Aeroplans - Décollage de la navette spatiale américaineAnalyse - Si tout se déroule comme prévu, c’est dans la soirée de ce vendredi 8 juillet 2011 que nous assisterons pour la dernière fois au décollage de la navette spatiale américaine. Après 30 ans de bons et loyaux services, les trois navettes restantes finiront leur carrière dans différents musées américains.

C’est Atlantis, vétérane de 33 vols depuis sa mise en service en 1985, qui a été choisie pour cette mission finale. Elle s'étendra sur 11 jours, 19 heures et 30 minutes. Ce sera par ailleurs le 135ème vol de l’histoire du programme Space Shuttle de la NASA. Il aura permis d’envoyer 355 hommes et femmes de 16 nationalités différentes dans l’Espace.

 

 

Un équipage réduit

Contrairement aux vols précédents, qui emmenés sept astronautes à la fois, l’équipage d’Atlantis ne sera composé que de quatre membres et ce pour des raisons de sécurité. C’est en effet suite à la catastrophe de 2003, qui avait vu la désintégration de la navette Columbia, que la NASA avait décidé de prévoir pour chaque vol une navette en back-up. Celle-ci était prête à décoller en quelques jours et devait permettre de rapatrier sur Terre les astronautes en cas de problème. Pour rappel, la désintégration de Columbia résulta du détachement d’un bloc de mousse isolante du réservoir cryogénique, ce gros bidon orange si caractéristique. Par malchance, l’impact provoqua une brèche dans le bouclier thermique, qui permit au plasma généré durant la rentrée dans l’atmosphère de pénétrer dans la cellule et de la détruire de l’intérieur. Suite à ce drame, les vols furent interrompus durant deux ans. Cette pause fut nécessaire à la NASA pour apporter des modifications, notamment au niveau du réservoir. L’Agence Spatiale Américaine se servit également de cette interruption pour mettre au point des procédures visant à prévenir un nouvel accident. Parmi ces procédures figurait la préparation de deux navettes pour chaque vol, l’une pour la mission en elle-même, l’autre pour pouvoir porter secours à sa consœur en cas d’impossibilité de retour sur Terre.

Ceci nous amène donc à la mission finale STS-135. Atlantis étant le dernier orbiteur en service, la NASA ne dispose par conséquent d’aucune navette en back-up. Le problème n’est cependant pas insoluble. En cas d’incident, il est prévu que les quatre membres d’équipage restent dans la Station Spatiale Internationale (ISS) et qu’ils retournent sur Terre à bord des Soyuz russes. Ceux-ci ayant un nombre de places très limité, le choix a été fait de réduire l’équipage d’Atlantis de sept à quatre personnes, pour éviter une congestion des vaisseaux russes. Des sièges adaptés aux Soyuz seront par ailleurs embarqués à bord d’Atlantis pour pouvoir augmenter légèrement le nombre de places disponibles.

Des vétérans de l’Espace

Les quatre astronautes retenus pour cette mission hautement symbolique sont tous des vétérans du programme Space Shuttle. Le commandant de bord, Chris Fergusson est un ancien capitaine de l’US NAVY de 49 ans. Il a à son actif deux vols, le premier en septembre 2006 en tant que pilote de la même Atlantis, puis en novembre 2006 en tant que commandant d’Endeavour.

Le pilote, Doug Hurley est quant à lui un colonel des Marines de 44 ans, qui effectuera son deuxième séjour dans l'Espace, après avoir volé sur Endeavour en juillet 2009.

La Mission Specialist 1 Sandra Magnus est la seule civile de cet équipage. Agée de 46 ans, elle rejoindra les étoiles pour la troisième fois de sa carrière d’astronaute. Son premier voyage eut lieu en octobre 2002 à bord d’Atlantis. Elle a également été membre de l’Expédition 18 de l’ISS de novembre 2008 et mars 2009, passant ainsi 134 jours dans l’Espace.

Enfin, le quatrième membre d’équipage, Mission Specialist 2 Rex Walheim effectuera lui aussi son troisième vol hors de l'atmoshpère, tous à bord de la navette Atlantis. Ancien Colonel de l’USAF de 48 ans, il a volé en avril 2002 et février 2008, Au cours de cette dernière mission, il participa notamment à l’installation du module européen Columbus.

Les objectifs de la mission

Outre le fait d’avoir un équipage réduit, la mission STS-135 a la particularité de ne pas embarquer d’astronaute effectuant d’EVA, c'est-à-dire de sortie dans l’Espace. Alors qu’au cours des missions précédentes en moyenne trois EVA étaient au programme, cette fois-ci une seule est prévue. Elle sera menée le cinquième jour par deux membres de l’équipage de l’ISS, Fossum et Garan. Ce sera la 160ème EVA dédiée à l’assemblage et à la maintenance du complexe orbital depuis 1998. Fossum participera à sa 7ème sortie dans l’Espace, étant déjà crédité de 42 heures et 1 minutes de marche spatiale. Garan a quant à lui conduit 3 marches, totalisant 20 heures et 32 minutes. Durant cette EVA qui devrait durer 6,5 heures, les deux aventuriers devront récupérer un module contenant une pompe d’ammoniaque qui s’est soudainement arrêtée le 31 juillet 2011. Elle sera chargée à bord d’Atlantis pour être ramener sur Terre et être analysée par les ingénieurs afin de déterminer la cause de la défaillance.

Une fois cette tâche accomplie, Fossum et Garan iront récupérer dans la soute de la navette un appareil appelé Robotic Refueling Mission ou RRM. Ce matériel expérimental ressemble à une machine à laver et pèse environ 200kg. Il servira à tester de nouvelles technologies  permettant de ravitailler des satellites dans l’Espace, notamment ceux n’ayant pas été conçus à l’origine pour pouvoir être ravitailler. Le RRM sera installé près de Dextre, robot ultra agile conçu par l’Agence Spatiale Canadienne. Celui-ci a principalement pour but de mener des opérations de maintenance sur la Station sans avoir à effectuer de coûteuses EVA. Ce sera la première fois que Dextre sera utilisé à des fins expérimentales.

Du ravitaillement pour un an

L’autre objectif principal de STS-135 est d’apporter à l’ISS les vivres et autres consommables nécessaires au bon fonctionnement de la Station. C’est dans ce but que la soute d’Atlantis accueillera le Multi-Purpose Logistics Module (MPLM) Raffaelo, en partie conçu en Italie et dont ce sera le quatrième vol. Il sera chargé d’environ 4 tonnes de matériel. Une fois Atlantis amarrée à l’ISS, Raffaelo sera sorti de la soute au moyen du bras robotique Canadarm 2 pour rejoindre le module Harmony de la Station. L’équipage pourra ainsi décharger le contenu du MPLM avant que celui-ci ne soit ramené dans la navette le 10ème jour de la mission.

Outre le contenu du MPLM, la navette transférera aussi une partie de son oxygène et de son diazote à l’ISS, et se servira de ses moteurs pour rehausser l’altitude du complexe, celui-ci en perdant continuellement du fait des frottements résiduels de l’atmosphère, toujours présente aux alentours de 400km.

Une date de retour symbolique

Le matin du 11ème jour, la navette se désamarrera pour la dernière fois de l’ISS, 12 ans et demi après que l’assemblage de celle-ci ait commencé. Endeavour apporta alors le module Unity qui fit la jonction avec le module russe Zaraya. Suivra un dernier petit tour autour du complexe pour le prendre en photo, puis l’équipage entamera les procédures préparant Atlantis à son retour sur Terre. Une énième inspection du bouclier thermique sera notamment menée afin de vérifier son intégrité et son aptitude à supporter le choc de la rentrée atmosphérique. Si tous les voyants sont au vert, Atlantis quittera pour la dernière fois les étoiles le 13ème jour de la mission. Si aucun retard n’est à déplorer, le retour est prévu pour le 20 juillet au levé du soleil au Kennedy Space Center, soit 42 ans jour pour jour après l’alunissage historique d’Apollo 11. Ce sera également 30 ans, 3 mois et 6 jours après le premier atterrissage de la mission STS-1, le 14 avril 1981.

Un futur incertain pour le programme spatial habité américain

Si le futur de l’ISS est assuré jusqu’en 2020, le doute plane toujours quant au remplaçant de la navette. Alors qu’il était prévu que le programme Constellation prenne la suite, avec notamment le lanceur Ares-1 et sa capsule Orion, tout fut remis à plat par l’administration Obama suite aux dérives des coûts du programme. A l’heure actuelle, plusieurs projets sont à l’étude. La NASA ne cache pas son intérêt pour l’externalisation des vols réguliers vers le complexe. En effet, les technologies nécessaires pour envoyer des hommes en orbite basse sont désormais maîtrisées et accessibles à des compagnies privées, pour peu qu’elles disposent des moyens financiers nécessaire. La NASA préfère quant à elle réserver ses crédits R&D aux missions à plus hauts risques technologiques telles que l’exploration lointaine, automatisée ou non. Ainsi, avant de retourner sur la Lune, l’Agence Spatiale Américaine songerait plutôt à envoyer un équipage vers un astéroïde, chose qui n’a pas encore été faite.

Une coopération américano-européenne comme solution ?

Pour finir, on peut noter un projet intéressant de la part d’EADS Astrium, qui s’est associé à l’industriel américain ATK pour fournir un lanceur apte à l’envoi d’équipages dans l’Espace. Liberty serait composé d’un des boosters actuels de la navette surplombé d’un EPC d’Astrium, l’étage principal cryogénique d’Ariane 5. On ne sait pas pour l’instant si le projet a retenu l’attention de la NASA, mais on ne peut que saluer une telle initiative de la part de l’industriel européen. Celui-ci mettrait ainsi une nouvelle fois son savoir faire au service de la coopération spatiale internationale, et par extension au service de l’humanité.