Nous parlons regulièrement de l'ambition chinoise de devenir un acteur majeur du secteur spatial et une nouvelle fois, il y a tant a dire. Missions lunaires et martiennes, station orbitale permanente, sorties dans l'Espace, Pékin fait parler de la Chine à tout bout de champ avec un seul objectif : devenir une puissance spatiale dominante.
Avec sa politique de "leader des pays en voix developpement" qui n'engage que ceux qui la croit, la Chine propose de plus en plus ses services aux pays comme le Venezuela ou le Nigeria. Alliée politique et maintenant economique, la Chine donne de plus en plus de fil à retordre aux Occidentaux, pourtant confiants.
Dans son désir de gagner toujours plus en influence de par le monde, Pékin offre aujourd'hui ses services à deux nouveaux pays, la Bolivie et le Laos. Si les lancements ne rapporteront surement pas d'argent aux Chinois, c'est une brèche que nous dévoile Pékin face à des Americains en transition et des Européens toujours sans politique d'accroissement de puissance claire.
Premier dossier, la Bolivie.
Comme nous l'avons vu lors des négociations pour la vente du Rafale au Brésil, l'Amérique du sud est en pleine ébullition. Si certains parlent d'une nouvelle course aux armements, les faits sont là et les contrats se multiplient. Ainsi donc, le Président bolivien Evo Morales confirme que Pékin va bien aider son pays à construire et mettre en service son premier satellite de telecommunications.
Projet largement critiqué par les Boliviens eux-mêmes, il s'élèverait à 300 millions de dollars. Une somme importante pour un des pays les plus pauvres d'Amérique du Sud, et dont les besoins restent à définir.
Reste que cette manoeuvre serait essentiellement politique. Depuis quelques temps déjà, Evo Morales multiplie les annonces pour mettre son pays en avant, ne serait-ce que sur la scène régionale. Le satellite devrait en tout cas être lancé d'ici trois ans. "Après avoir discuté et expliqué l'importance de ce satellite pour la Bolivie, le Président Hu Jintao s'est engagé à la construction et au lancement de ce satellite pour les Boliviens", a déclaré M. Morales.
Nul doute que cette opération, qui se fera sûrement à perte pour les Chinois en raison de son faible coût, n'a qu'un but oecuménique. Le financement pourrait se faire avec des fonds boliviens propres, mais "il serait préférable d'avoir accès à des crédits préférentiels de certains pays, comme la Chine", a ajouté M. Morales. Un accord ne fait aucun doute et les Etats-Unis doivent être furieux. Le chef de l'Etat a par ailleurs indiqué qu'il était allé, peu avant la rencontre avec Hu Jintao, garantir auprès de l'Union internationale des télécommunications de Genève un segment ou une position orbitale pour le satellite.
Le Laos comme tête de pont en Asie du Sud-Est.
Enfin, revenons au plus près de la Chine avec le Laos. Si Pékin devrait devenir la puissance régionale dominante, si elle ne l'est pas déjà en Asie, le Laos n'est qu'une étape. Si l'accroissement de la puissance chinoise fait peur, Pékin dissimule ses actes via ces offres que des pays comme le Laos ne peuvent décliner.
Ainsi, ce sera un satellite de la série Dongfang Hong (Orient rouge) qui sera lancé par une fusée Longue Marche. Si aucune date n'a pour le moment été donnée, Pékin s'engage notamment à construire un centre de controle au Laos.
Peut-être les laotiens ont-ils déjà vu venir le danger d'une Chine trop présente dans leur systeme de communications. Reste que, là aussi, l'investissement paraît lourd pour un pays de cette taille. Ceci d'autant plus que les Chinois se sont pas encore vraiment fiables.
On se souvient alors volontier de l'échec de NigComSat-1, utilisé en particulier pour la téléphonie, l'internet haut-débit et la télévision. Il avait été jugé irrécupérable un an seulement après sa mise en orbite en raison de problèmes techniques. Il avait coûté 205 millions d'euros au Nigeria. En revanche, le premier satellite vénézuélien, lancé en octobre 2008 par Pékin, semble fonctionner correctement.
La Chine, qui a considérablement développé son programme spatial ces dernières années, se fait ainsi de plus en plus menaçante sur le marché des satellites et de leur lancement. Si ces opérations ne sont certainement pas rentables, c'est de l'expérience qu'acquiert Pékin dans ce domaine des plus pointus.
Par ailleurs, les leaders du marché, qu'ils soient américains, russes ou européens ne s'expriment pas particulierement sur le sujet. En mars dernier cependant, le numéro un du secteur, Arianespace, s'est dit "choqué" notamment par la décision de l'opérateur européen de satellites Eutelsat de confier un lancement à une fusée chinoise au détriment de son groupe.
Une operation semblable avait ensuite eut lieu en en avril 2009 avec le lancement de W2A par un lanceur russe Proton-M d'ILS. Arianespace accuse notamment le groupe de contourner des règles américaines destinées à éviter l'exportation de matériels sensibles.
"Nous ne contestons pas le facteur prix, même si nous pensons que pour pénétrer le marché, la Chine pratique des prix ne reflétant pas vraiment la réalité économique", avait alors affirmé le PDG d'Arianespace, Jean-Yves Le Gall. En Chine en tout cas, il semblerait que les règles mondiales n'aient pas vraiment d'importance. Entre offuscation et maîtrise des normes et des législations, des puissances comme l'Europe devraient faire un choix.
MC.