Analyse – Au cœur de la tourmente médiatique entourant le Rafale au Brésil, deux marchés plus petits auront progressés de manière significative ces dernières semaines. Le Qatar a ainsi officiellement lancé son appel d’offres en vu de moderniser sa flotte de chasseurs Mirage 2000-5. De plus, l’Irak tente lui aussi de rebâtir une force aérienne digne de ce nom en prospectant notamment pour des Mirage F1. Vous l’aurez compris, les équipes françaises ne manquent pas de travail !
Au Qatar, c’est le Rafale qui va tenter de s’imposer. L’appareil va devoir une nouvelle fois faire face à une concurrence sévère et principalement américaine. Nous rappellerons aussi que l’Eurofighter également déjà vendu dans le Golfe. En Irak nous le disions, ce sont des Mirage F1 qui tenteront de gagner leur pari de redonner vie à une force aérienne logiquement anéantie par les Américains. Mais là encore, Washington ne voit pas d’un bon œil la présence historique française et tentera certainement le tout pour le tout comme une nouvelle occasion de nuire à l’industrie aéronautique nationale.
Le Rafale ne remportera pas la guerre sans combattre au Qatar.
Sur ces pages comme ailleurs nous sommes tous conscients des difficultés du chasseur français à trouver le chemin de l’export. Dans le petit mais néanmoins très riche Etat du Qatar, le chasseur de Dassault Aviation va devoir la jouer fine pour s’imposer. En face de lui, il retrouvera ses meilleurs partenaires de jeu, Boeing évidemment qui tente de faire du pays l’un de ses pré-carrés tant au niveau du civil que de la défense. EADS/Cassidian va aussi tenter le coup avec un Eurofighter qui tient déjà un pays voisin et pas des moindres, l’Arabie Saoudite. Le Gripen de Saab sera évidement de la partie même si l’avion ne part pas favori. Enfin et c’est nouveau, Lockheed Martin va tenter de fourguer son merveilleux F-35 JSF dont on se demande encore qui pourra bien tomber dans le panneau.
Selon des sources locales, le processus de sélection devrait arriver à son terme d’ici la fin de 2012. Reste qu’entre temps la compétition risque d’être rude. Le Qatar héberge la base d’Udeid Al, la plus grande base américaine du Moyen Orient. Cette présence à elle seule permet d’illustrer l’influence que pourront avoir les Américains. La participation de Lockheed Martin n’est surement pas un hasard. Enfin, certains noteront le fort engagement de l’Arabie Saoudite envers Washington comme l’aura démontré une série d’énormes contrats passés l’année dernière. Cependant, l’Eurofighter trouve bien son plus gros client export dans ce pays. Ce succès local pour le groupe européen le confortera donc dans une très bonne position pour continuer d’écouler son chasseur dont le 250ème exemplaire vient de sortir d’usine.
Mais alors comment le Rafale peut-il s’imposer face à cette déferlance de violence commerciale ? Dans les termes de l’appel d’offres, on observe que 24 à 36 nouveaux appareils de combat sont en jeu au Qatar. Ce n’est donc pas un pays à prendre à la légère pour les équipes de Dassault. On se souvient aussi des déclarations faites pas l’émir de Bahreïn à l’encontre du fleuron de l’industrie aéronautique française, le qualifiant de « technologie du passé ». Cette déclaration rendue publique par Wikileaks est évidement à remettre dans un contexte où l’émir, en bon diplomate, aura surement voulu caresser ces bons Américains dans le sens du poil. Dans le cas contraire, tout bon spécialiste du domaine ne tiendra pas compte de telles déclarations démontrant tout au mieux une réelle incompétence. Si le Rafale est capable en combat tournoyant d’écraser tous les appareils ayant eu le peu de chance de se mesurer à lui, sauf le F-22 avec qui il a fait jeu égal, nous n’avons plus qu’à lui souhaiter bonne chasse !
En Irak, les Mirage F1 français cherchent une seconde vie.
D’aucun comprendra que les affaires Qatari et Irakienne ont en commun l’omniprésence américaine dans la région. Engagés dans un combat que l’on sait perdu d’avance, Washington tente de récolter un maximum de fruits de son errance irakienne. Parmi les fruits recherchés, l’on retrouve évidement la myriade de contrats commerciaux dont peut avoir besoin un pays en pleine reconstruction. Une reconstruction prise en partie en charge par les Etats-Unis. Technique américaine bien rodée, nous en savons quelque-chose en Europe, elle laisse peu de place au retour de la France dans un pays que pourtant elle connait bien. Des industriels comme Total ont perdu gros dans cet engagement américain et l’industrie de la défense aussi. La perspective des Mirage F1 volant dans le ciel irakien serait un signal encourageant pour les efforts français dans ce pays.
Les négociations pour remettre d’aplomb l’armée de l’air irakienne ne datent pas d’hier. Depuis XXX, les Américains tentent de vendre des F-16, l’un des appareils d’occasion le moins cher du marché. Il y a fort à parier que Lockheed Martin tente son fameux coup du don d’appareils avec des coûts de MCO (Maintient en Condition Opérationnel) hors du commun. Dans tous les cas, l’avion appuyé par les diplomates américains a de très fortes chances de gagner le marché si ce n’est qu’une fois de plus, un appareil fabriqué en France pourrait tout faire capoter.
Au total, ce sont 18 Mirage F-2000, variante modernisée du F-1, qui pourraient prendre le chemin des airs en Irak. Ces appareils sont en réalité des anciens de l’armée de l’Air. Dans le cas de l’obtention du contrat, ils seront modernisés avant d’être livré au client. Une bonne opération tant pour l’industrie tricolore que pour Dassault et l’armée de l’Air. Ces acteurs pourront notamment s’appuyer sur un réseau diplomatique qui s’étend avec succès et intelligence notamment à Bagdad. L’ambassadeur français Boris XXX est bien connu pour son action en faveur des intérêts français dans le pays. Là encore, bonne chance à ces appareils et à ceux qui les promeus. Néanmoins, cette vente n'en sera pas vraiment une puisqu'elle servira à régler un contentieux vieux de plus de vingt ans. En effet, ils seront le reliquat du contrat pour 25 appareils, commandés dans les années 80 par Saddam Hussein et dont seuls une petite dizaine avaient été livrés. Si l'ensemble de la commande avait été payée, les livraisons furent interrompues après l'invasion du Koweit et l'embargo qui en a suivi en 1990.
Une parenthèse pour les Emirats arabes unis.
Enfin, nous en profitons pour placer un mot concernant la campagne aux Emirats Arabes Unis. Après une année 2010 où nous serons clairement passés de la joie au désespoir, les choses semblent commencer à ses calmer pour la vente du Rafale dans ce pays. Les discussions ont repris mais nous ne pouvons que regretter ce nouveau couac bien à la française. Les Emiriens auront certainement eu raison de profiter de plusieurs erreurs commises dans l’Hexagone pour exiger plus de la part du GIE Rafale et de ses partenaires politiques. Alors qu’un Général se sera un peu trop permis de s’étendre sur des détails confidentiels, et que le Figaro (appartenant au groupe Dassault) aura publié un article sur les ventes de matériels de sécurité israéliennes aux Emirats, les Emiriens, peu coutumiers de ce genre de pratiques, ont fort peu apprécié. De fait, ils auront stoppé les négociations en cours avant de reprendre les discussions mais à ceci prêt, que de nouvelles exigences s’étaient glissées dans l’ordre du jour.
La compagnie Emirates pourrait alors être une gagnante inattendue dans le cas de l’obtention de ce contrat. Des créneaux horaires seraient en négociation sur la plateforme de Charles de Gaulle ce qui permettrait d’intensifier le trafic de la compagnie en France. Une sérieuse concurrence pour Air France qui peine déjà à défendre ses positions dans un monde qui change.
PS: Nous nous excusons pour le manque d'illustration de cet article dû à un soucis technique sur notre plateforme. Nous travaillons au plus vite pour régler le problème.