Tout comme son cousin américain, le Royaume Uni a fait le même choix que les Etats-Unis en privilégiant une approche technologique dans l’évolution des conflits. Ce choix discutable amène cependant le pays à développer son industrie des drones.
Si le pays s’illustre avec des programmes comme le Watchkeeper ou le Taranis, force est de constater qu’il est plutôt enclin à acheter du matériel sur étagère à Washington.
En France le débat sur l’acquisition de drones MALE fait grand bruit. Outre les propositions plus ou moins cohérentes des industriels locaux, le ministère français de la défense vient de commissionner une équipe aux Etats-Unis pour étudier les fameux Predator.
Une mise à l’épreuve pour l’industrie française qui se cherche. Mais cette tension a le mérite d’exister alors que nos voisins anglais se rapprochent inexorablement de l’oncle Sam.
Après le F-35, le Global Hawk ?
Depuis des années le Royaume-Uni hésite entre atlantisme poussé et une posture plus européenne. Dans l’aéronautique c’est la même chose. Dans le monde de l’aviation de combat, Londres s’est même retrouvée incapable de faire un choix entre sa participation à l’Eurofighter et à celui du F-35. Une situation opposée qui aujourd’hui a de lourdes conséquences à l’heure des restrictions budgétaires. N’ayant pas la même envergure que les Etats-Unis, le pays ne pourra pas pousser ces deux programmes jusqu’au bout.
Dans le domaine très en vogue des avions non habités, le Royaume Uni pourrait là aussi jouer un rôle primordial en Europe. Forte de son expérience de terrain et d’une industrie performante, Londres pourrait devenir l’un des moteurs de l’industrie européenne du drone. Ceci en collaboration avec d’autres poids lourds en Europe : la France, l’Allemagne ou l’Italie.
Alors que le pays collabore intelligemment avec Israël et la France autour du Watchkeeper. Alors que BAe Systems vient de présenter son futur UCAV, le Taranis. Ou encore que l’on peut suivre les hauts et les bas du développement du Mantis, le Royaume Uni peut se prévaloir d’une expérience rare en Europe et surtout d’une réelle envie de développer cette industrie du futur. Un désir politique hors-norme en Europe sauf si elle est comparée à celui de l’Allemagne.
L’Allemagne justement qui développe au sein du consortium EADS le programme Euro Hawk. Nous vous détaillions cette initiative suite à son premier vol du 29 juin 2010.
L’Euro Hawk : un drone hybrique entre l’Europe et les Etats-Unis.
Le drone HALE (Haute Altitude Longue Endurance) est le fruit d’une joint venture « EuroHawk, GmbH » entre EADS et Northrop Grumman. Cette répartition au 50/50 se justifie par le faite que la plateforme est belle et bien américaine puisque basée sur le Global Hawk. Mais il sera cependant équipé du système de mission SIGINT (SIGnals INTelligence) développé par EADS. C’est donc un drone hybride entre la technologie américaine et européenne.
Il embarque ainsi le meilleur de ce qu’il se fait en Europe. Si les Européens ne sont pas encore capables de produire une cellule performante pour des drones de cette envergure, ils sont particulièrement performants pour la création de son électronique embarquée. A ceci prêt que l’Euro Hawk sera plus lourd que son cousin américain. Cela réduira son autonomie. Des efforts restent donc à faire sur le vieux continent notamment en termes de miniaturisation et de consommation en énergie.
Pour Londres, le tiraillement entre l’Europe et les Etats-Unis est un défi constant. Si la crise mondiale aura apportée son lot de surprises, on notera le rapprochement entre ce pays et certains pays d’Europe avec en première ligne la France. Une sorte de retour aux sources pour les deux parties. Pourquoi ne pas privilégier alors un engin hybride entre l’Europe et les Etats-Unis ?
Choisir l'Euro Hawk pour ne pas se couper ni de l'Europe ni des Etats-Unis.
Les équipes de Northrop Grumman étaient évidement présentent lors du dernier salon de Farnborough. Elles se sont notamment entretenues avec le ministre anglais de la défense pour tenter de sécuriser l’arrivée du Global Hawk dans ses forces. L’industriel, qui a une forte présence au Royaume Uni, ne manque pas d’arguments.
Pour répondre aux attentes du programme anglais baptisé Scavenger, les équipes américaines sont prêtes à donner une grande latitude à leur offre, selon leur représentant Ian Milne, Scavenger a pour but de fournir aux forces britanniques un moyen de renseignement, de surveillance, de désignation d’objectifs et de reconnaissance. Le tout pour une entrée en service entre 2015 et 2018.
Le Global Hawk est actuellement le drone HALE le plus répendu au monde et ne souffre que peu de concurrence. Il offre de grandes possibilités avec par exemple son radar SAR/GMTI ou ses packages SIGINT. Le drone vient d’être sélectionné pour servir dans les effectifs de l’OTAN. Une belle opportunité pour Northrop Grumman puisque les alliés auront tous accès à cette technologie. Une sorte de publicité qui a en plus le mérite de rapporter au groupe. Enfin, le premier RQ-4 Global Hawk Block 40 a terminé ce 19 juillet ses premiers tests complets en vol. Alors que son premier vol a eu lieu à la fin de l’année dernière, cette évolution emportera notamment de nouveaux senseurs haute performance au travers du Multi-Platform Radar Technology Insertion Program (MP-RTIP). Il a été commandé à 22 exemplaires aux Etats-Unis.
Pour terminer, le Royaume Uni devra aussi prendre en compte la polémique américaine voulant que l’US Air Force trouve le Global Hawk cher et peu fiable. Des critiques que Northrop Grumman juge actuellement exagérées. L’engin souffrirait entre autres de problème de contrôle, alors que le niveau de performances requis par les clients a été revu à la hausse.
En attendant, l’Euro Hawk est attendu pour son second vol le 22 juillet. Un vol qui doit s’inscrire dans le programme de vol du Global Hawk puisque les équipes sont les mêmes chez Northrop Grumman. Le calendrier se bouscule donc. Espérons que cette fois-ci, un F-16 ne vienne pas perturber les essais.
En choisissant l’Euro Hawk, Londres ferait somme toute un choix qui parait judicieux. Outre une relation toujours plus poussée avec les Etats-Unis, elle se rapprocherait d’EADS et donc de l’Europe. Ceci sans parler des retombées économiques et industrielles. En participant de manière plus poussée au programme Euro Hawk, le Royaume Uni pourrait certainement négocier une grande partie des retombées économiques. Un impact qui ne peut être jugé comme négligeable. En effet, les transferts de technologie sont très importants pour une Europe qui doit combler son retard sur les Etats-Unis et Israël, les deux leaders du marché mondial. Cet état temporaire pourrait permettre au Royaume Uni de faire comme l’Allemagne et de développer à terme ses propres produits grâce aux enseignements dégagés de cette coopération transatlantique.