Disposer d’un ensemble de satellites en orbite, c’est bien. Mais pouvoir communiquer avec eux, c’est mieux ! Toutes les grandes puissances spatiales disposent de satellites relais en orbite géostationnaires afin de pouvoir rester en contact permanent avec leur flotte orbitale. Toutes les puissances spatiales, sauf l’Europe…
Pourquoi des satellites relais ?
Un satellite, ou un vaisseau spatial, se déplaçant en orbite basse, il n’est visible par un point donné du globe que pendant une fraction de son orbite, c’est dire quelques dizaines de minutes par jour, en cumulé.
Pour pouvoir communiquer avec lui, il faut donc disposer d’un important réseau de stations relais, au sol et en mer. Construire et exploiter un tel réseau a évidemment un coût très important, et installer des stations dans certains pays étrangers ne va pas sans poser un certain nombre de difficultés diplomatiques.
La meilleure solution pour s’affranchir de ces contraintes est de disposer de quelques satellites en orbite géostationnaire qui servent de relais entre les satellites en orbite basse et le sol. Voire entre plusieurs satellites en orbite basse.
L’Europe, le grand absent
Les premiers à avoir mis en place un réseau de ce type sont les Russes, qui ont mis en place leur réseau relai militaire à partir de 1982. Les satellites Geïzer étaient construits par la société sibérienne ISS, et ils avaient des jumeaux à usage civil appelés Altaïr. Au total, quinze exemplaires ont été placés sur orbite par des lanceurs Proton-K jusqu’au début des années 2000.
A la fin de l’an 2000, un dernier Altaïr était prêt pour être expédié à Baïkonour, mais la crise économique sans précédent qui frappait alors la Russie n’a pas permis de financer le lancement, et le satellite a échoué… au musée des télécommunications de Saint-Pétersbourg !
Le réseau de satellites relais russe s’est ensuite complètement écroulé, et Moscou dépend aujourd’hui des satellites américains pour communiquer avec la Station Spatiale Internationale en dehors des périodes de visibilité directe (quand la station passe au-dessus du territoire russe). L’année dernière, le programme a repris avec la mise en orbite d’un nouveau satellite relai Loutch-5, qui devrait permettre de retrouver une pleine capacité dès l’année prochaine !
De leur côté, les Américains ont lancé leurs satellites TDRS (Tracking and Data Relay Satellite) à partir de 1983. Le principal objectif était de pouvoir rester en contact permanent avec la navette spatiale, qui était d’ailleurs le moyen de lancement de ces nouveaux satellites relais.
Six exemplaires ont été mis en orbite (un septième a été perdu lors de l’accident de Challenger, en 1986), puis la NASA est passée à la deuxième génération, lancée cette fois par des fusées Atlas-2AS. Après trois vols réussis, le constructeur, Boeing, a commencé à développer une troisième génération. Le premier de ces nouveaux satellites doit être lancé par une Atlas-5 en décembre prochain.
En 2008, la Chine a rejoint le club des nations possédant un réseau de relais spatiaux, avec la mise en orbite réussie du premier Tian Lan par un lanceur Longue Marche 3C. Un second exemplaire a suivi l’année dernière, et un troisième devrait être lance cette année.
Un bon début
On l’a compris, il n’y a guère que l’Europe qui ne dispose pas de ce genre de satellites, qui seraient pourtant très utiles pour recevoir les données de la Station Spatiale Internationale ou de nos divers satellites d’observation de la Terre.
En 2001, Ariane 5G a mis en orbite le satellite ARTEMIS de l’ESA, qui était notamment chargé de défricher le domaine du relai par satellite. Il fonctionne encore aujourd’hui, et donne à l’Europe un embryon de capacité de communications espace-espace.
L’une des grandes nouveautés testée par ARTEMIS est la communication par laser. Réalisée pour la première fois en novembre 2001 avec le satellite SPOT 4, elle permet de gagner plusieurs ordres de grandeurs dans le débit d’informations transmises. Les Américains devraient commencer à tester cette technologie en 2014, avec leur programme LCRD.
Un projet, enfin !
ARTEMIS a donc montré que l’Europe n’a pas à rougir en termes de savoir-faire technologique. Mais il lui manque quand même ce réseau opérationnel du type des TDRS américains, des Loutch-5 russes ou des Tian Lan chinois. Et avec l’arrivée, d’ici la fin de la décennie, du système de surveillance mondiale de l’environnement GMES, qui devra disposer de 6 Téraoctets par jour, le besoin devient de plus en plus urgent.
Cette lacune devrait être comblée en 2014, à peu près au moment où ARTEMIS sera retiré du service. L’ESA a en effet décidé en 2008, lors de la dernière grande Conférence Ministérielle, de développer un réseau appelé EDRS (European Data Relay Satellite). Plus modeste que ses équivalents américain, chinois et russe, il sera constitué d’un seul satellite géostationnaire.
Mais pour assurer la continuité du service, une charge utile EDRS-A sera embarquée sur un satellite commercial, Eutelsat-9B, qui doit être lancé en 2014. Le « vrai » satellite EDRS doit décoller en 2016.
EDRS
L’ESA a donc décidé de se lancer dans l’EDRS fin 2008. Mais tout n’était pas gagné pour autant, car les douze pays participants n’arrivaient pas à réunir les 230M$ nécessaires. L’Allemagne, qui développe le système de communications laser, a toujours été le plus grand supporter du programme, et elle s’est immédiatement engagée à hauteur de 50% du total.
En 2009, alors qu’il manquait encore 60M$, l’ESA a décidé d’avancer et a lancé l’appel d’offres pour désigner la société leader de l’EDRS, qui est envisagé comme un partenariat-public-privé (PPP). Eutelsat, Telespazio et Astrium se sont proposés, et en janvier 2011 c’est Astrium qui a été retenu. Entre temps, le coût du programme est passé à 376M€.
En avril 2011, Astrium a confié le développement de la charge utile à OHB-System, une autre société allemande que le géant européen a pourtant dans son collimateur depuis qu’elle lui a raflé le méga contrat de construction des satellites GALILEO. OHB utilisera la plate-forme Luxor, développée sous financement de l’ESA.
C’est une autre société allemande, Tesat Spacecom, qui développera les terminaux de télécommunication par laser, appelés LCT. Ils ont déjà été testés sur les satellites TerraSAR-X (Allemagne) et NFIRE (USA), qui ont réussi à communiquer dans l’Espace avec un débit de 5,5Gbit par seconde, à une distance de 5 000km. Les LCT de l’EDRS auront un débit réduit à 1,8Gbit par seconde, mais pourront communiquer avec une station sol située à 45 000km !
Après le premier lancement de l’EDRS-A en 2014, le satellite d’OHB devrait être mis sur orbite en 2015, ce qui conduirait à une mise en service opérationnel de l’EDRS en 2016. Nul doute que l’Allemagne, qui a pris le rôle de leader sur ce programme, fera tout pour que cela arrive. Et c’est tout le mal que l’on souhaite à l’Europe spatiale, en regrettant toutefois que la présence française sur un tel projet d’avenir ne soit pas plus importante.