Les mots prononcés par le premier ministre français François Fillon sont à la fois sévères et cruciaux pour l'avenir de la France et plus largement de l'Europe dans l'industrie aéronautique mondiale.
Les retards de livraison des premiers avions de transport militaire européens A400M se font de plus en plus nombreux et en font l'avion accumulant le plus de retards dans toute l'histoire de l'aéronautique européenne. Un piètre record donc pour un avion qui sur le papier avait tout pour lui. Une performance aussi critiquable pour EADS qui peine à réaliser cet avion et qui aujourd'hui envoie des signaux contradictoires à tout bout de champ. L'entreprise semble en effet partagée entre l'abandon du projet et la prise de responsabilités.
Un tel abandon serait une catastrophe pour l'image de l'industrie aéronautique européenne. Selon les dires de M. Fillon, « ce serait un signal au reste du monde que l'Europe ne peut pas construire un avion de transport militaire ». Une situation qui serait au final périlleuse pour l'ensemble de la filière à l'heure où la concurrence mondiale se fait de plus en plus nombreuse et agressive. De plus, même si l'A400M représente aujourd'hui un challenge financier pour Airbus, la bonne marche de ce projet pourrait en amener d'autres dans l'avenir.
D'un autre côté, EADS pourrait choisir de prendre ses responsabilités en temps que grand architecte du projet. Si les Etats sont aujourd'hui disposés à réduire leurs exigences et de mettre financièrement la main à la pâte, l'entreprise devrait aussi reconnaitre ses torts et produire l'avion sans grande prise de bénéfices. Bien évidement, dans un contexte économique mondial difficile on peut comprendre la réticence d'une entreprise à produire un bien qui ne rapporterait pas grand-chose ou qui coûterait même de l'argent. Les enjeux sont pourtant plus complexes que ceux de l'économie de marché pure puisqu'EADS est depuis longtemps une entreprise qui participe au rayonnement de l'Europe tout entière de par ses liens avec la classe politique et son activité. Forte de son expérience et de son savoir faire, le projet A400M devrait apparaitre comme un challenge pendant encore quelques temps dans les bureaux d'EADS.
Reste que le problème est avant tout technique. En imaginant un moteur révolutionnaire pour l'industrie européenne, les industriels du projet A400M avaient placé la barre très haut. L'avion de transport militaire européen, s'il est construit un jour, sera le plus abouti dans un marché qui ne compte que peu de concurrents et qui pourtant représente des retombées économiques non négligeables. Ceci grâce à la mutation des conflits dans son ensemble, les moyens de projection étant aujourd'hui au centre des préoccupations des armées.
Rares dans la bouche d'un homme politique français, nous n'avons plus qu'à espérer qu'une telle déclaration aura un véritable écho sur la réalisation de l'A400M pour le bien de l'Europe, de la France et des industriels du projet. Interrogé sur le sujet, Safran pense que l'avion devrait voler d'ici la fin de l'année. Espérons-le.