Analyse – La question a le mérite d'être posée par le député François Cornut-Gentille dans l'un de ses récents rapport à l'Assemblée Nationale concernant le projet de loi de finances pour 2012. Grâce à six pages bien documentées, le député décrit principalement les dérapages du programme JSF américain et appelle à des réponses quant au futur de l'industrie aéronautique militaire française. Des réponses qui, quoiqu'il arrive, auront déjà un train de retard face à nos principaux concurrents sur ce marché que sont les Américains, les Russes et peut-être prochainement les Chinois. Contrairement à ce que l'actualité démontre sur la stratégie nationale vis-à-vis des drones, chacun est en droit d'appeler à une stratégie concrète et réfléchie (deux mots qui font peur mais soyons fous) pour le futur de cette capacité de défense stratégique.
Le JSF en quelques mots et chiffres
Au milieu des années 1990, les Etats-Unis ont lancé le programme désormais connu comme étant le F-35 JSF (Joint Strike Fighter). L'idée générale fut alors de créer un appareil apte à remplacer tous les avions en service dans l'Air Force, la Navy et les Marines. Tout comme le Rafale (copier sur les Français ? Jamais !), le F-35 deviendrait l'avion omirôle de cinquième génération américain. Afin de réduire au maximum les coûts, les Américains proposent alors à leurs alliés de participer à cette grande aventure. Nous ne reviendrons pas sur ce gigantesque dumping que nous avons écumé ces dernières années. Reste qu'aujourd'hui, le programme a totalement déraillé alors que l'avion pourrait représenter selon une commission du Sénat américain 95% de la capacité d'attaque des Etats-Unis.
Pour certains, le programme aura été trop orienté autour d'enjeux financiers et trop peu autour des risque opérationnels. A ce jour, alors que la production a commencé, toutes les incertitudes ne sont pas encore levées et on se demande parfois si l'avion ne va pas finir très rapidement avec une interdiction de vol comme son collègue, le F-22. Les Etats-Unis font ainsi preuve d'une grande audace afin de préserver leur avance sur le reste du monde, mais à quel prix ? Ne serait-ce finalement pas plus avantageux de prendre le temps de développer un avion plutôt que de se retrouver sans rien ?
Sur le plan financier enfin, la dérive a été gravissime puisqu'en 2010, on parlait d'un surcoût de 90%. Un chiffre revu à la baisse (60%) grâce au report de l'acquisition de 122 appareils spécifiques. Le coût de possession de l'avion est lui aussi sujet à discussions. Au Canada on parle de 148,5M$ par appareil quand la cour des comptes américaine parle, elle, de 131,5M$. Ceci à supposer que 2 457 appareils soient bien commandés. Inutile de rappeler comme les menaces d'annulations sont importantes pour des pays comme le Royaume Uni qui se mordent de plus en plus les doigts de s'être embarqués dans ce gouffre financier, pour l'instant sans fond.
Un nouvel avion piloté ?
Le fantasme autour des drones de combat est devenu assez courant dans les pays développés. Il est désormais permis de penser que les drones de combat furtifs (on n'est plus à ça près) seront le prochain fer de lance des grandes armées. Sur le principe pourquoi pas, mais il faut se rendre compte des délais. En France tout comme en Europe, le projet nEUROn "piloté" par Dassault Aviation fait figure de référence. L'Etat français y investit intelligemment (même si une participation privée aurait sûrement été appréciée) mais au-delà du roll-out, pas d'enveloppe de prévue. Si l'on ne doit pas s'en faire pour le nEUROn, il ne remplacera certainement pas les avions de chasse comme le Rafale. Il faudra en effet du temps avant que le drone ne soit au point, qu'il soit introduit à grande échelle dans les forces et qu'il évolue en fonction des besoins, en d'autre terme, avant que le concept d'atteigne une certaine maturité. Mais au-delà du délai d'introduction, pouvons-nous anticiper sérieusement une utilisation massive d'UCAV dans les prochaines cinquante années ?
L'idée d'une force hybride constituée d'UCAV et d'avions pilotés émerge alors et paraît plus raisonnable. Le successeur du Rafale sera dans tous les cas un avion omnirôle et capable de largement interagir avec des drones. C'est le cas du nEUROn et du Rafale. Dans les cartons de Dassault Aviation, une série d'améliorations pensées afin d'emmener le chasseur français vers la cinquième génération. Reste à financer tout ceci. Problème majeur en ces temps de crise, l'Etat n'est plus seul capable de fournir toutes les garanties. Il faut alors se tourner vers des contrats à l'export, vers de nouveaux partenaires. Pour cela, l'histoire du Rafale n'est pas brillante alors que le chasseur n'aura été développé que par la France et peine à se vendre à l'étranger.
Certains comme le député François Cornut-Gentille émettent l'hypothèse qu'un nouvel avion pourrait émerger du fameux accord de coopération franco-britannique en matière de Défense. Que ce soit Dassault ou son homologue britannique BAe Systems, le potentiel est clairement là. Mais la décision politique est-elle envisageable ? Difficile à dire (bye bye l'ami Nimrod). Pour le moment le Royaume Uni coupe de façon très ferme dans ses dépenses militaires. La France, elle, démontre son manque d'ambition et de stratégie comme encore récemment avec le choix du F-Heron TP dans les drones MALE. Mais comptons sur Gérard Longuet pour nous faire remonter la pente (blague).