L’affaire traîne depuis plus de trois ans, et une annonce officielle vient seulement de tomber : le sultanat d’Oman veut acheter un nombre non spécifié de chasseurs Eurofighter Typhoon.
Officialisée par un porte-parole du Premier-Ministre britannique Gordon Brown, la nouvelle est un secret de polichinelle depuis longtemps mais n’avait jamais été officiellement annoncée. Cependant, il faut encore prendre tout ceci avec prudence puisqu’aucune date de signature d’un éventuel contrat n’est annoncée, et même le nombre d’appareils concernés n’a pas été spécifié.
Il est en concurrence avec le F-16 de l'Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault, le MiG-35 russe et le JAS-39 Gripen du Suédois Saab.
La presse avait indiqué fin 2008 qu'Oman était en discussion avec BAE Systems pour acheter 24 Eurofighter Typhoon d'une valeur estimée à 1,4Md£ (1,6Md€). Des discussions chapotées par les Britanniques suite au désistement de la RAF dans ses propres approvisionnements. En effet, suite à des contraintes budgétaires devenues classiques en Europe, l’armée de l’air britannique doit revoir ses prétentions en Eurofighter et en F-35 à la baisse. Pour la tranche 3A du Typhoon, la commande britannique est passée de 88 à seulement 40 avions. Ceci, surtout depuis que les deux programmes ont vu leurs coûts s’envoler.
L'incertitude autour des clients du Typhoon.
L'avion européen fabriqué par BAE, EADS et Finmeccanica avait dû faire face à la baisse des commandes de son principal client. Le trésor du Royaume-Uni presse depuis plusieurs années les gouvernements de bien vouloir choisir entre l’Eurofighter et le programme JSF américain. En Allemagne, la commande pour la troisième tranche avait aussi était remise en cause, mais finalement maintenue.
Mais un nouveau souffle venu d’Arabie Saoudite avait permis à l’avion de chasse européen de continuer son ascension. Le pays du Golfe avait commandés 72 de ces avions pour une somme de 8,86Md$. Il avait aussi été acquis par l’Autriche dans la première tranche du programme. Le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne étaient tout de même parvenus à un compromis qui divise la troisième livraison en deux parties, connues sous les noms de tranches 3A et 3B pour soulager les budgets militaires.
Un voisinage qui influencera le choix d'Oman.
Le choix du voisin saoudien ne manquera pas d’influencer la décision du sultanat. Mais depuis plusieurs mois on sait aussi que le choix d’un autre voisin, les Emirats arabes unis, influera sur le choix de l’al-Quwwat al-Jawwiya al-Sultanat Oman (RAFO), ou armée de l’air omanaise.
Le Rafale est pressenti comme le futur avion de chasse moderne émirien et concourt lui-aussi à l’appel d’offre omanais. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, s’était d’ailleurs rendu dans le sultanat début d’année dernière dans l’espoir de faire avancer les négociations. Le pays souhaite aujourd'hui moderniser son armée et doit faire face à un contexte géopolitique tendu. La modernisation de son armée de l’air est donc un dossier des plus stratégiques.
La RAFO a répartit ses forces au sein de trois escadrons basés à Thumrayt, dans le sud-ouest du pays, soit au plus près de la frontière avec le Yémen, et à Seeb dans le nord-est. Les Américains ont été les premiers à bénéficier du désir omanais de moderniser la flotte. Un escadron de Jaguar a été progressivement remplacé jusqu’en 2006 par des F-16C/D Block 50/52+. Les deux autres escadrons exploitent toujours des Jaguar et c’est bien de leur remplacement dont nous parlons.
S'agit-il des Eurofighter britanniques ?
Les Eurofighter qui pourraient être concernés seront normalement issus de la tranche 3A de production. C’est donc au standard le plus moderne que seront peut-être livrés les appareils à Oman, notamment dotés des meilleures capacités d’attaque au sol.
Comme nous le disions, l’Europe prouve une nouvelle fois son incapacité à investir dans des projets de Défense. L’Italie et l’Espagne, très impactées par la crise, et l’Allemagne, qui aura finalement confirmé ses 68 Eurofighter de cette troisième tranche sont un risque pour le programme. L’Allemagne avait refusé de chercher une tierce partie pour prendre en charge ses engagements initiaux. Ce n’est a priori pas le cas du Royaume-Uni même si cette information reste à confirmer. Les Britanniques ne s’étaient en tout cas pas officiellement engagés à acheter de nouveaux avions de la tranche 3A.
L'Eurofighter prend le large vis-à-vis de sa concurrence européenne.
Dans le cas d’un succès, l’Eurofighter prendrait encore un peu plus de distance avec ses concurrents européens. Le Gripen suédois doit encore trouver de nouveaux acheteurs au plus vite avant un éventuel arrêt de la production. Le Rafale français n’a quant à lui pas encore était officiellement vendu en dehors de France. Le Typhoon participe entre autres aux appels d’offre en Suisse et en Inde. Il est aussi présent en Grèce alors qu’un tel investissement devient de plus en plus improbable pour les Grecs. Enfin, le chasseur à plus de 100M$ peut encore convaincre dans d’autres pays du Golfe persique ou en Asie comme au Japon.
Comme nous le savons bien, un contrat dans ce domaine n’est jamais vraiment acquis. Ainsi, même si l’Eurofighter fait aujourd’hui office de grand favori pour équiper la RAFO, rien n’est encore terminé. Ceci ne serait-ce que par l’influence montante française dans la région. L’offre faite en 2009 au Sultan Qaboos bin Said par le GIE Rafale n’a pas été officiellement écartée. Douze Rafale seraient envisagés pour répondre aux besoins omanais.
Le choix du futur avion émirien sera donc une avancée déterminante pour Dassault et ses alliés à Oman. Le contexte géopolitique avec la situation en Iran sera notamment un facteur de choix et qui motive des programmes d'équipement militaire. Cependant, BAE marque de précieux points dans ce pays où la relation politique est primordiale : « Oman est un pays avec lequel nous avons une longue et précieuse relation », se réjouit le camp britannique.
Michael Colaone.
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