A la fin des années 1970, le « lanceur à trois étages de substitution », ou LIIIS, qui était en projet en Europe manquait cruellement d'un nom. Il avait été créé sous l'impulsion de la France, son développement - et son financement - étaient d'origine principalement française, et c'est tout naturellement que, quand le Président Giscard d'Estaing a demandé qu'un nom de baptême soit choisi, on a penché pour un nom à consonance française.
Depuis, le lanceur européen a fait son bonhomme de chemin. Il est devenu le plus performant disponible sur le marché, tant en terme de fiabilité que de masse satellisable. Et une donnée est restée constante depuis les premiers jours : la prépondérance de l'Hexagone dans le programme.
D'autres puissances européennes conservent des budgets spatiaux très élevés, mais s'intéressent davantage à d'autres secteurs. L'Italie, par exemple, investit beaucoup en matière de vols habités, et développe parallèlement son petit lanceur VEGA.
Mais la France, elle, a toujours considéré Ariane comme sa priorité numéro un. Une telle histoire d'amour peut notamment s'expliquer par le fait que le lanceur décolle d'une base française bâtie sur un territoire français. Cela lie physiquement la fusée Ariane à la France, par l'intermédiaire de la Guyane.
L'année dernière est apparu le projet de la prochaine version d'Ariane 5, baptisée Ariane 5ME, pour « Mid-life Evolution ». C'est la première fois dans l'histoire du programme qu'un nom anglo-saxon est utilisé. Même le deuxième étage d'Ariane 5ECA, qui est construit principalement par l'Allemagne, a été baptisé « Etage Supérieur Cryotechnique ».
Mais pour Ariane 5ME, l'impulsion ne venait pas du CNES : elle venait de l'ESA. C'est à l'ESA que les choses se sont décidées, et c'est donc dans la première langue officielle de l'Agence que le nom a été choisi.
De même, le programme d'études amont de la prochaine génération de lanceurs s'appelle FLPP, pour Future Launcher Preparatory Program. On pouvait croire à un changement culturel en profondeur. La fin de la « francisation » d'Ariane avait-elle sonné ?
A priori, non ! Très récemment, une étude a été commandée par le Premier Ministre, François Fillon, concernant le successeur d'Ariane 5. Dans le document, pour la toute première fois dans un cadre officiel, le nom « Ariane 6 » a été utilisé.
Ainsi, petit à petit, le nom s'impose. Dans une interview donnée à Forum, le magazine interne d'EADS, Alain Charmeau, le directeur d'Astrium Space Transportation, a même déclaré que « nous pouvons effectivement l'appeler Ariane 6, comme l'a fait le Premier Ministre ».
Au travers de cette histoire de nom, il semble donc clair que l'influence de la France dans le programme n'a pas faiblit. Ce sont toujours les politiques français qui, pour le meilleur ou pour le pire, ont l'initiative.
Dans les années 1970, c'était de l'Elysée que le soutien nécessaire au lancement du projet était venu. En 2003, à l'heure des grands tourments qui avaient suivi l'échec du Vol 157, c'était encore l'Elysée qui avait apporté le secours tant espéré.
Dans l'histoire de la Vème République, peu de programmes peuvent se vanter d'avoir fait autant l'unanimité dans la classe politique. Même Claude Allègre, qui avait pourtant remis le programme spatial à plat, n'avait pas remis en cause le secteur des lanceurs.
Et il semble qu'avec une sixième génération maintenant qui pointe le bout de sa coiffe, Ariane soit bien décidée à survivre encore longtemps aux divers changements de régime.