Celui que nous appellerons toujours l’A400M pourrait avoir trouvé son nom de guerre. Une donnée à prendre au conditionnel car à peine l’idée lâchée que les foudres s’abattent une nouvelle fois sur le futur avion de transport tactique européen.
Et pour cause, le Grizzly est certes un ours mais, il ne vit que sur le continent américain. Du moins à l’état naturel. Quelle drôle d’idée pour un appareil qui se veut le symbole de l’unification de l’Europe de la défense.
L’A400M ou le Grizzly vit des moments compliqués. Loin de la routine, chaque nouvelle en provenance de son dossier est source de suspense. Une fois de plus, l’avion subit des contrariétés en provenance de ses clients, a priori plus à même d’honorer leurs engagements.
Mais au-delà, l’A400M se prépare au combat et pourrait aller chercher l’amour en dehors de l’Europe. Un retournement de situation logique si les membres du programme n’assument pas leurs choix.
Un contrat espéré avant la fin de cette année.
Le patron d'Airbus Military, Domingo Ureña-Raso, espère la signature d'un contrat formel d'ici à la fin de l'année pour le financement de l'A400M : « Nous continuons à faire des progrès pour traduire l'accord de principe en un contrat formel », a-t-il déclaré. Les sept pays de l'Otan clients (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Turquie, Belgique, Luxembourg) se sont mis d'accord avec EADS le 6 mars sur le financement des 5,2 milliards d'euros de surcoûts de ce programme qui a accumulé plus de trois ans de retard. Or, ces efforts sont aujourd’hui suspendu aux mesures de restrictions budgétaires auxquels se livrent la majorité de ces Etats.
Si nous ne commenterons pas ces mesures dans cet article, nous nous mettrons plus à la place des industriels impliqués dans ce projet. En tête, nous pensons bien-sûr à EADS, maison mère d’Airbus Military. Le consortium européen a investi beaucoup de temps, de moyens et d’argent dans ce projet. Aujourd’hui, faire marche arrière serait une véritable catastrophe et ébranlerait durablement la confiance entre les industriels et des Etats soutenant le groupe.
Thales fait aussi parti de ceux qui souffrent suite aux déboires de l’appareil de transport. Si l’entreprise s’est montrée moins agressive dans ses déclarations qu’EADS, elle encaisse aussi le coût des retards de développement de l’A400M. Le groupe qui confirmé ses prévision de résultats mercredi 28 juillet dernier a prévenu que de nouvelles charges relatives à l’A400M sont susceptibles d’apparaitre. Thales vise néanmoins un chiffre d’affaires stable pour l’année à venir.
Les ministères de la défense européens compactent leurs budgets.
Conséquence de la crise économique et de la compression des budgets de défense, les pays membre du programme A400M peine à traduire leur engagement pris en mars dernier en un contrat ferme. L’accord de principe était pourtant clair : Alors que le programme devait coûter 20 milliards d’euros, il est aujourd’hui estimé à 27,6 milliards. Pour combler le trou, les Etats ont accepté de rajouter 3,5 milliards dans les rouages de l’A400M tout en renonçant aux pénalités de retards. D’un autre côté, EADS et les autres industriels se sont engagés à financer sur fonds propre la différence restante.
Un beau projet qui semble aujourd’hui au point mort. Or l’immobilisme est rarement le signe d’une bonne santé. D’ailleurs, chez l'industriel, on se plaint notamment de la relation complexe entre l'organisme gérant le programme, l'OCCAR, et les armées devant acquérir l'appareil. Reste à savoir comment les Etats clients pourront honorer leurs engagements. Surtout aux vues des difficultés qui se profilent chez les trois principaux clients du programme : l’Allemagne, le Royaume Uni et la France. En tout, ce sont 180 appareils qui sont en commande auxquels nous devons ajouter les quatre exemplaires pour la Malaisie.
Le programme industriel avance bon grès mal grès.
En attendant que ces nouvelles turbulences passent, le vaillant A400M brave le sort en enchainant les vols d’essais. Les trois premiers avions accumulent les heures de vol avec toujours en ligne de mire une première livraison à l’armée de l’Air française début 2013.
Chez Europrop International on se félicite enfin de premiers résultats tout à fait satisfaisant sur ce projet qui les aura tant fait souffrir. Nick Durham, président d’EPI déclarait lors du dernier salon de Farnborough : « Il [le MSN002] ne pourrait voler comme ça si ses moteurs ne fonctionnaient pas bien, l’équipage est satisfait. « Le TP400 a déjà enfoncé les critères de son cahier des charges initial » rajoutera le directeur technique, Martin Maltby.
EPI attend que la certification civile du TP400 soit attribuée à la mi-septembre. L’ « European Aviation Safety Agency » aurait déjà accordé une grande partie des quelques 200 demandes reçues. Martin Maltby ajoutera par la suite que les standards de certification du logiciel du moteur sont eux-aussi arrêtés. Rappelons qu’ils sont trois fois plus complexes que ceux de l’A380. Le TP400 devrait être totalement certifié autour de la mi-2012.
Dans les jours à venir, le programme d’essais prévoit que l’A400M commence à pratiquer des terrains accidentés prêt de Toulouse. C’est la première étape significative pour valider certaines de ses capacités militaires et c’est le MSN003 qui devrait s’y coller. Ensuite, ce sont des réservoirs externes qui devraient faire leur apparition sur l’appareil. Ceci pour vérifier l’aérodynamisme de l’ensemble.
Le Grizzly a faim.
Lors du dernier salon de Farnborough, Airbus Military a pu confirmé ce qui devient de plus en plus une évidence, l’intérêt de la communauté militaire américaine pour l’A400M. Ceci alors qu’il en faut déjà peut à EADS dans sa globalité pour trouver une excuse et attaquer le marché complexe des Etats-Unis. Alors que le difficile combat pour le contrat KC-X pour les ravitailleurs en vol de l’US Air Force continue de plus belle, le Grizzly pourrait-il justifier de son nom nord-américain et décrocher un contrat à Washington ?
Pour Sean O'Keefe, chief executive d’EADS North America il n’y a pas de doutes : « les représentants du Pentagone sont très attachés à la versatilité de l’appareil européen. Il aura une rupture indéniable dans les capacités de projection américaine au milieu du siècle. Ceci coïncidera exactement avec la montée en cadence de la production d’A400M. »
Quoi de mieux, alors que Louis Gallois ne peut pas se fier aux hypothétiques commandes européennes, que de voir l’horizon de l’A400M s’ouvrir sur des marchés extérieurs ? Il se dit en tout cas confiant dans l’intérêt que pourraient porter les militaires américains envers l’A400M. Mais attention, il faudra compter une nouvelle fois avec les conservateurs locaux. Boeing présentait justement sa version plus économe du C-17, le C-17FE ou C-17 Stairmaster.
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