Rafale est par exemple destiné à remplacer les cinq types d'aéronefs en service dans l'Armée de l'air et la Marine nationale.
De plus, un avion tel que le KC-390 aurait pu se justifier actuellement du fait de la vieillesse de notre flotte, en servant à faire la jonction entre le retrait des C-160 et l'arrivée des A400M. Cependant, le KC-390 reste un projet en cours de développement à l'heure qu'il est, et il risque d'arriver trop tard pour avoir une quelconque utilité dans l'armée française. Celle-ci risque donc de devoir acheter des avions de transport du type C-235 afin d'effectuer cette jonction, tout en devant honorer sa partie du contrat en achetant des KC-390 plus tard. Tout ceci se fera certainement aux dépends de l'A400M, qui verra diminuer ses commandes.
Ceci est d’autant plus étrange que l’achat de ces appareils semble superflu compte tenu de « l’effort » déjà consenti sur les transferts de technologies. On comprend que devenir l'un des premiers clients du futur avion de transport brésilien soit un élément de choix quant à l’achat des Rafale, mais pas quand on livre la technologie complète de ces derniers à ce même constructeur, Embraer.
On a souvent reproché le manque d’agressivité de la force de vente française mais là, la réaction semble disproportionnée. Ce qui reste en tout cas de mise, c’est bien la faible entente entre les acteurs européens. Ici, Dassault montre une nouvelle fois que l’avionneur souhaite faire cavalier seul. En positionnant la France pour l’achat de ces KC-390, c’est un nouveau coup direct qui est porté à l’A400M, d’autant plus que Dassault aidera Embraer pour la conception. Dans tous les cas, l'achat de ces KC-390 paraît certain alors que la vente du Rafale elle, l'est beaucoup moins.
MC et EM.