Mardi 24 février au matin, le huitième vol du lanceur léger américain Taurus s'est soldé par un échec, suite à un problème lors de la séparation de la coiffe. La charge utile était le petit satellite scientifique OCO de la NASA.
Le précédent tir de Taurus remontait à 2004, et l'avant dernier, qui s'était également mal terminé, a eu lieu en 2001. Le bilan du petit lanceur d'Orbital est donc plus que mitigé.
De telles péripéties ne peuvent que nous amener à nous poser des questions sur l'avenir d'un autre lanceur léger : Vega.
Sensiblement plus puissant que Taurus, Vega effectuera son premier vol en 2010. Alors que la construction de son pas de tir à Kourou est en très bonne voie, tout le monde se pose la question de l'utilité de ce lanceur.
D'un côté, certains diront que les charges utiles de petit gabarit ne manquent pas. Certes. Mais la concurrence russe de Vega est impressionnante : pas moins de quatre types de lanceurs sont opérationnels de l'autre côté de l'Oural dans la même catégorie !
Ils se nomment Dniepr, Rokot, Strela et Chtil. Si les deux derniers ne sont quasiment pas exploités, voire pas exploités du tout, il n'en est pas de même pour Dniepr et Rokot. Ces deux là ont déjà un joli palmarès à leur actif, avec un seul échec chacun.
Ce sont d'anciens missiles balistiques soviétiques qui devaient être démantelés dans le cadre des accords de désarmement. Les coûts de production sont donc amortis depuis longtemps, et ils ont été tirés à des centaines d'exemplaires pour le compte des forces armées russes. Comme ils devaient de toute façon être détruits, les Russes peuvent se permettre de les vendre à très bas prix.
Dans ce contexte, comment l'Agence Spatiale Européenne a-t-elle pu penser qu'un nouveau lanceur pourrait avoir la moindre chance ?
En fait, elle ne l'a pas pensé. Les Italiens l'ont fait à sa place. A la fin des années 1990, ce sont eux qui ont insisté pour que ce programme soit réalisé, car il leur permettrait de faire tourner leur industrie spatiale, très tournée sur la propulsion solide. Vega, tout comme les EAP d'Ariane 5, fonctionne en effet principalement avec des ergols solides.
Quand les Européens, Français en tête, leur ont opposé leur refus catégorique, ils ont menacé de se retirer du programme Ariane 5. Et c'est ainsi qu'est née Vega.
Mais maintenant que la construction est lancée, il faut bien trouver une utilité à ce nouveau lanceur, dont l'exploitation sera confiée à Arianespace. Il se trouve que l'Agence Spatiale Européenne (ESA) construit beaucoup de petits satellites, qu'elle lance à bas coûts grâce aux fusées russes. D'ailleurs, le satellite européen GOCE s'apprête à décoller au sommet d'une Rokot d'ici quelques semaines.
En 2005, l'Italie saute sur l'occasion et obtient des Ministres européens réunis à Berlin qu'ils s'engagent dans la « préférence européenne en matière de lanceurs ». Cela signifie que, tant que ce sera possible, l'ESA ne pourra pas faire appel à un lanceur russe pour l'un de ses satellites si un lanceur européen peut faire l'affaire, quelque soit la différence de prix.
La boucle est bouclée. L'Italie a son lanceur, ainsi qu'un client fidèle qui le fera voler.
Grande perdante dans l'histoire : l'ESA. Elle sera maintenant obligée de lancer ses satellites sur l'onéreuse Vega plutôt que sur des lanceurs russes extrêmement bon marché.
Et puis il y a aussi la grande inconnue de la fiabilité. Qui peut dire aujourd'hui si Vega ne connaîtra pas des débuts aussi difficiles qu'Ariane 5 ? Les Etats-Unis viennent de nous rappeler qu'un lanceur, aussi simple et petit soit-il, est toujours soumis à un risque d'échec élevé.