Aeroplans - Mig-23 libyenAnalyse - Alors que les forces des Nations Unies commencent à s'organiser en vu d'imposer la No-Fly-Zone (NFZ) au dessus du territoire libyen, le colonel Kadhafi et son fils sont montés au créneau en promettant l'enfer à qui oserait s'attaquer à leur régime. Le dirigeant libyen étant particulièrement connu pour ses diatribes, allant même jusqu'à menacer la présidence française de divulguer des informations compromettantes que l'on attend toujours, on peut légitimement se demander si l'armée fidèle au régime à les moyens de s'opposer à l'instauration de la NFZ. Cet article tente de faire le point sur les capacités d'interdiction libyennes, peu de sources fiables étant disponibles.

 

 

Une flotte d'avions de combat plus que vieillissante

L'armée de l'air libyenne, composée de 23 000 hommes, aura bien du soucis à se faire en cas de confrontation avec ses homologues des pays occidentaux et arabes. En effet, l'ensemble de la flotte est constituée d'avions de combat de 2ème et 3ème générations, quand la plupart des appareils des pays coalisés sont de 3ème et 4ème générations. De plus, la maintenance de ces avions aurait été négligée après près d'une décennie d'embargo de l'ONU sur les ventes d'armes.

La majeure partie des appareils libyens sont d'origines soviétiques et datent donc d'avant la chute du mur de Berlin. L'autre fournisseur de l'armée de l'air libyenne n'est autre que la France, qui aura livré 32 Mirage F-1 durant les années 70. Voici donc un rapide inventaire de la flotte d'avions de combats.

- Mirage F-1 AD et ED: Comme nous venons de le voir, 32 de ces appareils furent livrés. Or, la plupart d'entre eux auraient mystérieusement disparus au fil des ans, il est supposé que le régime de Kadhafi les aurait revendu à des pays soumis à des embargos. Après la levée en 2008 de l'embargo de pays occidentaux touchant son propre pays, Kadhafi a signé avec le groupe Dassault un contrat portant sur la rénovation à minima de 12 Mirage F-1. Cependant, à dater du début de la révolution, seuls quatre appareils étaient effectivement disponibles. De plus, deux d'entre eux sont enfuis à Malte après que leurs pilotes aient refusé de pilonner des cibles civils à la roquette. Après cette défection, un des deux Mirage restant fut abattu le 3 mars. La flotte de Mirage F-1 est donc désormais limitée à un seul appareil...

- Mig-23 Flogger: Appareil  entré en service en 1970, il représente certainement la menace la plus sérieuse en provenance de l'aviation libyenne. Ses capacités en combat aérien seraient équivalentes à celles des premières versions du F-16 américain. Cependant, ils n'auraient pas été modernisés depuis leur acquisition et seront donc totalement surpassés en cas de confrontation. Leur unique chance pourrait provenir de l'effet de surprise, le territoire libyen étant particulièrement vaste. La plupart des appareils ne seraient plus en état de voler, bien que leur nombre soit estimé entre 50 et 70 chasseurs. Neuf appareils auraient été capturés par les rebelles, certains ayant même été utilisés par ceux-ci pour bombarder les positions des forces loyalistes.

- Mig-21 Fishbed: Cet avion de combat soviétique a été livré dans quelques 50 pays de par le monde, et est considéré comme de deuxième génération dans ses premières versions. Les versions modernisées sont quant à elles de troisième génération. La Libye aurait tenté de faire moderniser ses appareils après la levée de l'embargo de l'ONU en 1999, mais il n'est pas certain que ces modernisations eurent lieu. De plus, si ce fut le cas, il est peu probable qu'elles aient été importantes. Pour la force de coalition sous mandat de l'ONU, les Mig-21 ne seront donc pas un gros problème. On peut se souvenir du sort des Mig-21 serbes en 1999, qui furent décimés au sol. Par ailleurs, deux d'entre eux auraient été abattu le 17 mars près de Benghazi. La flotte actuelle varierait entre 20 et 40 appareils.

- Mig-25 Foxbat: Certainement l'intercepteur qui aurait posé le plus de problèmes aux forces coalisées. Bien que Tripoli ait tenté de les faire moderniser en Russie au début des années 2000, ils sont désormais tous retirés du service.

- Su-24 Fencer: Chasseur bombardier équipant de nombreux pays, il peut être d'une redoutable efficacité, si son entretien est assuré... Ce ne serait apparemment pas le cas de la Libye qui n'en posséderait plus que 2, les rebelles ayant déclaré avoir abattu un appareil près de Ra's Lanuf le 5 mars et un ayant été perdu lors d'un incendie. Ses capacités air-air sont limités à l'autodéfense.

- Su-22 Fitter: Egalement principalement dédié à l'attaque au sol, cet avion de conception ancienne (fin des années 60) représente une part non négligeable des forces aériennes libyennes, 40 à 80 appareils étant toujours en service et sont activement impliqués dans les bombardements contre les rebelles. L'équipage d'un Su-22 s'est éjecté de l'appareil près d'Ajabiya à 180km à l'Ouest de Benghazi après qu'il eut refusé de bombarder des civils. Les forces anti-Kadhafi ont par ailleurs déclaré avoir abattu plusieurs de ces appareils au cours des semaines précédentes.

Une défense sol-air pas très menaçante non plus

De même que l'aviation, la défense sol-air libyenne ne devrait pas poser une menace trop importante sur les forces engagées sous mandat de l'ONU, du moins tant que celles-ci resteront à moyenne et haute altitude. Rien à voir en tout cas (du moins à ce que l'on sache) avec la défense anti-aérienne extrêmement organisée de la Serbie en 1999 qui avait posé de gros ennuis aux forces de l'OTAN. Voici cependant l'inventaire des systèmes qui pourraient poser problème.

- SA-6 Gainful: Ce système soviétique a été conçu afin de protéger les forces du Pacte de Varsovie contre les attaques aériennes de l'OTAN, il est donc par définition doté d'une bonne mobilité. Ses missiles sont crédités d'une portée allant de 4 à 24km, et pouvant atteindre des cibles évoluant jusqu'à 14 000m. En cas de raid aérien destiné à éliminer les défenses libyennes, c'est donc sur ce système qu'il faudra se focaliser en priorité.

- SA-8 Gecko: Système également mobile, il a la particularité d'intégrer le radar et les missiles sur le même véhicule, rendant le système plus simple à mettre en œuvre. Sa portée effective varie entre 2 et 9km, pour un plafond maximum de 5000m.

- SA-7 Strela et ses évolutions: Ce missile anti-aérien tiré depuis l'épaule est certainement le plus répandu dans le monde. De par sa grande diffusion et sa simplicité d'emploi, il représente une menace importante à basse et très basse altitude. Il y a fort à parier que les avions de la coalition de l'ONU ne s'aventureront pas en dessous de 5000m pour éviter ce genre de menace, comme ils le firent au Kosovo.

- Zu-23 et ZSU-23: Contrairement aux systèmes précédents, celui-ci n'est pas équipé de missiles mais de canons, allant de deux à quatre selon les versions. Avec le SA-7, il est en quelque sorte la hantise des pilotes auxquels il serait confronté. Il existe en version fixe ZU-23, généralement à deux canons, ou automotrice à quatre canons ZSU-23 également équipée d'un radar de conduite de tir, rendant le système bien plus efficace.

Une grande diffusion des bases libyenne

Le principal problème à l'instauration de la NFZ est, comme cela a été maintes fois répété, la très grande superficie de la Libye, plus de trois fois celle de la France. En assumant que la portée du radar d'un avion de détection avancé E-3 AWACS est de 650km, il en faudrait au moins quatre pour pouvoir couvrir l'ensemble du territoire libyen. Bien entendu, le pouvoir en place jouera pleinement avec cette profondeur stratégique recherchée par tant de pays. Bien que la plupart des bases aériennes du pays soient concentrées sur la côte là où la densité de la population est la plus forte, plusieurs bases sont situées en plein désert. Les atteindre ne sera donc pas chose facile. De plus, les avions soviétiques peuvent dans certains cas décoller depuis des pistes rudimentaires, augmentant ainsi leur capacité de survie. La carte ci-dessous montre la répartition des bases aériennes sur le sol libyen. Cependant, le statut de plusieurs d'entre elles est indéterminé puisqu'elles ont été capturées par les rebelles puis reprises dans certains cas par les forces pro-Kadhafi durant les dernières semaines.

Une occasion ratée pour Kadhafi

Pour terminer cet état des lieux des forces libyennes susceptibles de poser problème à la coalition, nous pouvons nous réjouir que, pour une fois, les promesses non tenues de Kadhafi nous auront été utiles. En effet, suite à la levée de l'embargo sur les armes en 2008 par l'Union Européenne, le dirigeant libyen aura fait miroité à la France et ses industriels pendant plusieurs mois le possible achat d'avions de combat Rafale et autres équipement tels que des hélicoptères de combat Tigre, etc. Et pour une fois, les déboires du Rafale à l'exportation nous réjouissent en quelque sorte. Il en va de même avec les Russes qui ont vu s'envoler 4 milliards de dollars d'équipements militaires à la suite de cette révolutions, parmi lesquels des avions Su-35 ou des systèmes de défense sol-air S-300 tant redoutés par les aviateurs occidentaux.

Voilà, si vous avez plus d'informations sur le sujet je vous invite à les partager afin de compléter ce tableau non exhaustif. Merci d'avance !

Mise-à-jour 19 mars à 13h00: Un des Mig-23 capturé par les insurgés, a été abattu au dessus de Benghazi. Il est possible qu'il ait été victime d'un "tir ami". D'après une photo prise lors du crash le pilote serait parvenu à s'éjecter mais un des porte-paroles des insurgés a déclaré qu'il n'aurait pas survécu.Aeroplans - Crash du Mig-23 sur Benghazi le 19 mars

Aeroplans - Répartition des bases aériennes sur le sol libyen