Le nouveau directeur général de la compagnie, Kazuo Inamori, fraîchement débarqué du fabricant de composants électroniques Kyocera, annonce la couleur : la survie de la Japan Airlines (JAL) se fera dans la douleur et avec le soutien de plusieurs entités extérieures.
En première lieu, c’est finalement Delta qui aura l’opportunité de prendre pied dans le capital du transporteur japonais. De l’autre, la restructuration se fera sous le regard de l’Etat via son fond de restructuration des entreprises (ETIC, Enterprise Turnaround Initiative Corp of Japan). La leçon est rude pour cette compagnie haut de gamme, fleuron des transporteurs japonais. Le doute quant à la nouvelle équipe de direction ne fera rien pour arranger la situation.
Kazuo Inamori, 77 ans, annonce d’emblée "Je ne connais rien à l'industrie des transports, mais j'aimerais faire de mon mieux". Il a également précisé qu'il travaillerait trois ou quatre jours par semaine et que, pour cette raison, il ne demandait pas de salaire. "Je suis vieux et un travail à plein temps me serait difficile", a-t-il ajouté. Plus que ses compétences sur le marché de l’aérien, c’est le respect qui lui est démontré qui fait de M. Inamori le candidat idéal du point de vue japonais. Déjà soumis à une montée en puissance de la Chine, les Japonais vont toutefois faire le pari du renouvellement plutôt que de l’acharnement.
Dans le match qui l’opposait à American Airlines, le géant Delta, la première compagnie mondiale, prend officiellement pied dans le capital de la JAL. Si les conditions de cette participation vont être négociées jusqu’en avril 2011, l’alliance semble aujourd’hui en bonne voie. A ceci près qu’American Airlines et son allié, la société de capital-investissement TPG, ont souhaité fourmuler une nouvelle offre auprès de la JAL.
L’investissement proposé passerait à 1,4Md$, soit 300 millions de plus que prévu. C’est jusqu’à nouvel ordre une excellente nouvelle pour Delta, qui ouvre un peu plus son réseau à destination des pays d’Asie et prend pied au Japon. Il reste cependant beaucoup de travail pour faire de la JAL une compagnie à nouveau rentable.
Pour remporter la course, Delta a dû faire une offre financière concurrente à celle d’American Airlines pour aider la compagnie. Déjà refinancée à trois reprises, la JAL va surement avoir des comptes précis à rendre à Delta pour que ce chèque ne soit pas inutilement versé par le transporteur américain. Enfin, le rapprochement entre les deux compagnies signifierait que la JAL devrait intégrer l’alliance SkyTeam dans un avenir plus ou moins proche. Si l’on n’a pas reçu beaucoup de détails à ce sujet, c’est peut-être parce qu’un tel rapprochement couterait cher à la Japan Airlines.
Déjà lors de son entrée au sein de OneWorld, la compagnie signifiait que la mise à niveau de ses outils de travail lui avait couté cher. Au-delà de Delta, la nouvelle est bonne pour tous les membres de SkyTeam. Par exemple, Air France-KLM qui travaillait déjà pas mal avec la JAL voit potentiellement son réseau s’ouvrir en Asie via cette nouvelle alliance. Les compagnies membres de SkyTeam indiquent d’ailleurs vouloir coopérer au mieux pour assurer à leur futur partenaire une survie puis une entrée facilitées dans l’alliance.
Le chemin sera cependant long et douloureux pour les Japonais avant de revenir à une situation stable. La compagnie, qui était la plus grande par le chiffre d’affaire, annonce mardi 19 janvier qu'elle dépose son bilan. Une direction logique alors que le transporteur reçoit le soutient du gouvernement japonais pour éviter une des plus grande faillite de l’histoire du pays : "Le gouvernement du Japon apportera le soutien nécessaire à JAL jusqu'au terme de sa restructuration, garantissant un financement suffisant tout en recherchant la compréhension et la coopération des gouvernements étrangers afin de permettre la poursuite de ses activités".
La compagnie affiche une dette de 12Md€, 9,2 de pertes sur l’exercice 2009-2010 et plusieurs dizaines de liaisons déficitaires. De plus, l’ETIC, qui prévoit d’injecter 300 milliards de yens (2,3Md€), souhaite que les banques créancières de la JAL fassent une croix sur environ 350 milliards de yens pour que le sauvetage ait une chance de réussir. Au total ; l’organisme parle d’une annulation de dette de prêt de 730 milliards de yens.
L’ETIC, qui est le seul fond à pouvoir octroyer autant d’aide publique au transporteur, fait donc preuve de générosité et appel à la solidarité pour que les vols de la JAL soient maintenus. Aussi, l'ETIC prévoit de mettre en place une ligne de crédit de plus de 600 milliards de yens (4,5Md€) en partenariat avec une banque publique afin de faire en sorte que la compagnie puisse maintenir ses activités après cette annonce de dépôt de bilan. L’action à la bourse de Tokyo sera d’ailleurs retirée le 20 janvier alors qu’elle a déjà perdu plus des deux tiers de sa valeur sur les douze derniers mois, sans pour autant prendre vraiment en compte le scénario de la faillite.
En attendant de plus amples détails, 14 lignes internationales et 17 lignes intérieures seront supprimées, tandis que près de 30% de l’effectif sera supprimé. En outre, la JAL prévoit de remplacer une partie de sa flotte pour des appareils plus économiques. Les fournisseurs se frottent donc les mains. Boeing, en premier lieu, devrait pouvoir vendre quelques avions. Mais n’oublions pas les récents progrès réalisés par Airbus dans ce pays traditionnellement acheteur aux Etats-Unis.
Si tout se passe bien, l'ETIC précise que JAL vise un chiffre d'affaires de 1,358 milliards de yens et un résultat d'exploitation de 115,7 milliards yens sur l'exercice, qui sera clos au 31 mars 2012. Bon courage et bonne chance.
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Michael Colaone.