Alors qu’Ariane 5 vient de boucler cinquante succès consécutifs, le lanceur russe Proton-M a connu son troisième échec en dix-huit vols. Comme pour le précédent accident, survenu un an plus tôt presque jour pour jour, c’est l’étage supérieur Briz-M qui est en cause.
Le Briz-M est également utilisé, dans une version plus légère, sur le lanceur léger Rokot, l’équivalent russe de VEGA. L’année dernière, il a également enregistré un échec dans ce cadre là, qui a fait perdre un précieux satellite expérimental aux Forces armées russes.
Ces étages supérieurs, comme le reste du lanceur Proton-M, sont développés par l’entreprise Khrounitchev. Il est intéressant de constater que de tous les échecs récents, aucun n’a affecté un tir commercial commandé par ILS, le principal concurrent d’Arianespace. Cette dernière exige un contrôle qualité d’un niveau bien supérieur à ce qui se fait habituellement dans l’industrie spatiale russe, ce qui peut apporter un élément de réponse à bien des questions. Il n'empêche : ces échecs à répétition font s'envoler le prix de l'assurance pour un lancement sur Proton, et ILS en pâtit donc indirectement.
Les satellites de télécommunications que Proton transportaient avaient tous les deux été construits en Russie. L’un, Ekspress MD-2, était destiné à l’opérateur national russe GPKS (également appelé « RSCC », son nom anglicisé). L’autre, Telkom-3, était la propriété de l’opérateur indonésien PT Telkom.
Il constituait l’une des premières incursions de l’entreprise Rechetniev sur le marché de la construction de satellites commerciaux, en concurrence de grands groupes comme Astrium, Space Systems/Loral ou encore Thales Alenia Space. Le constructeur cannois fournissait d’ailleurs les transpondeurs pour Telkom-3.
Il est encore trop tôt pour parler des causes de l’accident, mais on sait d’ores et déjà que le troisième allumage du Briz-M s’est mal passé, puisque le moteur S5.98M s’est mis hors service au bout de seulement 7 secondes, alors qu’il devait fonctionner pendant 688 secondes.
La mission a donc été interrompue prématurément. Au total, ce ne sont pas moins de cinq allumages du Briz-M qui étaient prévus, pour une mission de plus de neuf heures. Le but était de larguer les deux satellites directement en orbite géostationnaire (GEO).
Pourquoi Proton place-t-elle ses charges utiles directement en GEO, alors que notre bonne Ariane 5 ECA se contente de les larguer sur une orbite de transfert (GTO) qui les oblige à continuer le voyage par leurs propres moyens ?
Tout simplement parce que Proton-M est bien moins puissante qu’Ariane 5. Pour y faire tenir deux satellites à la fois, il faut que leurs réservoirs soient quasiment vides. Ils n’ont donc pas la possibilité de rejoindre l’orbite géostationnaire eux-mêmes, et le Briz-M doit donc les y conduire directement.
Les Russes démontrent donc – si c’était nécessaire - que le lancement double, c’est bien, mais que disposer d’un lanceur adapté pour y parvenir, c’est mieux. En Europe, ce lanceur porte un nom : Ariane 5 ME.