Aeroplans - Rafale B de l'Armée de l'air, sans armement, au roulage (Mont-de-Marsan) © SIRPA Air D’aucun aura remarqué que la France et les Emirats arabes unis entretiennent depuis des années des liens privilégiés dans le domaine de la défense. La diplomatie française et bien-sûr les industriels ont souvent déployé de gros efforts pour faire en sorte de devenir le fournisseur privilégié de ce pays. Et en dehors de certains couacs bien de chez nous, inutile de repréciser que cette relation privilégié apportent beaucoup de bénéfices tant aux Emiriens qu’aux Français.

Malgré que la récente affaire des centrales nucléaires qui reviendra finalement aux sud-coréens fasse tâche d’huile, la France arrive souvent à tirer son épingle du jeu aux Emirats.

 

 

Une coopération qui peut être symbolisée à la fois par la vente de Mirage 2000-9 ou par celle de chars Leclerc. Aujourd’hui, le prochain grand succès français en matière d’armement dans ce pays est annoncé comme celui du Rafale. Le chasseur omnirôle doit venir remplacer les Mirage 2000-9 achetés en 1998.

Plus qu’un achat, il s’agit de faire évoluer le Rafale.Aeroplans - Tanagra, le 23 novembre 2007, livraison du dernier Mirage 2000-5 à l'armée de l'air grecque (HAF) © Dassault Aviation - K. Dimitrelis

Si les discussions qui se déroulent dans le plus grand secret portent bien évidement sur la vente d’une flotte de Rafale pour remplacer les Mirage 2000-9 émiriens, la France et les Emirats cherchent aussi à s’entendre sur un partenariat plus poussé. En effet, il ne s’agit pas seulement de vendre des Rafale aux Emirats (un contrat estimé entre 6 et 8Md$ pour une soixantaine de Rafale et leurs équipements) mais bien de faire évoluer le Rafale dans une version ultime, le standard F4 et ce, plus rapidement que prévu par l'armée de l'Air. Le Rafale au standard F3 est sensé voler jusqu'en 2018-2020. Ces nouveaux appareils pourraient être opérationnels en 2015 pour les Emirats. Pour beaucoup, ce nouveau standard ouvrirait les portes très fermées des chasseurs de cinquième génération au Rafale.

Dans sa catégorie, le Rafale est bien souvent considéré comme le Aeroplans - Thales employees setting up RBE2 radar AESA antenna on a  Rafale, at Dassault Aviation at Istres Air base on april 18, 2007 ©  Kervel/I3M THALESchasseur de quatrième génération + le plus évolué et le plus performant du monde. Face à lui, seule la toute moderne flotte américaine de F-22 Raptor et de F-35 Lightning II (JSF) ferait le poids. Cependant, même les plus optimistes doivent se rendre à l’évidence que les engagements hors de porté visuelle et la furtivité du chasseur français sont encore deux points importants sur lesquels il doit progresser.

Et c’est là tout l’enjeu des négociations en-cours entre Paris et Abu Dhabi. Au-delà de l’achat des appareils, les Emiriens sont bien connus pour vouloir ce qu’il se fait de mieux en matière d’armement. Le choix du Rafale était alors naturel mais pas question d’en rester là. Du coup, les parties prenantes cherchent à trouver un accord pour développer conjointement le prochain standard de l’appareil de Dassault, le standard F4.

En visite pendant la semaine du 12 avril aux Emirats, des officiels français ont pu confirmer ces affirmations : « il y a effectivement des discussions entre les deux gouvernements pour savoir comment financer ces nouvelles fonctionnalités. Tous les feux sont au vert. La date d’une officialisation du contrat en juin est possible, mais pas garantie. Les discussions continuent.»

Aeroplans - Rafale C (devant) et Rafale B (derrière) de l'Armée de l'Air, en vol © Dassault Aviation - K. Tokunaga Le standard F3 déjà en service et l’opportunité d’évoluer encore un peu plus.

L’apparition du standard F3 constitue déjà une avancée dans les négociations avec les Émirats. Malgré la crise, qui aura fortement impacté les capacités financières de ses clients, Dassault et ses partenaires se sont vus transmettre une liste d’exigences techniques de très haut niveau. Or, le Rafale F3 dispose déjà de nouveaux capteurs, dont la plupart sont encore en phase de développement. C’est le cas du radar à antenne active (AESA) qui lui permettra de détecter des cibles lointaines. Des études que le contrat émirati pourrait accélérer et ainsi profiter aux Forces françaises.

Autre différence de taille du standard F3 : l’armement qu’il pourra mettre en œuvre. En effet, ce nouvel appareil pourra tirer des missiles antinavires Exocet AM39 et emporter une nacelle RECO NG pour la reconnaissance aérienne. Et surtout, il pourra assurer la dissuasion nucléaire avec le missile ASMP-A. De son côté, le missile Meteor ou le AASM de MBDA lorgnent toujours sur cette hypothétique commande. Le missilier pourrait cependant ne pas recevoir de commande immédiate malgré l’obtention du contrat. Les Emirats possèdent un stock important de missiles air-air Mica et de Black Shaheen compatibles avec le Rafale.

Mais, au-delà du standard F3, la rumeur enfle sur une possible version plus capable du Rafale développée conjointement par la France et les Emirats. C’est pour cela que la vente de Rafale ne serait d’ailleurs toujours pas officialisée. Les discutions auraient en effet glissé de l’achat vers le co-développement d’un appareil plus performant encore. Un avion qui remplirait totalement le cahier des charges extrêmement strict des Emirats. Mais surtout, cela donnerait un dernier coup d’accélérateur au programme, symbole de l’excellence française dans l’aéronautique militaire.

Les évolutions discutées seraient principalement liées aux systèmes embarqués et à la motorisation du Rafale. Les Emiriens voudraient Aeroplans - M88 © SNECMAeffectivement travailler avec les Français pour apporter à l’appareil un radar à antenne active (AESA) plus performant, une optronique à secteur frontal et une meilleure suite de logiciels pour la guerre électronique. Ainsi, les Emiriens auraient principalement à œuvrer avec Thales, qui n’aura pas reçu les crédits suffisants pour développer toutes ces composantes pour l’armée française. Les Emiriens qui ne veulent que ce qu’il se fait de mieux comme le rappelle aussi le développement du F-16 Block 60.

Au-delà de l’électronique, c’est le moteur SNECMA M88 qui serait au centre des discussions. Les Emirats n’ont jamais caché leur désir d’obtenir un moteur d’une poussée de neuf tonnes au lieu des 7,5 tonnes actuelles. De son côté, SNECMA a toujours laissé courir le bruit de sa capacité à produire un M88 plus puissant : « SNECMA peut adapter le M88 sans avoir à faire un nouveau moteur ». Ceci pour répondre aux conditions climatiques différentes dans le Golfe (chaleur extrême). En effet, pour accéder au même niveau de performances des chasseurs français, les appareils émiriens auront besoin de plus de poussée. Compte tenu de l’évolution géographique des conflits vers cette région du monde, une telle évolution serait elle aussi bénéfique pour la France. En attendant, un premier vole de Rafale équipé d'un M88-4E a eut lieu ce 22 mars à Istres.

Rumeurs autour des Mirage 2000-9.

La reprise des Mirage 2000-9 est depuis le début un point de levier dans l’obtention de ce contrat. En effet, le chasseur omnirôle français doit remplacer l’intégralité de la flotte de Mirage émiriens. Dassault doit alors assurer son service après vente en trouvant rapidement un repreneur pour ses avions. Du coup, certains pensent que la France aurait proposée de reprendre les Mirage 2000-9 pour les utiliser au sein de son armée de l’Air.

Or, cette solution parait étonnante. D’une part, nous avons vu que ces Mirage avaient déjà été proposés notamment en Inde. De plus, le rachat serait lourd à assurer financièrement pour la France qui peine déjà à faire évoluer son Rafale. Reste alors à savoir si l’équation entre bénéfice de cet achat émirien et des évolutions conjointes vers le standard F4 ne sont pas plus importantes que celles consenties pour racheter les Mirage 2000-9. Ceci alors que les Mirage 2000-5 et Mirage 2000N encore en service dans les forces françaises seraient eux placés sur le marché de l’occasion. Mais l’entretien d’une flotte mixte entre Rafale et Mirage 2000-9 inquiète alors que le Rafale devait remplacer tous les appareils en service sur le territoire. De plus, les fonds pourraient venir à manquer pour financer les futurs achats de Rafale et la mise à niveau des existants.

Une coopération bénéfique pour les deux parties.Aeroplans - DAMOCLES pod installed on a Rafale fighter (DGA), in operational situation, during the International Paris Air Show at Paris Le Bourget on june 15, 2009. DAMOCLES is a multi-function targeting pod. It's based notably on optronic technology and is for air forces © Rousseau THALES

Tout comme ce fut le cas en son temps, le développement de la version ultime du Mirage au bénéfice de l’armée de l’air émirienne avait beaucoup apporté aux forces françaises. Ainsi, l’évolution du Rafale pour et grâce à ce pays apportera à l’armée de l’Air française. Dans le cas des Mirage, on se souvient notamment du pod de désignation laser Damoclès développé en coopération avec les Emirats où il se nomme d’ailleurs Shehab. L’engin fut alors intégré sur les Super Etendard de la Marine et sur les Mirage 2000D de l'Armée de l'air, et volera bientôt sur des Rafale F3 des deux armées.

Ainsi, si la coopération avec les Emirats aboutissait, c’est un nouveau souffle qui serait offert au fleuron de l’aéronautique française. En ces temps de crise, une aide extérieure ne parait pas incompatible avec le désir d’indépendance national. Même si le standard F4 pourrait se faire grâce à la participation des Emiriens, le Aeroplans - Rafale M Rafale resterait un avion fondamentalement français. Au contraire, pour se vendre l’avion a tout intérêt à favoriser ce genre de partenariat plutôt que des transferts de technologies qui paraissent alors plus dommageables. Ces derniers, en dehors des moyens financiers qu’ils dégagent et qui entretiennent alors le tissu industriel français, n’apportent pas d’améliorations directes au programme. Et pourtant, pour les Emirats l’opération est plus qu’intéressante. En plus de s’offrir un chasseur hors normes, les Emiriens s’offrent la possibilité de personnaliser leurs avions. Enfin, pour la France il s’agira de combler les quelques lacunes qui restent au chasseur. Nous parlions plus avant de l’électronique et des moteurs, mais nous pourrions aussi repenser à la furtivité qui empêche au Rafale de rentrer dans le club sémantique des chasseurs de cinquième génération. Fort de ces nouveaux moyens financiers, le concept d’annulation active défendu par Dassault serait alors potentiellement à l’ordre du jour.

Michael Colaone.

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