Cet article fait suite à notre article précédent sur cette affaire : Le Brésil, un précédent qu’il faudra assumer si le Rafale souhaite se vendre ailleurs.
Au vue de nos observations sur cette affaire, nous souhaitons aussi vous faire part de ce qui pourrait être la stratégie française au Brésil. Si l’on a tendance à être pessimistes quant aux annonces politiques faites cette semaine, la théorie suivante pourrait néanmoins s’affirmer comme la plus sérieuse. En effet, la France a depuis quelques années maintenant affichée son désir de regagner en influence dans le monde. Une influence perdue au fil des années principalement à cause de son immobilisme. Si le marché des avions de chasse est particulièrement spectaculaire (la maitrise du ciel et de la technologie étant un élément visible), la France peut se vanter d’être encore un des meilleurs producteur d'armes de la planète. Or, grâce à cette maitrise, elle pourrait bien se servir de la vente de ses Rafale pour accroitre son influence quitte à ne pas faire de profit dans l’immédiat. Une sorte de "dumping" qui mettrait donc la concurrence de côté et laisserait libre champ aux industriels français. "A travers ce partenariat, nous sommes en mesure de pouvoir porter notre influence sur une partie d'un continent où nous étions absents depuis des années et où seuls les Américains étaient en place" a d'ailleurs déclaré le ministre de la défense Hervé Morin. Des propos tout de suite appuyés : "la France et le Brésil se sont engagés dans un partenariat stratégique et parlent d'une même voix sur les grands sujets du monde."
Si c’est cette stratégie était effectivement celle décidée par l’Elysée, elle reste néanmoins risquée car nos craintes exposées plus avant restent valables. Cependant, en permettant à des pays émergeants comme le Brésil et l’Inde de se doter d’une industrie aéronautique de pointe, la France s’imposerait comme partenaire privilégié. Ceci ouvrirait la porte à d’autres contrats dans le domaine de la défense (nous en avons déjà vu pour le Brésil ou pour l'Inde), mais aussi pour d’autres types d’activités. On rejoindrait alors des affaires comme celle de la vente des chars Leclerc aux Emirats. Une affaire qui aura fait perdre beaucoup d’argent à l’hexagone et aura faillit faire couler Giat dans un premier temps mais qui aura resserré les liens entre les deux pays.
Enfin, n’oublions pas que la France dans cette lutte acharnée pour vendre du matériel militaire dans le monde fait face à un mastodonte, les Etats-Unis. Si l’Europe n’a pas encore compris que le monde se réarme à toute vitesse, les américains eux sont tout à fait au fait de cette poussée d’adrénaline. S’ils ont déjà perdus en l’espace de vingt ans le monopole des avions de lignes face à Airbus, ils ne comptent pas s’en laisser une nouvelle fois compter par les européens. Ainsi, il ne faut surtout pas enterrer prématurément le F-18 au Brésil. Le rouleau compresseur américain pourrait encore faire une offre que le Brésil ne pourrait pas refuser. Selon le quotidien O Estado de Sao Paulo, le communiqué du ministre de la Défense annonçant que les trois conccurrents restaient en course aurait d'ailleurs été dicté par un souci de précaution pour éviter toute réclamation des constructeurs américain et suédois concernant les règles de concurrence. L'ambassade des Etats-Unis au Brésil a ensuite affirmé mercredi : "Nous comprenons qu'une décision finale n'a pas encore été prise en ce qui concerne le vainqueur du contrat pour renouveler la flotte d'avions de combat du Brésil, une compétition où le F/18 de Boeing est l'un des finalistes". Dans son communiqué, l'ambassade américaine affirme également que son gouvernement a "approuvé le transfert de technologie nécessaire" et que le Congrès ne ne s'y était pas opposé. De quoi laisser songeur.
Tout ceci intervient alors même que les Etats-Unis préfèrent maitriser leur savoir faire. En gardant le contrôle de ces savoirs mais en déléguant les tâches subalternes aux étrangers, Washington assure sa suprématie dans le monde. Or, le complexe militaro-industriel américain voit d’un très mauvais œil l’attitude des français qui pourrait amener à la naissance de nouveaux concurrents. Une situation inacceptable et que les Etats-Unis ne manqueront sûrement pas d’anticiper.
Nous terminerons ce dossier sur cette phrase prononcée par le président Lula : "la France s'est montrée le pays le plus flexible pour le transfert de technologie » ; espérons tout de même qu'elle n’est pas fléchie bêtement. Ceci d’autant plus que le Brésil ne s’est toujours pas engagé pour la totalité des 120 appareils que compte l’appel d’offres et n’entame que des négociations pour la première tranche. Ceci alors que "le processus de sélection FX-2 entre les offres de trois constructeurs aéronautiques n'est pas encore terminé", selon le ministre brésilien de la Défense, Nelson Jobim. Les discussions devraient aboutir dans le courant de l’année 2010, ou du moins d’ici à neuf mois. Les livraisons des appareils pourraient commencer dès 2013 et s’étaler sur 6 ans.
MC et EM.