Si les efforts européens pour conquérir l’Amérique du Sud ne manquent pas, nous allons voir qu’il va falloir une nouvelle fois faire face aux deux mastodontes américain et russe. Ceci alors que la Chine semble tester sa capacité à décrocher des marchés de défense face à l’Occident dans cette région du monde. Encore considérée comme primitive dans la conception de ses avions ou hélicoptères de combat, la Chine démontre de sa volonté à concurrencer les grands de ce monde alors même que son offre n’est pas encore aboutie.
Nous allons donc nous intéresser à de nouveaux marchés d’Amérique Latine : le Venezuela, le Chili et la Colombie. Aujourd’hui, c’est surtout le Venezuela qui attirera notre attention.
Relent de guerre froide sur le continent sud-américain.
Pour Rosoboronexport la situation est claire : « la Russie espère la conclusion de "gros contrats" avec les pays d’Amérique latine », a annoncé Sergueï Svechnikov, chef de la délégation de l’agence russe d’exportation d’armements. Jouant sur ce qui fait en partie la renommée du matériel russe à savoir la fiabilité, la robustesse et la multifonctionnalité, les Russes veulent conquérir l’Amérique du Sud. Su-35, Mi-17, Yak-130 ou l’avion-amphibie Be-200 dont on entend de plus en plus parler, sont autant de référence qui correspondent bien au marché local. Ceci au grand damne des Américains qui commencent à faiblir dans leur prêt carré traditionnel.
Un scénario digne de la guerre froide auquel se joignent Européens et Chinois. "Nous avons augmenté ces derniers temps le volume des contrats et des fournitures d’armements russes dans les différentes régions du monde, notamment en Amérique latine", a indiqué M.Lavrov, chef de la diplomatie russe. Ces exportations ne visent pas des buts politiques ni idéologiques. "C’est une question purement commerciale. Certes, les Etats-Unis nous dépassent, mais nous progressons", a souligné le ministre russe. Des déclarations qui nous ramènent à des souvenirs pas très lointains. C’est aussi une transition toute trouvée vers le Venezuela puisque des bombardiers supersoniques Tu-160 russes ont établi une base dans ce pays pour des "vols d'entraînement" sur les Caraïbes et l'Atlantique.
La boulimie d’achat d’armes du Venezuela.
Alors qu’Hugo Chavez règne toujours au Vénézuela, sa marche vers « le socialisme du XXIème siècle » le rapproche plus des Russes que des Américains. La virulence dont il fait politiquement preuve face aux Etats-Unis et des affaires économiques critiqués comme la nationalisation sauvage de certaines activités dans son pays n’affecte que peu Moscou et place les industriels en bonne posture pour vendre du matériel de défense dans la région. Depuis 2005, le montant des transactions entre les deux pays aurait atteint les quatre milliards de dollars.
Ainsi, depuis plusieurs années, Caracas et Moscou entretiennent des liens privilégiés. 100.000 fusils d'assaut AK-47 ont déjà été achetés pour un montant de 54 millions de dollars en 2005. 38 hélicoptères Mi-17 sont eux-aussi en service dans le pays. De plus, le 4 juin 2006, Hugo Chavez officialisait entre autres commandes, celle de 24 Su-30MK2. Une commande passée auprès de l’avionneur Sukhoï qui achève actuellement la livraison de ces derniers appareils. Ces avions pourraient cependant être appuyés dans le futur par d’autres exemplaires de la gamme. En effet, Caracas négocierait toujours l’achat de Su-35.
Reste que pour le moment, le Venezuela n’aurait pas les moyens pour satisfaire son appétit gargantuesque. Le président vénézuélien a besoin d’un maximum de ressources pour compléter son programme social et négocierait une ligne de crédit avec Moscou pour l’achat de différents types d’armements. Pas moins de 1,5 milliards de dollars seraient en discussion pour l’achat de quatre sous-marins du projet 636 et d’avions de transport Il-76. Il faudrait donc y ajouter un éventuel achat de nouveaux Su-35 pour lequel Moscou aurait déjà fait une proposition commerciale.
Si le choix de s’allier avec les Russes est politiquement logique, cette sélection s’est aussi faite suite au refus de Washington de vendre à Caracas des armes et des composants militaires de fabrication américaine décidé en mai 2006. Déjà équipée de F-16, l’armée de l’air vénézuélienne a du mal à obtenir des pièces de rechange pour ses avions en provenance des Etats-Unis avec lesquels les relations diplomatiques sont tendues. Cette nouvelle acquisition de matériel russe (Su-30MK2) était l’occasion pour le président de provoquer un peu plus les Américains : "plus modernes et plus efficaces que les avions de combat F-16 américains, les avions russes volent désormais dans le ciel de notre pays. »
L’offensive chinoise au Venezuela.
"Les Etats-Unis ont essayé de nous désarmer, de nous appliquer un embargo, nous avons de vieux avions de technologie américaine, mais ils ne volent pas car les Etats-Unis refusent de nous vendre des pièces détachées", a affirmé Hugo Chavez. Il n’en fallait pas moins pour motiver Pékin à tenter une approche sur les marchés export. Ainsi, en mars de cette année nous avons pu remarquer la livraison de six K-8W Karakorum. Ces appareils biplaces d’entrainement, de reconnaissance et éventuellement de frappe au sol font partis des 18 achetés par Caracas pour répondre aux besoins pressants de formation de ses pilotes. Au total, Hugo Chavez souhaite acquérir une quarantaine de ces appareils.
Le K-8W Karakorum est la version export de l’appareil développement conjointement par la Chine et le Pakistan. Baptisé à l’origine Hongdu Nanchang JL-8, il est le fruit de la coopération entre le chinois Nanchang Aircraft Manufacturing Corporation et du pakistanais Pakistan Aeronautical Complex. Le premier prototype de l’avion a été construit en 1989. Hormis la Chine, le Pakistan et maintenant le Venezuela, le K-8 export a trouvé sa place aux Philippines, Indonésie, Bolivie, Egypte, Ghana, Namibie, Sri Lanka, Soudan, Tanzanie, Zimbabwe, Zambie ainsi qu’en Birmanie.
D’abord annoncés en service début 2009, ces appareils viennent finalement d’arriver avec un an de retard au Venezuela. Cependant, cette nouvelle vente marque encore un peu plus le crédit que l’on veut bien donner à la Chine et à sa conquête des marchés aéronautiques. Mais Washington reste surtout concentré sur son concurrent russe. Les Américains se disent de plus en plus préoccupés par les ventes d’armes russes dans ce pays. La diplomatie américaine a toutefois reconnu à chaque pays le droit de prendre des décisions concernant l’achat de "systèmes défensifs aussi sérieux". Reste que les récents efforts de Caracas pour acheter des Su-35, 92 chars T-72 et un système de lance-roquettes multiples Smertch inquiètes. Ce à quoi répond volontier le premier ministre russe Vladimir Poutine : « La Russie poursuivra la fourniture d’armes et de matériel militaire au Venezuela. Nous continuerons d’entretenir et de développer le potentiel défensif du Venezuela. Vous savez que la Russie a déjà livré à ce pays des chasseurs Su-30 et d’autres matériels de guerre à des prix inférieurs aux prix mondiaux ».
Michael Colaone.
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