Ce sera peut-être la bonne affaire de la sortie de crise pour les transporteurs aériens : Scandinavian Airlines estime qu’elle ne pourra plus continuer son activité d’elle-même. Si, pour le moment, ses dirigeants estiment que la compagnie ne représenterait pas une bonne affaire sur les marchés, ils comptent remettre la compagnie à flot dans les prochains mois.
Coup dur pour la compagnie la plus innovante d’Europe qui aura pris la crise de plein fouet sans pouvoir y faire grand chose. Maintenant que l’État suédois souhaite revendre ses parts, nous verrons comment les autres compagnies européennes vont réagir à cette mise en vente prochaine.
La compagnie la plus innovante d’Europe.
Scandinavian Airlines (SAS) a été fondée en août 1946. Elle est détenue par trois pays scandinaves : la Suède, la Norvège et le Danemark. Au fil des années, SAS s'est établie en tant que ligne aérienne innovatrice et pionnière. Entre autres, elle fut la première compagnie au monde à effectuer dans les années 1960 des vols transpolaires. En 1952, SAS a été le premier transporteur à introduire la classe touriste, aujourd’hui généralisée chez toutes les compagnies. En 1962, Scandinavian s’est vu remettre le prix Christopher Columbus pour récompenser ses efforts en termes de communication innovatrice.
Ses offres se fondent sur la souplesse de ses services et sur le bon rapport qualité-prix de ses vols. En 1997, la compagnie cofonde l’alliance Star Alliance pour élargir son éventail d’offres et d’économies possibles. Rien ne disposait donc cette compagnie à souffrir autant de la crise, mais comme son nom l’indique la période actuelle frappe chacun des acteurs du transport aérien mondial.
SAS figure au premier rang de l'industrie en terme de préoccupations environnementales. La compagnie cherche à être considérée comme la ligne aérienne la plus écologique d’Europe en réduisant de 20% ses émissions d’ici 2020. Pour cela, les Scandinaves cherchent à établir le programme d’économie de carburant le plus drastique possible. Or, malgré ces innovations et une communication rodée, la compagnie sera bientôt à vendre.
Aujourd’hui, la compagnie est l’une des plus actives d’Europe. Elle possède 210 appareils (B737-600/700/800, A330/340, A319/321- MD81/82/87, Fokker 50, CRJ900) qui exploitent plus de 822 vols. SAS transporte 22 millions de passagers par an avec 680 vols quotidiens et un revenu de ventes de 7,68Md$.
Les prédateurs vont-ils sortir du bois ?
Pour l’instant, les dirigeants de SAS estiment que la compagnie n’est pas en état pour éveiller un intérêt sur le marché. Elle a d’abord besoin d’une injection de capitaux de la part de ses investisseurs, afin de réalimenter sa trésorerie. Un retour à l’équilibre est attendu pour 2011, une année qui sera sûrement celle de la session par le gouvernement suédois de sa participation dans la compagnie. Mais cette vente ne pourra se faire que si un bénéfice peut en être dégagé.
En attendant, il est difficile de dire qui sera le mieux placé pour prendre pied dans SAS. Partenaire dans Star Alliance, Lufthansa sera sûrement encore sur les rangs. Ce schéma s’inscrirait logiquement dans sa stratégie d’expansion en Europe. Une stratégie multi-hubs qui semble réussir au géant allemand. Son réseau contrôlerait ainsi l’Europe du nord au sud puisque s’étalant de la Scandinavie à l’Italie via Lufthansa Italia.
Le transporteur allemand tire en tout cas les bénéfices d’une stratégie d’alliance et d’acquisitions menée depuis des années. La semaine dernière, elle a fait état d'un bénéfice d'exploitation meilleur qu'attendu tout en précisant cependant qu'il ne verserait pas de dividende. De plus, la compagnie allemande, qui s'était couverte contre une hausse du carburant avant la chute brutale des cours du pétrole en 2009, aurait dû payer au prix fort cette anticipation malheureuse. Sauf que le premier groupe européen de transport aérien a de la chance et a profité de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers chez qui elle s’était assurée. Depuis la disparition de la banque, cette couverture a été tout simplement effacée.
Chez Lufthansa on a su gérer l’urgence de la crise en réduisant le nombre de vols et ses coûts afin d'être davantage compétitif face aux transporteurs à bas coûts et aux compagnies asiatiques. Aujourd’hui, la compagnie va surement pouvoir profiter avant les autres de la reprise du trafic aérien mondial. Il ne reste plus qu’à préciser que Lufthansa est depuis 2008 en bonne voix pour acquérir la compagnie scandinave. Nous écrivions déjà sur le sujet à l’époque : Acquisition de SAS et avantage pour Lufthansa.
De son côté, le concurrent Air France-KLM a provoqué l'émoi des investisseurs en prévoyant une nouvelle perte opérationnelle pour les trois derniers mois de son exercice qui pourrait être du même ordre que celle enregistrée au quatrième trimestre 2008-2009 (574M€). Que ce soit chez Air France ou chez KLM, on a présenté des programmes été frileux. Le secteur long-courrier va cependant se maintenir. Le groupe pense profiter de la remontée en puissance du trafic pour mieux rentabiliser ses vols.
D’un autre côté, l’offre moyen-courrier va continuer son programme de réduction des coûts. Chez Air France, seize appareils vont être retirés du service sur ces lignes. Le réseau domestique ne devrait finalement plus subir de fortes modifications. Le groupe mise à la fois sur l’Asie et l’Amérique latine pour sortir de la crise le mieux possible. Il étudierait aussi des hausses de capacités entre 1% et 5% de sa flotte. Il subit néanmoins une forte concurrence que ce soit de la part des autres compagnies régulières ou des low-costs. N’oublions pas que Ryanair devrait s’imposer comme premier transporteur européen dans les mois à venir.
Ainsi, alors que le groupe franco-néerlandais était déjà frileux quant à une stratégie d’expansion par l’acquisition, on ne voit pas Air France-KLM s’imposer comme principal challenger pour le rachat de SAS. Outre-Manche, British Airways serait peut-être plus absorbé par son projet de fusion avec Iberia. En effet, la compagnie britannique espère signer un accord avec la compagnie ibérique d’ici à la fin du mois. Une fusion largement souhaitée par les Espagnols, mais qui subit les difficultés du fond de retraites de British Airways. De plus, une grève de son personnel devrait très bientôt impacter son activité anglaise.
Cependant, British Airways a publié un bénéfice d'exploitation inattendu au titre de son troisième trimestre, redonnant ainsi le sourire à Londres. Une stratégie agressive du transporteur britannique pour le rachat de SAS semble cependant difficile à anticiper. Ceci alors que la Scandinavian Airlines dessert six grandes villes en Grande-Bretagne : Londres, Manchester, Birmingham, Newcastle, Edinburgh et Aberdeen.
Michael Colaone.