Analyse – Une fois de plus, le chasseur français Rafale se retrouve au beau milieu d'un déchainement de puissances médiatiques. Au Brésil et aux Emirats arabes unis où il fait figure de favori, les déconvenues se multiplient mais font parti du déroulement quasi normal d'un appel d'offres international. Si l'on prend en plus en compte le contexte régional d'un pays en pleine expansion ou encore une offensive américaine toujours aussi motivée, il devient difficile d'y voir un peu clair dans l'actualité Rafale du moment.
En quelques lignes, nous vous proposerons notre grille de lecture de cette actualité rocambolesque. Nous essayerons d'aller au-delà de la coupure de presse alarmiste et au final, nous verrons que la situation au Brésil est préoccupante mais pas perdue pour autant. Nous verrons aussi que les négociations avec les Emirats avancent dans le bon sens avec autant de signaux faibles qui nous rappellent les déclaration d'Alain Juppé, nouveau ministre de la défense, affirmant que les négociations sont sur le bonne voie avec ces deux nations.
Négociations longues et tendues avec le Brésil.
Si l'on se plaisait à croire que le président Lula allait clore son mandat en passant une commande libératrice pour le Rafale, il n'en fut rien. Lors des mois qui précédèrent sa passation de pouvoir avec Dilma Roussef, chacun d'eux rassurait le camp français en affirmant que la nouvelle présidente une fois élue ne remettrait pas en cause les choix stratégique de son prédécesseur. Ceci au plus grand damne des Américains qui tentent coute que coute de profiter de chaque occasion pour restaurer leur sphère d'influence sud-américaine.
Wikileaks révélait d'ailleurs à tous une stratégie classique chez les Américains visant à discréditer le chasseur français pour supporter les ventes de son avionneur national. En effet, Washington demeure le premier VRP de Boeing qui est l'un des grands participants du programme F-X2 brésilien. Les câbles diplomatiques parlent alors d'une stratégie visant à discréditer les performances techniques de l'avion fabriqué par Dassault Aviation en prenant comme levier sa brève élimination dans le cadre de l'appel d'offres MMRCA en Inde. Les autorités françaises étaient alors intervenues auprès de New Delhi comme nous nous en faisions l'écho dans le passé.
Profitant de cette manœuvre indienne, les Américains souhaitent alors raisonner les Brésiliens en leur faveur tout en affirmant que les performances techniques du F-18 ne sont plus à prouver et que l'avion est bien meilleur marché. Depuis quelques mois, nous aurons observés l'attitude combative de Boeing affirmant être en mesure de proposer des transfères de technologies à la hauteur des espérances locales. Au-delà de cet aspect qui aura tourné en faveur du GIE Rafale, c'est la compétition sur le prix qui peut inquiéter. Boeing se dit prêt à tout faire pour remporter cette compétition et, comme le rapporte Wikileaks à bouter le chasseur français hors du Brésil. Ceci alors que nous le savons bien, le Rafale est un avion plus cher que le F-18.
Une réponse brésilienne et faveur du social déjà entendu depuis des années.
Présidente fraichement élue, Dilma Roussef va maintenant reprendre ce dossier du début. Si cela est une perte de temps avérée pour une industrie française de l'aéronautique de défense qui a besoin de vendre, cela ne constitue pas pour autant un refus brésilien d'acheter des Rafale. On peut penser d'ailleurs que ce geste est avant tout politique (ce même levier qui est crucial pour l'offre française) pour que la présidente s'affirme en temps que nouvelle chef de file. Elle souhaite peut-être aussi calmer les tensions qui existaient auparavant entre le président Lula et les forces armées. L'ancien président souhaitait alors faire son propre choix alors que la FAB semblait préférer une option Gripen plutôt que Rafale. Une fois de plus, si Washington fanfaronne sur le F-18, les forces brésiliennes préfèrent elle le chasseur suédois.
L'affaire n'est donc pas perdue alors que cela fait des années que le Brésil affirme sur la scène politique vouloir en priorité consacrer des fonds aux œuvres sociales du pays. Si c'est effectivement le cas, cette nation en développement a les moyens de jouer sur plusieurs tableaux d'autant qu'elle vient de découvrir un des plus gros gisements de pétrole de la planète en passe d'être exploité par la compagnie nationale Petrobras.
Les Emirats arabes unis sont toujours le plus gros client attendu dans un futur proche.
Si la transition est aisée entre les gisements de pétrole brésiliens et ceux des Emirats arabes unis, le Rafale aura là aussi essuyé des tirs nourris ces derniers mois. Or, nous le disions dans un précédant article, les choses sont aussi plus complexes qu'elles en ont l'air. Après une série d'erreurs françaises, le client potentiel a logiquement profité du comportement fautif des Français pour en demander plus. Quoi de plus logique alors que la France est tout de même responsable de tension diplomatiques entre les Emirats et les autres nations arabes du Golfe et de violation du confidentiel défense ? Rappelons au passage qu'au-delà de ce seul contrat, une victoire aux Emirats influencerait très positivement l'appel d'offres au Qatar.
Cependant, comme l'affirmait le ministre de la défense Alain Juppé, les choses avancent dans le bon sens dans ce pays. Les Emirats sont potentiellement le plus gros client export (en dehors de l'Inde mais le Rafale y fait figure d'outsider) et devraient permettre à l'avion de Dassault d'évoluer vers une version ultime comme ce fut d'ailleurs le cas dans le passé avec le Mirage 2000-9. Une influence positive qui pourrait au-delà des industriels et le tissu sociaux-économique qui en découle profiter aux forces aériennes françaises mais aussi sur le plan des opportunités à l'export avec de nouveaux équipements à forte valeur ajoutée disponibles.
Une des pressions qu'exerçaient les Emiriens sur Paris visait à obtenir des créneaux horaires supplémentaires dans les aéroports parisiens et donc sur la plateforme de Charles de Gaulle. Un tel projet était jusqu'à là un sujet sensible pour les autorités françaises qui voient la montée en puissance d'Emirates et de Etihad comme une menace pour la compagnie nationale Air France. Et pourtant, Paris vient d'accorder des créneaux supplémentaires pour ne pas se froisser avec ce partenaire et client. Ainsi, on peu donc raisonnablement espérer que les négociations ont de nouveau prises une direction favorable même si, une issue n'est pas attendue dans l'immédiat mais sait-on jamais, peut-être nous passerons nous d'un effet d'annonce pour la signature de ce dernier.