Cet article est la seconde partie de notre feuilleton intitulé « Guerre des drones et avenir de la supériorité technologique européenne » dont vous pouvez retrouver la première partie ici.
Le Mantis est potentiellement le programme le plus prometteur à court terme en Europe sur cette catégorie de drones « intermédiaires ». Le programme, lancé en 2007 est dirigé par BAE Systems. D’autres entreprises (Rolls-Royce, QinetiQ, GE Aviation, L3 Wescam, Meggitt, Lola, Raven, Corax et l’Indien Kingfisher) et le ministère britannique de la défense se sont joints au projet. Il s’agit de développer un UAS (Unmanned Aircraft Systems) « tout électrique » et turbopropulsé de taille intermédiaire pour la maitrise de l’information sur l’espace de bataille. Là aussi, il s’agit d’un système MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance). Au total, il devrait peser dans les neuf tonnes et opérer à une altitude de 55 000 pieds.
L’engin a déjà subi des vols de tests à partir du centre d’essais en vol de Woomera en Australie où BAE est implanté. Cependant, le Mantis n’est pas encore pleinement opérationnel. Si une solution commune venait à voir le jour, les nouveaux industriels devraient apporter une réelle plus value à l’appareil. En France, Dassault Aviation serait sur les rangs de même que Thales. Implanté en Grande-Bretagne, l’électronicien serait un plus dans la conception des systèmes de l’UAS. Mais c'est EADS qui semble le mieux placé pour reprendre le flambeau.
Alors que le ministère britannique menace de l’arrêt du programme en raison de son coût, chez EADS on en a profité pour reprendre un peu la main dans ce programme puisque 440 millions de livres y ont étaient injectées. Ceci dans l'attente d'un signal concret de la part d’éventuels partenaires. Ceci d’autant plus que le groupe pense toujours un programme concurrent, le drone Talarion. La France, l’Allemagne et l’Italie sont d’ailleurs actuellement sous pression pour passer des commandes définitives de cet engin mettant un peu plus l’avenir du Mantis entre parenthèses. A noter enfin que EADS et BAE continueraient à collaborer au sein de ce programme comme c’est déjà le cas pour l’Eurofighter.
Malgré un statut encore incertain, le drone serait une excellente solution pour les armées européennes. Les retombées économiques et industrielles auraient alors principalement lieux en Europe. Politiquement, ce programme irait dans le sens du rapprochement qu’opèrent les forces françaises et anglaises afin de gérer les cas d’urgence. Le souci de l’autonomie opérationnelle serait aussi réglé. Reste que son prix serait logiquement plus élevé que pour un achat sur étagère de Predator. Cependant, ce serait un pas important vers une autonomie de production de drones « intermédiaires » européens. Enfin, l’Italie se joindrait certainement à un projet commun. L’Espagne est également pressentie malgré des difficultés budgétaires majeures.
Pour BAE, les vols récents de son démonstrateur affirment de la faisabilité du programme. Ne reste plus qu'à savoir s’il bénéficiera de l’ouverture que nous décrivions et surtout des fonds qui vont avec. Si pour le moment l’engin est surtout attendu pour ses instruments aptes aux missions ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance), les Britanniques affirment pouvoir le faire évoluer vers une version armée légère. N’oublions pas qu’à la base, il s’inspire largement du MQ-9 Predator américain, aujourd’hui capable de frappes air-sol.
Après l’urgence, il va falloir préparer l’avenir.
L’urgence liée aux programmes de drones « intermédiaires » en Europe est symptomatique des contraintes budgétaires et politiques actuelles. Cependant, les armées ne souhaitent pas voir le présent occulter l’avenir. Les projets doivent donc trouver des issues heureuses, et ce rapidement. Outre des achats de drones Predator, les Européens ont fait le choix de se lancer efficacement dans des programmes propres et collaboratifs. Un choix qui pourrait prendre de l'ampleur suite aux récentes mesures protectionnistes prises par les Etats-Unis. Le Mantis étant en quelque sorte le symbole du potentiel européen. Mais à la vue du déficit capacitaire à venir, l’avancement du programme saura-t-il charmer les armées et les États ?
Michael Colaone.