Après la France et les États-Unis, Israël va très sérieusement se pencher sur l’avenir des lancements de microsatellites par avion. Membre du club très fermé des puissances spatiales maitrisant à la fois la conception, la construction et le lancement de satellites, Israël pourrait encore élargir le spectre des missions des microsatellites. La semaine dernière, le commandant de l’armée de l’air israélienne, Ido Nehoshtan a ainsi annoncé son intention de développer vraisemblablement au travers de l’entreprise Rafael un nouveau type de satellites militaires pour l’État hébreu. Rafael Advanced Defense Systems travaille déjà sur plusieurs projets de satellites de petite taille (inférieure à 120 kg). Si la miniaturisation de ces moyens de renseignement est nouvelle pour Israël, la mise en service des premiers engins est annoncée pour 2015.
À l’heure actuelle, Israël dispose de trois satellites de reconnaissance militaire : Ofek 5, Ofek 7 et « TecSAR », tous conçus par l’IAI (Israel Aerospace Industries) et d’envergure classique. Si ces moyens de grande envergure sont certainement bien utiles à Tsahal, l’utilisation de microsatellites serait également bien accueillie. Aux dires d’Ido Nehoshtan, de tels engins spatiaux ont pour principaux avantages : leur prix, la rapidité avec laquelle ils peuvent être déployés ainsi que leur précision d’observation. Selon le commandant, Israël envisagerait déjà de propulser ces satellites par avion. En ces temps difficiles pour les budgets des armées, ces arguments que nous allons développer pourraient faire mouche.
Une bonne alternative pour le développement des moyens d’observation européens.
En Europe, on a clairement identifié les moyens de renseignement spatiaux comme cruciaux pour les années à venir. Cependant, les budgets alloués à ces priorités ne suffisent bien souvent pas à combler la problématique. Hormis la France qui détient encore le troisième rang mondial pour ses moyens d’observation à usage militaire et l’Allemagne qui comble son retard au fil du temps, la situation n’est pas idyllique. Or, les difficultés déjà annoncées pour la suite du programme MUSIS risquent de faire trainer l’évolution de ces moyens d’observation européens. Une défense européenne qui commence tout doucement à mutualiser ses efforts quand elle arrive à rester fédérée. Or, compte tenu de l’évolution de la nature des conflits et leur répartition planétaire, des moyens plus souples et surtout plus économiques ne semblent pas une idée aberrante. Le coût de développement de microsatellites reste nettement inférieur à la moyenne des programmes spatiaux.
La France à la pointe du développement des MLA.
Ainsi, la France travaille depuis quelques années sur la problématique. Nous parlions déjà sur ces pages du projet de micro-lanceur aéroporté (MLA) «Aldebaran» initié par le Centre National d’Études Spatiales (CNES) en 2005. Aujourd’hui, le projet est passé à la vitesse supérieure puisqu’une première phase de développement a été lancée en 2009. Elle regroupe les agences spatiales française, espagnole (GTD/CDTI ) et allemande (DLR) ainsi que les industriels EADS Astrium ST, EADS CASA, Dassault, Snecma, SNPE, SPS, SME, Bertin etc. Au départ, le CNES et Dassault pensaient utiliser un Rafale Marine pour lancer des charges comprises entre 50 et 200 kg. Puisque le projet s’est européanisé, l’idée d’utiliser un Rafale semble persistante, mais non garantie.
Les avantages du MLA avaient déjà conduit Dassault Aviation à étudier un micro-lanceur, porté par un Mirage IV et capable de placer 50 à 70 kg à 300 kilomètres d'altitude. Un concept actuellement revisité avec le Rafale M. Deux versions opérationnelles sont à l’étude : Une version linéaire (utilisant les points d’emports actuels du Rafale) qui permettrait le lancement de microsatellites de 50 kg et une autre, plus lourde capable d’emporter jusqu'à 200 kg en orbite basse et 150 kg en orbite polaire grâce à l’utilisation d’un tricorps de chargement.
Une innovation américaine par Orbital Sciences.
Cette vision originale et innovante de la mise en orbite de microsatellites n’a pourtant pas été inventée par les Français. Ce sont les Américains qui maitrisent actuellement le mieux ce savoir-faire grâce au projet Pegasus qui vise à faire partir un lanceur depuis un B52. Évidemment, le procédé d’Orbital Sciences permet de placer des charges plus importantes sur orbite, mais est beaucoup moins flexible que la solution proposée par le CNES. Avec l’utilisation du Rafale, l’exploitation opérationnelle serait simplifiée par rapport à des lanceurs traditionnels. L'infrastructure au sol comprendrait seulement un bâtiment d'intégration, une zone de remplissage des ergols et bien évidemment une piste d'envol. Ceci alors même certains parlent déjà de lancements à partir de porte-avions. En dehors de cette situation, les Américains sont bizarrement en manque de moyens. En effet, le F/A-18 ne serait pas adapté. Seul le F/A-14 aujourd’hui retiré du service aurait pu théoriquement servir de MLA.
S’il est agréable de voir ce projet de MLA, qui s’était fait discret revenir au-devant de la scène il n’est pas gagné pour autant. L’européanisation de l’«Aldebaran» n’a tout simplement pas intéressé par l’Agence européenne de Défense. Heureusement que la DGA française y a vu « une nouvelle façon de garantir à la France un accès rapide à l'espace pour répondre à un besoin limité dans le temps né d'une situation imprévue sur Terre qui nécessiterait des mesures précises depuis l'espace ».
Simples et économiques, quel avenir pour les MLA ?
Actuellement, l’utilisation de microsatellites est notamment restreinte par les contraintes liées au lancement de ces derniers. Ils doivent attendre de se partager les places de passagers auxiliaires sur les gros lanceurs qui leur imposent l'orbite du passager principal. Or, le nombre de ces microsatellites est appelé à augmenter au fil des ans pour satisfaire à leurs missions militaires, civiles ou duales d'observation de la Terre, de communication ou d'écoute électronique.
De plus, le recours à des micro-lanceurs aéroportés est une alternative économique. Ceci puisque le développement d’un lanceur n’est pas nécessaire alors le Rafale Marine est déjà opérationnel et structurellement adapté à l’emport de charges aussi lourdes. Seul le tricorps nécessite des coûts de développement, mais limités. Enfin, comme nous le disions les coûts d’exploitations sont nettement plus attractifs que ceux d’un lanceur traditionnel. Il n’y aurait pas de comparaison possible avec le futur petit lanceur européen Vega attendu pour son premier vol depuis Kourou cette année. De plus, l’Europe se doterait d’un nouvel accès à l’espace autonome venant compléter le trio formé par Vega, Soyouz et Ariane.
Michael Colaone.
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