A peine la cinquième génération commencée et la suivante pointe déjà le bout de son nez. L'Air Combat Command de l'US Air Force en est l’exemple type puisqu’il a récemment ouvert un « bureau de la sixième génération ». Sa mission est simple : penser à ce que devrait être l'aviation de combat dans les années 2040-2050.
Si l’épine dorsale de la prochaine génération d’avions de combat devrait être constituée de drones, la route est encore longue avant de voir ces engins dominer les cieux.
C’est d’ailleurs pour cela qu’un constructeur comme Boeing présente son projet F/A-XX sous deux angles : celui du drone et celui de l’avion piloté. Pensé pour remplacer les F/A-18E/F Super Hornet américains, ce programme, encore non confirmé, a donné naissance à son premier démonstrateur inhabité, le Phantom Ray.
Présentation du drone Phantom Ray.
Le 10 mai à St Louis, où est basée la division Phantom Works de Boeing, le monde découvrait le démonstrateur technologique Phantom Ray. Ce drone n’est pour l’instant qu’un banc d’essais volant pour les futures technologies avancées du programme. Pour Darryl Davis, président de Boeing Phantom Works, un vol d’essai est imminent : « Notre drone est attendu pour un premier vol en décembre, soit deux ans après le lancement du projet. C’est un travail extraordinaire qui a été accompli par Boeing et sa division ».
Le Phantom Ray devrait effectuer ses premiers roulages durant l’été. Le vol inaugural de décembre sera suivi par neuf vols additionnels répartis sur environ six mois. Le drone devrait assurer des missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. Mais il est aussi prévu pour être plus offensif avec des missions de suppression de défenses aériennes, de guerre électronique, d’attaque au sol comme en air-air ou encore de ravitaillement en vol autonome.
L’appareil Phantom Ray dérive du projet X-45C et n’est pas le seul dans les cartons de la division de Boeing Defense, Space & Security. Le programme répond à une nouvelle logique industrielle qui favorise la création d’un prototype dans les plus brefs délais. Le démonstrateur qui déterminera les avancées à suivre pour un avion du futur fédère plusieurs autres industriels comme General Electric-Aviation, Honeywell, Woodward-HRT, Crane Hydro-Aire ou encore Heroux-Devtek. Ce premier prototype sera normalement suivi par d’autres. Ils devront déterminer la viabilité de ce projet intégralement financé par Boeing et peut-être assurer le futur de la suprématie américaine en matière de défense aéroportée.
Le désir de remplacer la flotte existante.
Pour Boeing et le Pentagone, des projets comme le Phantom Ray visent à remplacer la flotte de F/A-18E/F Super Hornets d’ici 2025. Car si le projet F/A-XX existe, c’est originellement pour répondre aux besoins de l’US Navy. La marine américaine doit aujourd’hui étendre la durée de vie de ses F/A-18 Hornets les plus anciens jusqu’en 2020. Ceci, pour garder le niveau de disponibilité de sa flotte. Au-delà de la modernisation de ses Hornets, la Navy prévoit d’acquérir 124 nouveaux F/A-18 Super Hornets et E/A-18G Growlers spécialisés pour la guerre électronique. Un contrat énorme pour Boeing, qui s’assure d’une activité jusqu’en 2015. Dans un autre registre, Boeing pourrait recevoir une nouvelle commande de C-17 Globemaster III dans les mois à venir.
A terme, Boeing pourrait travailler sur deux plateformes. L’une basée sur le prototype présenté en mai et l’autre, pourrait emporter un pilote à son bord. En effet, si la sixième génération d’avions de chasse sera peut-être dominée par les drones, certaines missions ne peuvent, à l’heure actuelle pas être envisagées sans un humain à bord de l’appareil.
Du coup, ce sont des projets adaptés qui prendront peut-être leur envol. La révolution devrait alors avoir lieu au niveau de la furtivité des appareils certes, mais également au niveau de leurs transmissions. Autrement, ce sont les matériaux utilisés dans la conception de l’avion qui seront visés, sa propulsion (on pense au X-51A WaveRider actuellement en test avec son moteur Pratt & Whitney Rocketdyne supersonic à combustion ramjet « scramjet »), de ses moyens de détection et bien-sûr de guerre électronique. Des moyens offensifs comme l’attaque de réseaux, la frappe électromagnétique ou le brouillage offensif serait alors généralisé sur ces appareils.
Reste que pour le moment une réelle rupture n’est que théorique vis-à-vis de la cinquième génération (déjà contestable). Compte tenu des impératifs budgétaires, ces nouveaux appareils seraient hors de prix. Mais surtout, ils devraient attendre de réelles percées notamment dans le domaine électromagnétique.
Vous l’aurez compris, la mise en opération d’hypothétiques Phantom Ray, symboles d’une sixième génération d’appareils n’est pas pour tout de suite. Outre la mise en service de F/A-18 additionnels, la Navy pourrait activer ses livraisons de F-35 Lightning II. Mais tout programme d’envergure se prépare longtemps en avance dans l’aéronautique. Une industrie dans laquelle la France sait parfois anticiper avec brio ce qui a toujours fait vibrer Washington.
Michael Colaone.
Cet article sera suivi par : Le Rafale F4 et le nEUROn comme réponses aux cinquième et sixième générations américaines.