La presse canadienne s’est récemment faite l’écho de deux affaires concernant de prêt ou de loin d’acquisition discutable d’une flotte de F-35 américains en remplacement des CF-18 actuellement en service. Ce méga-contrat pour l’Etat canadien fait toujours polémique dans le pays.
Une discussion aujourd’hui alimentée par la divulgation inhabituelle « d’intrusions » russes dans une zone tampon de l’Arctique ou par un article de Wikipédia « cybervandalisé ».
Nous verrons ainsi au travers des deux articles que nous vous proposons dans leurs versions intégrales que ces deux affaires alimenteront pendant encore quelques jours la polémique autour de cet achat de F-35 par le Canada.
Nous commencerons par cet article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia qui aurait été la cible de cybervandalisme depuis des ordinateurs de la défense canadienne. L’article portant sur le chasseur de Lockheed Martin aurait tout simplement été modifié pour mettre en valeur le choix canadien et discréditer ses opposants. Enfin, le second article que nous proposerons vous décrira la récente incursion de deux bombardiers au long rayon d’action TU-95, aussi surnommé Ours. Pour le colonel à la retraite Michel W. Drapeau, cette divulgation a « probablement » un lien avec le processus d’acquisition des F-35 par son pays.
F-35 sur Wikipédia, des bureaux de la Défense interviennent : article publié par Radio-Canada.ca avec National Post et CBC.
Un article de l'encyclopédie libre Wikipédia portant sur les F-35 de la compagnie américaine Lockheed Martin a été la cible d'actes de cybervandalisme commis à partir d'ordinateurs de la Défense nationale canadienne.
Neuf passages ont ainsi été modifiés, soit ajoutés soit retranchés, les 20 et 21 juillet, pendant les heures de travail. Les changements apportés ont eu pour effet de présenter sous un meilleur jour l'achat sans appel d'offres de 65 appareils au coût de 16 milliards de dollars par le gouvernement Harper, annoncé il y a deux semaines.
Les passages qui avaient été supprimés de la page citaient des critiques formulées à son endroit.
Quant aux ajouts, il s'agit de faussetés, voire d'insultes à l'endroit du chef libéral Michel Ignatieff et du professeur de sciences politiques Michael Byers, de l'Université de Colombie-Britannique, tous deux critiques face à la décision du gouvernement Harper.
« Une décision merveilleuse et renversante » et un « idiot socialiste »
Un passage fait dire au chef libéral que l'octroi du contrat est « une décision merveilleuse et renversante ». M. Ignatieff avait au contraire réclamé une audition du comité parlementaire de la défense afin qu'il examine la décision. Ailleurs, on le ridiculise en disant qu'il « a six orteils par pied ».
Un troisième ajout dit du professeur Byers, un ancien candidat néo-démocrate : « Cet homme est un idiot, il doit être socialiste ».
Wikipédia, qui qualifie les modifications de vandalisme, a retracé l'adresse IP des ordinateurs utilisés, identifiant trois ordinateurs des bureaux de Recherche & développement pour la défense Canada, à Ottawa.
Quand les administrateurs du site s'en sont aperçus, ils ont effacé l'information et bloqué la saisie de données.
Dans une entrevue accordée à CBC, le directeur des communications de Wikipédia, Jay Walsh, a expliqué que la plupart des utilisateurs du site savent que les modifications apportées ne sont pas véritablement faites dans l'anonymat, car elles peuvent facilement être retracées.
« C'est quand même surprenant. Habituellement, les gens qui travaillent dans des services publics assez intelligents du monde entier semblent avoir pleinement conscience du mode de fonctionnement de Wikipédia. » déclare le directeur des communications de Wikipédia, Jay Walsh.
La Défense nationale a confirmé que ses ordinateurs avaient bel et bien été utilisés pour modifier l'article de Wikipédia, sans toutefois désigner l'unité, la section ou les individus qui ont commis ces gestes. Les responsables n'ont pas encore été identifiés, affirme la Défense.
Selon un porte-parole, Martin Champoux, il ne s'agirait pas de gestes politiques, mais plutôt d'une utilisation inappropriée des ordinateurs du gouvernement.
La Défense se refuse en outre à parler d'« insultes », comme l'indiquaient les médias anglophones, évoquant plutôt des « critiques ».
Une note sera envoyée aux employés pour leur rappeler les règles gouvernementales concernant l'utilisation d'ordinateurs à des fins personnelles, a ajouté le porte-parole.
L'affaire a été révélée par le National Post.
Des gestes dénoncés par l'opposition
Autant le Parti libéral que le Nouveau Parti démocratique ont déploré ces pratiques. L'incident, que Michael Ignatieff a qualifié d'« inacceptable », montre que le gouvernement a quelque chose à cacher, a-t-il réagi.
« Au lieu de plaider leur cause auprès des Canadiens, de leur dire : "voilà pourquoi nous avons besoin de ces avions", ils jouent à ces jeux sur Wikipédia. Si vous n'êtes pas capable de montrer le bien-fondé de votre dossier, alors c'est que votre projet n'est pas correct. » déclare le chef libéral Michael Ignatieff.
« C'est un manque de respect pour le public, c'est un manque de respect pour le débat démocratique, a-t-il ajouté. Ils ont manipulé l'information, c'est typique de ce gouvernement ».
Le chef néo-démocrate, Jack Layton, a donné le même son de cloche : « Ça me fait penser aux actions de gouvernements autoritaires, qui essaient de réécrire la vérité, supprimant secrètement des références mises dans des documents publics et tentant de faire disparaître les réalités d'un débat. »
« Nous savions tous que le [premier ministre] Harper exerçait un contrôle sur l'administration, mais nous ne pensions pas qu'il était prêt à prétendre que des paroles qui ont été prononcées ne l'ont jamais été », a-t-il laissé tomber.
Les deux formations avaient mis en doute l'achat de 65 nouveaux avions de chasse sans appel d'offres, d'autant plus que le gouvernement a dépensé plus de 2,5 milliards de dollars pour mettre à niveau ses appareils de combat actuels.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2010/07/29/004-wikipedia-defense-avions.shtml
Les Russes sondent l’espace aérien canadien par l’agence de presse QMI.
Des avions de chasse canadiens sont intervenus, mercredi, afin de repousser des bombardiers russes qui ont tenté à quelques reprises de sonder l'espace aérien du Canada. L'Agence QMI a appris que deux CF-18 ont décollé de la base de Bagotville pour intercepter deux bombardiers russes TU-95 de longue portée.
L'interception a eu lieu à quelque 460 km à l'est de Goose Bay, au Labrador. Le ministre de la Défense Peter MacKay a indiqué à l'Agence QMI que les bombardiers se trouvaient dans une zone tampon, et bien qu'ils n'aient pas pénétré dans l'espace aérien canadien, les appareils russes étaient à l'intérieur de la zone de 300 milles nautiques que revendique le Canada. Les deux CF-18 canadiens ont escorté les TU-95 russes jusqu'à ce qu'ils quittent le secteur. « Ils (Les Russes) ne nous ont envoyé aucun avis préalable de leur manoeuvre», a dit le ministre MacKay, précisant que les avions de chasse de NORAD (Commandement intégré binational, américain et canadien, chargé de la surveillance et du contrôle de l'espace aérien du Canada et des États-Unis) ont, quant à eux, intercepté entre 12 et 18 bombardiers russes chaque année depuis 2007.
L'incident en soi est assez commun, ce qui l'est moins, c'est que le gouvernement en fasse état, comme l'explique le colonel à la retraite Michel W. Drapeau : «Ce qui est cocasse dans ce cas -ci, c'est que ça sorte et que le ministère de la Défense en ait fait rapport. C'est un événement qui pourrait alimenter les bulletins de nouvelles de deux à trois fois par semaine. On sait que le Canada est sur le point de faire l'acquisition d'avions de chasse pour remplacer les CF-18 qu'on a. Est-ce que les deux sont reliés? Probablement», estime-t-il.
Le bombardier TU-95, surnommé l'Ours, peut transporter des armes nucléaires, et lors de cette intrusion, l'un des appareils ou les deux possédaient peut-être une ogive nucléaire. « Nous n'étions pas au courant de ce qu'ils pouvaient transporter à bord », a dit le ministre MacKay.
Les tentatives russes d'intrusion dans l'espace aérien canadien ont débuté en 2007, et sont maintenant plus fréquentes selon des militaires et spécialistes. Un responsable senior a toutefois ajouté que l'incident de mercredi ne ressemblait pas « aux embêtements habituels ».
Le Canada est dans la course avec la Russie et d'autres pays afin de revendiquer la souveraineté sur l'Arctique. Les géologues estiment que ce territoire recèle d'importantes réserves de pétrole, de gaz naturel, de diamant et de minéraux. Un compte-rendu des services de renseignement russes prédisait en 2007 que des conflits éventuels étaient possibles dans ce contexte de « course aux ressources naturelles ».
Les États-Unis, la Norvège et le Danemark revendiquent eux aussi la propriété de portions des fonds marins arctiques. Même la Chine, qui pourtant n'est pas voisine de la côte de l'Arctique, a fait des incursions maritimes dans cette région. Un amiral chinois a déclaré plus tôt cette année que puisque la Chine abritait 20% de la population mondiale, elle devrait posséder 20% des ressources de l'Arctique.
Cette incursion étrangère près de l'espace aérien canadien survient alors même que fait rage le débat sur la nécessité pour le Canada de remplacer ses CF-18 vieux de 30 ans par une nouvelle génération de chasseurs. Le gouvernement Harper s'est engagé à acheter 65 appareils F-35 au coût de 9 milliards $. Les opposants à cet achat ont déclaré que de tels avions, dignes de l'époque de la guerre froide, ne sont plus nécessaires.
Rob Huebert du Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary, a précisé à l'Agence QMI que les Forces armées canadiennes doivent améliorer leur flotte aérienne depuis que les Russes font de même avec leurs bombardiers. Selon lui, le Canada a besoin de cette amélioration, sinon, il devra accepter que les États-Unis interviennent à sa place.
« C'est le regain militaire de la Russie, selon l'analyste militaire Mercedes Stephenson. Les Russes veulent établir leur autorité dans le Nord. » Il ajoute qu'après la guerre froide, l'armée russe était dans un état de délabrement, mais que depuis, beaucoup d'argent a été investi afin de retrouver la fierté passée, en particulier dans les forces aériennes.
Le ministre MacKay a nié se servir de cette intrusion russe afin d'encourager l'achat des nouveaux appareils F-35: « Même le plus cynique n'irait pas jusqu'à prétendre que nous avons manigancé la visite d'un bombardier russe pour augmenter l'appui à notre armée de l'air », a-t-il dit.
http://lcn.canoe.ca/lcn/infos/national/archives/2010/07/20100730-110337.html