Aeroplans - Première sortie chinoiseOutil de propagande et d’influence, la maîtrise des technologies spatiales est devenue une vitrine de la montée en puissance de la Chine. Avec déjà trois vols habités et des missions de plus en plus ambitieuses, les Chinois annoncent qu’il faudra compter sur eux pour conquérir l’Espace.

Avec l’ouverture d’une quatrième base spatiale, Pékin se donne les moyens de ses ambitions et fait de plus en plus frémir une concurrence occidentale qui se croit toujours intouchable. Or, si le fossé technologique existe bel et bien et que les projets chinois s'appuient pour le moment surtout sur la technologie russe, l’ambition chinoise de devenir un des acteurs clés de la conquête spatiale est déjà une réalité.

 

En comparaison des efforts qu’ils fournissent, les occidentaux n’affichent quelques fois que des désaccords et un désintérêt parfois alarmant. Le mois prochain, Pékin doit lancer une sonde martienne baptisée Yinghuo 1 (Luciole) qui suit pour l'instant des tests à Moscou avant de rejoindre Baïkonour et son lanceur Zenit-3.

 

La Chine a donc inauguré lundi, la construction de son nouveau centre de lancement à Wenchang, dans le sud du pays. Elle viendra ainsi s’ajouter à celles de Jiuquan, de Taiyuan, et de Xichang, qui ont désormais une centaine de tirs à leur actif. La construction, qui devrait s'achever en 2013, en fait donc la quatrième base spatiale du pays. Située à environ 19°22 N, 110°47 E, elle deviendra la base chinoise la plus proche de l'équateur. En utilisant cette nouvelle position, les autorités locales tablent sur un gain de 300 kg de charge utile. Parfait vu que la base est dédiée aux lancements de satellites lourds.Aeroplans - Shenzhou6

Reste que cette situation est moins performante que celle de Kourou en Guyane. Les lancements opérés depuis l’île d’Hainan seront a priori principalement à but commercial. La nouvelle ne doit pas faire plaisir chez Arianespace. Cette nouvelle base devrait également être le fer de lance pour les futures missions d'exploration de l'Espace lointain, mais elle devrait aussi servir pour la mise en orbite du projet chinois de station spatiale en orbite autour de la Terre (Avant cela, les scientifiques souhaitent acquérir plus d'expérience sur les techniques de rendez-vous et d'amarrage spatial). Plusieurs laboratoires spatiaux seront  en orbite à partir de 2010. L'an passé, la Chine était accessoirement devenue la troisième puissance à maîtriser les sorties dans l'espace à partir de la capsule Shenzou.

Ironiquement, Pékin affirme de plus en plus s’inquiéter de la course à l’armement dans l’Espace qu’elle a pu observer ces dernières années. « Notre Espace est confronté à la menace grandissante de militarisation », a expliqué le ministre chinois des Affaires étrangères Yang Jiechi devant la Conférence du désarmement de l'ONU à Genève cet été. Outre le projet de bouclier antimissile américain en Europe et surtout en Asie qui continue d'avancer contrairement aux annonces faites récemment pour calmer les Russes (la Chine réfléchie elle aussi à son propre système, mais le ministre a omis ce détail lors de son discours), la Chine parle de la récente annonce faite par la Russie quant aux études en cours pour un nouveau système de missiles capable de défendre le pays contre des armements déployés dans l'Espace. Une réponse claire au projet américain, mais aussi aux ambitions chinoises voisines de la partie est de la Russie.

N’oublions pas qu’en janvier 2007, la Chine a détruit, avec un missile balistique de portée intermédiaire (IRBM - Intermediate Range Ballistic Missile) tiré depuis le sol, le satellite d’observation météorologique Feng Yun, jugé obsolète, alors qu’il était en orbite à 800km de la Terre. Avant cet essai réussi, seuls les Etats-Unis et la Russie étaient en mesure de détruire un objet spatial.

Cette capacité est une avancée importante pour un pays qui suscite de plus en plus l’inquiétude, même en Europe. Pékin n’aime pas du tout la façon dont les occidentaux surveillent son territoire. Que ce soit par cette démonstration de force décrite plus avant mais aussi par l’aveuglement en 2006 d’un satellite espion américain par un rayon laser lors qu’il survolait son territoire, la Chine ne veut plus s’en laisser compter par le monde extérieur. Or, cette capacité satellitaire est un élément crucial dans la stratégie des forces armées occidentales et Pékin démontre aujourd’hui qu’elle peut rendre aveugle ces dernières si elle le décidait.

Pas de panique en revanche du côté des Européens puisque la course à l’armement n’a pas encore débutée. Tout est une question de point de vue.

MC.