Alors que la compagnie dite « low costs » prévoit de réduire ses investissements à partir de 2013 après l’échec des négociations avec Boeing pour l’achat de 200 appareils, le transporteur irlandais continue de faire des vagues dans les cieux européens.
Toujours loin des compagnies régulières par le volume de son chiffre d’affaire, la compagnie qui se vante d’être la préférée des Européens voit sa capitalisation boursière (dépassant les 5Md€) déjà dépasser celle d’Air France et British Airways (3,6 et 2,5Md€). Elle a même été la plus importante dans le monde pendant un temps.
2010 sera peut-être l’année de la consécration pour Ryanair qui, d'ici l'été, devrait dépasser Air France-KLM en volume de passagers transportés et se placer ainsi juste derrière Lufthansa, la compagnie amenée à devenir le chef de file du secteur cette année en Europe.
Un succès mesuré face à la création de valeur des grandes
compagnies.
Habituellement, quand on décrit le marché des grands du transport aérien européen, on pense tout de suite à Air France-KLM, Lufthansa et British Airways. Si les grandes compagnies peuvent s’appuyer sur un fond de commerce établi de longue date, il faut néanmoins prendre en compte les évolutions récentes du marché.
La crise aidant, le volume des ventes de la « low-costs » irlandaise continue sur une croissance de 13% sur l’année passée, alors que les compagnies régulières ont vu leurs coefficients de remplissage se réduire. Chez Air France, le trafic a reculé en moyenne de 4% en 2009. Avec une moyenne de 60€ le billet vendu, Ryanair profite à la fois de la perte du pouvoir d’achat des clients habituels des grandes compagnies, de la démocratisation du transport aérien, et surtout de sa propre stratégie marketing, particulièrement agressive. Ainsi, la compagnie aura transporté 60 millions de passagers en 2009, à peine 6 millions de moins qu'Air France-KLM.
Des chiffres qu’il faudrait d’ailleurs comparer d’égal à égal. Ryanair n’opérant pour le moment qu’en Europe, le trafic du groupe franco-néerlandais ne dépasse pas les 50 millions de passagers. Le reste provient évidement du réseau mondial de la compagnie. Ainsi, le dépassement est en fait déjà fait. De plus, Ryanair transporte déjà le double de passagers comparé à British Airways. La compagnie anglaise ayant transporté 34,32 millions de passagers en 2009 est également distancée par une autre compagnie à bas coûts, EasyJet (46 millions de passagers en 2009) démontre que les grandes compagnies n’ont pas pu résister à cette révolution du secteur.
Si le trafic passager de Ryanair est en passe de rattraper celui d’Air France pour 2010, il a déjà dépassé BA depuis longtemps, et même si Lufthansa résiste encore elle est loin de créer autant de valeur que ses rivales.
Le chiffre d’affaire de la compagnie dirigée par Michael O’Leary est encore loin de celui de ses concurrents. Avec 2,9Md€ au compteur en 2009, c’est nettement insuffisant face à Air France-KLM qui reste capable de dégager 24Md€. Appliquant un modèle économique bien différent de la compétition, Ryanair devrait transporter beaucoup plus de passagers tout en continuant à réduire ses pertes avant d’espérer un jour arriver au niveau des grands transporteurs européens.
Les grands noms du secteur amorcent leur évolution.
Plans de réorganisation des vols ou acquisitions musclées, les stratégies diffèrent mais les grandes compagnies aériennes européennes entendent bien résister encore longtemps à la déferlante Ryanair et EasyJet.
Chez Lufthansa, futur meneur sur le marché on a choisi le mode acquisition. Après les rachats successifs de Swiss, Austrian Airlines, BMI et SN Brussels, on choisi d’étendre son réseau et de multiplier ainsi les sources de bénéfices. Ceci couplé à une activité cargo performante, le groupe Lufthansa devrait tenir la tête du peloton européen pendant quelques temps.
Avec environ 70 millions de passagers transportés l’année dernière, alors que le trafic d’Austrian ne tient que pour quatre mois et celui de BMI ni figure pas, cette série d’acquisition conforte cette place de leader. Ryanair n’a cependant pas dit son dernier mot avec son objectif de 90 millions de passagers transportés en 2012. La compagnie attend encore 112 Boeing 737 pour continuer à se développer.
Air France-KLM choisit de son côté le plan NEO (New European Offer) pour réorganiser ses liaisons court et moyens courriers, dont les pertes pourraient s’élever à 300M€ sur l’année fiscale 2009-2010. Après l’abandon de la fusion avec CSA, le groupe franco-néerlandais choisit définitivement la réorganisation comme stratégie. Le plan NEO a pour but principal de réduire les pertes sur des liaisons domestiques mal exploitées. En ligne de mire, une réduction de 20% de ses coûts pour ce type de liaisons.
Des transferts de liaisons exploitées par Britair et Regional vers sa filiale à bas coûts (Transavia) seraient également sur la table. Alors que cette filiale n’avait pas pour but de venir exploiter le réseau domestique avec un business plan tourné vers l’international, on ne sait pas encore si le personnel acceptera un tel revirement de situation. Cependant, une nouvelle base de la compagnie à Nice serait déjà à l’étude. Air France subit à la fois la concurrence du TGV et de Ryanair et EasyJet maintenant basées à Marseille, Lyon et Paris.
L’intégration de la composante low-costs reste un challenge pour les transporteurs mondiaux. A l’exception faite de la compagnie australienne Qantas ayant réussi la quasi-parfaite intégration avec sa filiale Jetstar, la route est encore longue en Europe. De toute manière, avec la montée en puissance de Ryanair et EasyJet, la guerre entre filiales de compagnies régulières et ces spécialistes du secteur pourrait être sanglante.
Reste à savoir si tout le monde peut vivre en harmonie sur la même zone géographique. En Australie, malgré la réussite de Qantas, ce succès est aujourd’hui également remis en cause par l’arrivée tonitruante de Virgin Blue et de sa filiale V Australia.
Michael Colaone.
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EasyJet semble lever le pied. ou Ryanair a toujours les dents longues.