Aeroplans - Drone Patroller juste avant le décollage © Sagem SAFRANAlors que les états-majors français et plus largement européens sont encore parfois à se demander à quoi sert un drone, les industriels eux commencent à ronger leur frein.

Nous suivons régulièrement les péripéties du projet de drones surement le plus ambitieux du moment avec le Talarion d’EADS. Nous attendons avec impatience que le nEUROn se concrétise enfin.

Mais au-delà de ces projets réellement révolutionnaire pour une Europe qui compte une bonne dizaine d’années de retard sur la concurrence, une solution plus pragmatique fait parler d’elle, le drone Patroller, fabriqué par Sagem.

 

 

 

Evidement, des projets d’envergure comme le Talarion et le nEUROn doivent être maintenus pour assurer aux industriels ainsi qu'à leurs bureaux d'études un avenir et à l’Europe un semblant d’indépendance. Il est cependant étonnant de voir comment Sagem approche aujourd’hui ce marché en pleine expansion. Retour, sur un projet discret mais résolument agressif.

Un tour en Patroller.Aeroplans - Drone Sperwer-B © Jean-François Damois - Creative Center - SAFRAN

Tout le monde connait Sagem (groupe SAFRAN) et son fameux drone Sperwer lancé en 1993. L’engin, déployé en Afghanistan depuis 2003 par les armées française, canadienne (retiré en 2009 puis remplacé par des Heron israéliens) et hollandaise remplit ses missions donnant ainsi satisfaction à ses opérateurs.

Fort de ses vingt ans d’expérience dans les drones, Sagem défense et sécurité propose désormais une version B de son Sperwer. Pour un poids quasiment égal, cette nouvelle génération du drone tactique aura des performances deux fois plus élevées que son prédécesseur. Meilleure acuité visuelle, plus d’autonomie, possibilité d'embarquer une charge de 35 kg, liaison satellitaire, bref, des performances accrues qui en font le digne successeur du Sperwer-A.

Sagem réalise depuis début juin en Finlande une nouvelle campagne Aeroplans  - Drone SDTI Sperwer-A © Jean-Christophe Moreau - Creative Center -  Safrand'essais en vol de son drone tactique à capacités étendues Sperwer B. Plusieurs vols ont été menés à bien, dont un le 10 juin, d'une durée de plus de 10 heures, permettant ainsi de valider les qualités d'endurance attendues.

Au-delà des missions pour le compte des armées de terre, Sagem souhaite aujourd’hui offrir un panel de possibilités plus important à ses clients actuels et futurs. Ainsi, le drone Patroller souhaite apporter une réponse que se veut pragmatique à l’heure des compressions de budgets.

C’est pour cela que le Patroller est dérivé d’une plateforme d’avions légers existants. L’entreprise allemande STEIME participe au projet symbolisant ainsi la dimension européenne du Patroller. Le lien franco-allemand dans l’aéronautique et la défense est une nouvelle fois à l’honneur et parait vraiment indispensable. Si le Talarion était le seul à véritablement occuper ce créneau, force est de constater que le produit de Sagem a lui aussi su s’ouvrir vers nos partenaires en Europe.

Aeroplans - Drone Patroller le 27 avril 2010 © Philippe Wodka-Gallien Sagem (Groupe Safran)

Ce sont Aeroplans - Drone Patroller au sol © Sagem SAFRANplusieurs versions qui sont envisagées par Sagem défense et sécurité. Le Patroller-R sera destiné aux missions Air. Une version armée baptisé RW est même au programme. Le Patroller-M sera lui spécialement développé pour répondre aux besoins des marins. Enfin, un Patroller-S sera lui destiné à ouvrir les portes du marché de la sécurité civile.

Le tout sera servi par un équipement au sol identique pour tous ces futurs systèmes. On retrouvera notamment le nouveau terminal tactique de réception directe d’images de drones RVT que la DGA connait bien puisqu’utilisé pour les SDTI/Sperwer français. Ce système est actuellement déployé en Afghanistan et est compatible ROVER. La nouvelle station au sol (GCS) MkII sera compatible SPERWER et PATROLLER et sera servie par deux opérateurs. Elle sera compatible pour le transport aérien dont le C-130 et donc l’A400M puisque disposant de capacités plus importantes. Elle sera aussi adaptée au travail au sein de l’OTAN : Stanag 4585, Stanag 4545, Stanag 4586.

Enfin, selon nos informations le drone a effectué ses premiers tests Aeroplans - Projet Condor II par OHBà Istres avec un pilote à bord.

Le premier vol de ce type effectué par Sagem aurait totalement rempli sa mission. La rotation aura été totalement autonome puisque le pilote ne serait même pas intervenue pendant les phases de décollage et d’atterrissage. La version OPV (pilot on board, remote control from the ground) serait donc en bonne voix.

En dehors de Boeing et de son fameux Phatom Ray moins abouti, Sagem serait le seul industriel dans le monde à proposer cette technologie. L’engin devra alors recevoir son accréditation CAA délivrée par la DGAC pour la France après l’avoir obtenue en Finlande en 2009. Mais ceci devrait aller assez vite compte tenue de la certification EASA CS22 déjà obtenue pour le STEMME S15.

 

Aeroplans - Drone Patroller le 27 avril 2010 © Philippe Wodka-Gallien Sagem (Groupe Safran)

Le choix du pragmatisme.Aeroplans - Drone Patroller © Sagem Safran

Développer un drone de nouvelle génération à partir d’une plateforme existante (STEMME S15) présente de nombreux avantages. Outre des coûts réduits et un risque maitrisé dans son développement, le drone bénéficie d’une expérience confirmée, de meilleurs coûts d’exploitation et d’un niveau de sécurité important. Autant d’atouts qui, ajoutés à une meilleure lisibilité pour sa certification, en font un produit rapidement disponible et disposant de capacités désormais quasi-cruciales comme une liaison satellitaire (SATCOM) démontable.

Le STEMME S15 certifié EASA CS22 sur lequel se base le PATROLLER a été spécifiquement adapté pour devenir un UAS. Son envergure est importante pour un drone mais cela importe peu pour le moment. Il mesure 18 mètres de long pour 8,5 mètres de large. Il pèsera une tonne environ en fonction des charges utiles emportées. Aeroplans - Drone Patroller © Sagem SAFRAN

A ce sujet, ce sont 250 kilos de matériel qui pourront prendre les airs. Deux points d’emport seront également disponible pour des réservoirs additionnels ou du matériel comme de l’armement. Muni d’un train d’atterrissage rétractable, le drone pourra voler pendant 20 à 30 heures à une altitude de 25 000 pieds suivant sa charge et à une vitesse de 300 km/h. Il sera relativement silencieux et présentera une signature infrarouge réduite. Ces caractéristiques en font donc un concurrent direct pour les systèmes MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) étrangers tels que le Predator américain ou le Heron israélien, qui lorgnent par ailleurs sur le marché français.

Le point sur son plan de vol.

Le programme PATROLLER a été lancé mi-2008 par Sagem défense et sécurité. L’intégration et la validation du système a eu lieu pendant la première moitié de 2009. En juin 2009, le drone a pris la route da la base Aeroplans - Drone Patroller durant son premier vol autonome ©   Sagem SAFRANd’essais en vol de Robonic (filiale de Sagem) en Finlande, à Kemijärvi. Les premiers essais en mode totalement automatisé ont alors eu lieu. Le premier vol du PATROLLER s’est tenu le 10 juin 2009. Des vols de plus de 10h furent effectués. Ils ont permis de valider le bon fonctionnement du drone et de ses charges utiles.

En mai et juin de cette année, les essais en vol ont commencé en France depuis la base d’Istres avec notamment la version OPV dont nous parlions précédemment. Sagem a également procédé à des tests avec intervention du pilote au décollage et à l’atterrissage ainsi qu'à des vols habités entièrement automatisés. Bien-sûr, des vols complètement inhabités étaient au programme. Il s’agissait aussi de valider entre autres l’avionique triplex ou encore la nouvelle charge utile attendue sur PATROLLER : Sagem Euroflir 410. Un radar SAR (Synthetic Aperture Radar) est également attendu. Il est fabriqué par la désormais célèbre entreprise allemande OHB.

Le drone doit recevoir ses autorisations pour survoler le territoire français. Il est actuellement attendu pour un premier vol opérationnel à la mi-2010.

Aeroplans - Opération ssur drone Patroller en avril 2010 © Philippe Wodka-Gallien Sagem (Groupe Safran)

Aeroplans - Drone Talarion © EADSFaire une nouvelle percée sur un marché très concurrentiel.

Avec le PATROLLER, Sagem défense et sécurité entend bien grappiller de précieuses parts de marchés à une concurrence américaine ou israélienne bien ancrée. Pour cela, pas question de se lancer dans un programme réellement révolutionnaire comme le Talarion mais le choix d’une offre qui se base sur les points forts de ce qui existe en Europe. En effet, le PATROLLER sera le drone le plus européen du marché. Il permettra peut-être de concilier austérité et dépenses d’avenir. A ce stade, même la DGSE s’intéresserait de prêt au projet.

Pour se tailler une part dans ce marché en pleine expansion, Sagem compte mettre l’accent sur la sécurité et des innovations de taille comme la version OPV. La qualité des charges utiles sera elle déterminante pour le succès de l’engin.

Pour beaucoup qui n’osent pas voir les Aeroplans - Drone nEUROn © Dassault Aviationchoses en grand pour une industrie des drones française ou européenne, c’est justement cet équipement embarqué qu’il faut soigner. Dans ce domaine la France excelle mais ne doit pas baisser les bras face à ce nouveau défi qu’est la réalisation de drones intégralement fabriqués sur le territoire. De notre point de vue, le PATROLLER est une réponse pragmatique et performante aux besoins comme aux contraintes des armées. Mais ceci ne doit se faire qu’en attendant la mise en œuvre de systèmes plus poussés.

C’est dans cette direction que nous clôturerons cet article. En s’attaquant de cette manière à ce marché, Sagem démontre de sa motivation à s’engager sur ce segment d’avenir. Une motivation qui doit être soutenue par la France et d’autres puissances européennes qui peuvent revenir sur leur choix de s’équiper notamment de composants américains ou israéliens. Rappelons que le drone financé sur fonds propres est en cours de finalisation et sera disponible à la mi-2010. Nous sommes alors loin des délais attendus pour tout achat de drones MALE de type Predator, Harfang ou Heron modifiés par Dassault et Thales.

De plus, si le PATROLLER est un succès, non seulement il créera de précieux emplois en France, mais il est également possible que les retombées économiques et industrielles permettent à l’industriel de pousser vers des programmes de drones encore plus innovants et que nous attendons avec de plus en plus d’impatience.

Michael Colaone.