Lundi matin, la navette spatiale américaine Endeavour a décollé de Cap Canaveral, en Floride, à destination de la Station Spatiale Internationale, dont l'assemblage a débuté il y a plus de onze ans.
Une mission sous le signe de l'Europe
Dans la soute de la navette se trouvent deux éléments clés de la station : le Node 3 « Tranquility » et la Cupola. Leur point commun ? Ils ont tous deux été développés par le Vieux Continent, dans le cadre d'un contrat avec la NASA. Tranquility est un nouveau module extrêmement complexe réalisé par Thales Alenia Space en Italie, alors que la Cupola est une structure couverte de hublots qui donnera une grande visibilité aux équipages de l'ISS.
Le contrat d'origine, signé en octobre 1997 entre la NASA et l'ESA, prévoyait que le Node 3 serait grosso modo une copie des Node 1 et 2. Mais au fil du temps, les spécifications sont devenues beaucoup plus exigeantes, et dans sa configuration finale le module est devenu le centre de commandement de la station pour toutes les activités robotiques.
Et c'est là qu'intervient le second élément, la Cupola. L'idée est d'installer cette véritable véranda pour permettre aux cosmonautes de visualiser les différents bras manipulateurs, et ainsi faciliter les nombreuses opérations robotiques réalisées sur la station. Elle servira également pour l'observation de la Terre, et permettra d'améliorer le confort psychologique des cosmonautes en missions de longues durées. Notons que sa structure principale a été produite dans le Lot par la société Ratier-Figeac.
Ambitions revues à la baisse
L'ESA fournit le Node 3 (ainsi que le Node 2, lancé en 2007) en échange du transport par la navette du module européen Columbus. A l'origine, il était censé servir de point d'amarrage pour le vaisseau de secours américano-européen CRV (Crew Return Vehicle), qui n'a pas pu être réalisé, notamment en raison des velléités du Ministre de la Recherche français de l'époque, Claude Allègre.
Le Node 3 avait été convoyé en Floride par un Beluga d'Airbus en mai 2009. La NASA a décidé de la baptiser Tranquility en référence à la Mer de la Tranquillité, la zone lunaire où la mission Apollo XI avait atterrit. Le but était de marquer le lien symbolique entre les activités actuelles sur l'ISS et les ambitions américaines de retour sur la Lune. Ironie de l'Histoire, le lancement de Tranquility intervient une semaine après que le Président Obama ait annoncé l'abandon pur et simple de l'exploration lunaire.
Les deux Node ont été construits par Thales Alenia Space pour 115M$. Le contrat prévoyait à l'origine de produire deux Cupola (une pour chaque Node), et ce pour la somme de 20M€. Les contraintes budgétaires et opérationnelles ont par la suite conduit l'ESA à ne demander qu'une Cupola.
L'Europe, partenaire majeur de l'ISS
La semaine dernière, le vaisseau russe Progress M-04M avait convoyé l'instrument français Cardiomed. Développé par le CNES, il sera utilisé par les cosmonautes pour faire des relevés médicaux au cours de leurs missions. L'année prochaine, un lanceur russe Proton emmènera le bras robotique ERA (European Robotic Arm).
Au cours des prochains mois, deux cosmonautes européens doivent visiter la station. Roberto Vittori volera à bord d'une navette américaine, tandis que Paolo Nespoli prendra place à bord d'un vaisseau Soyouz pour une mission de six mois.
Le fait que ces deux hommes sont italiens n'est pas un hasard. Cela marque l'énorme participation que la péninsule a pris dans la station. Le lancement, lundi matin, de la navette Endeavour rappelle en effet que Thales Alenia Space a su devenir un leader mondial dans le vol habité. Et la libéralisation du transport d'astronautes voulue par Barack Obama ne pourra que renforcer cette position.
Nicolas Pillet