Un mois de réflexion supplémentaire c'est ce que se sont accordés les ministres des pays membres de l'aventure A400M lors de leur dernière réunion de Séville. Après un premier moratoire de trois mois et différentes solutions temporaires réfléchies, les différentes parties prenantes ne sont pas arrivées en Espagne avec le sourire et ce, surtout pas du côté Britannique. Il faut dire que de l'autre côté de la Manche, les problématiques se succèdent sur les contrats de défense. Nous parlions de l'envolée des prix de l'Eurofighter qui ont déjà amenés les Anglais à faire pression sur les Allemands sans que l'on ne connaisse à ce jour les modalités exactes de l'accord. Aujourd'hui ce sont les coûts supplémentaires du programme A400M qui mettent nos voisins au pied du mur.
Thomas Enders l'a dit, le programme A400M a été mal préparé par le groupe EADS et c'est ça qui rend aujourd'hui l'avenir de l'avion de transport militaire incertain. Si les pays membres que sont la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Unis, la Turquie, le Luxembourg et la Belgique semblent au terme de cette nouvelle réunion d'accord pour laisser une chance de survie à l'appareil, les Britanniques sont dans une situation un peu plus complexe. Et c'est là la raison de ce nouveau moratoire d'un mois, les Anglais doivent encore trouver comment financer leurs achats d'appareils en accord avec Airbus qui devra faire un maximum d'efforts pour ne pas trop alourdir les coûts du programme. Paris et Berlin ont de leur côté déclaré que le retrait de la Grande Bretagne serait une réelle surprise. A ce stade, se retirer du programme serait une catastrophe financière pour le pays et coûterait alors plus d'argent que de continuer l'aventure avec Airbus. Les armées Anglaises continueront d'attendre de nouveaux appareils quoiqu'il arrive et les solutions intermédiaires ne seraient finalement pas beaucoup plus rapides ni moins coûteuses. Ainsi, si les Britanniques ont selon des proches de la présidence française des soucis de financement immédiats, ils restent soucieux de mener à terme la construction de l'avion. Dans le pire des cas, le retrait de la Grande Bretagne pénaliserait certes le plus important projet de défense européen jamais entrepris mais, il ne le tuerait pas pour autant. C'est Thomas Enders qui fera cette déclaration : "Si la Grande-Bretagne devait prendre cette décision, cela aurait un impact mais cela ne mettrait pas ce programme en danger" avant de rajouter : "Nous avons besoin de l'expérience et des connaissances de l'industrie britannique et il semble peu probable qu'elle ne prenne pas part à un projet si ambitieux, à la fois pour elle et pour le reste de l'Europe". Le Royaume-Unis a passé commande pour 25 des 180 appareils commandés à Airbus.
Le rassemblement de Séville est somme toute une bonne nouvelle pour les supporters de l'A400M. Si des soucis persistent sur la facture de l'appareil, tous ses futurs clients sont aujourd'hui d'accord pour dire que l'Airbus est une nécessité pour les armées. Plus qu'un simple aéronef, l'A400M représente également le désir de l'Europe de disposer de ses propres moyens. C'est également un pas supplémentaire dans la construction d'une Europe de la défense avec ses différents points de vue et ses différentes obligations.
Attendu avec une extrême impatience par les armées françaises, britanniques ou allemandes dont les flottes de transport sont particulièrement à bout de souffle, l'A400M devait commencer à être livré dès la fin 2009. Aujourd'hui, le retard accumulé est d'au moins trois ans pour un programme estimé à 20 milliards d'euros et ce, notamment à cause des problèmes de mise au point du logiciel de propulsion. L'Allemagne pourrait ne prendre possession du premier de ces avions qu'en 2014 selon le Financial Times Allemand, le premier prototype n'ayant toujours pas pris son envol. Or, les sept pays membres avaient initialement la possibilité de résilier leurs commandes le 1er avril en raison des retards, mais le groupe EADS a obtenu un premier moratoire de trois mois, puis un second que nous venons de décrire. Espérons-le, lors de leur prochaine réunion les pays clients pourraient réenclencher la phase de renégociation du contrat avec Airbus permettant la suite du programme car pendant ce temps là, la concurrence s'organise.