Reportage – L’Asie fascine. Cette association de mots que nous n’avons tous que trop lu est aussi assez vraie dans le monde de la défense et la sécurité. Les industriels du monde entier fantasment énormément sur le potentiel de ce continent aux nombreuses facettes. La Chine ne faisant qu’attiser ces délires parfois proches du paranormal alors que pour les industriels occidentaux de l’armement, et bien le marché est nul. Reste alors à explorer les autres pays de la région dont l’Indonésie, qui, au-delà du fait d’être un pays fabuleux, présente un fort potentiel de marché. Petit tour de la question lors du salon Indodefense qui s’est tenu à Jakarta en ce mois de novembre.
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7,5 milliard de dollars en 2012, le budget de la défense indonésienne n’en finit pas de grossir. Une somme qui devient de plus en plus alléchante pour les industriels du monde entier, d’autant que les budgets européens par exemple deviennent une espèce en voie de disparition. Les braconniers sont donc de sortie pendant cette semaine d’exposition à Jakarta. A savoir comment chacun pourra le mieux attirer le « garuda », soit l’aigle indonésien dans ses filets.
La France est montée au créneau et cela fait plaisir à voir. Les industriels spécialisés dans le terrestres ont fait le déplacement avec quelques véhicules dont Nexter avec son César ou encore Renault. Safran de son côté semblait rester concentré sur l’aviation civile. Pourquoi pas, mais qui ne tente rien n’a rien… L’entreprise hexagonale la mieux représentée était Thales. Présents dans le pays depuis plus de 40 ans à ce qu’il se dit, les agents thalesiens sont actifs dans la défense au travers de l’offre radio du groupe mais aussi pour toute la gamme radar qui fut la plus exposée lors du salon. EADS était également présente mais en dehors du contrat gagné récemment par Casa ou encore la livraison de l’A400M à la Malaisie, rien ne semble se passer sur le stand glacé du groupe. La division de défense sus nommée Cassidian était absente. Bien vu…
Mais face à nos entreprises nationales se positionne aussi une concurrence européenne assez variée. Les pays de l’est sont de plus en plus présents à l’export, avec notamment des pavillons polonais ou tchèques. Les grandes nations capables d’offrir une expertise dans le domaine naval, comme la Hollande sont également bien représentées. Enfin, l’Allemagne est elle aussi bien là avec ses compétences navales mais aussi liées à la défense anti aérienne ou au terrestre avec la vente de chars par Rheinmetall. Reste que la marge de manœuvre des entreprises européennes nous a semblés assez limitée face aux énormes efforts déployés par les Sud-Coréens, les Turques, les Américains et bien-sûr les Russes et les Chinois.
Tout d’abord, il est certain que l’Indonésie développe de plus en plus de liens avec un certain nombre de pays non alignés type Brésil ou Afrique du Sud. Les industriels de ces nations étaient bien présents, notamment avec des offres de drones comme le Seeker 400 de chez Denel. Embraer présentait ses compétences pour des avions de type EMB 145 EW pour de la guerre électronique embarquée. Ces pays ont naturellement plus de facilité à discuter avec l’Indonésie car ils sont moins restreints par les règles à l’exportation et de négociations. Rappelons que nous sommes ici dans un pays qui a une culture très ancienne, qui date de bien avant nos délires paranoïaques de lutte anti corruption. Une notion qui fait d’ailleurs bien rire nos amis de Biélorussie par exemple, qui eux visiblement ne s’embarrassent pas de processus longs et coûteux pour vendre leur matériel. Bon il faut dire que contrairement à nous, ils savent déjà qu’ils ont faim.
Les grandes puissances influentes de demain se sont largement exposées sur ce salon. Nous pouvions découvrir une ville russe, principalement occupée par du terrestre et de l’aérien militaire. L’apparition du Sukhoi SSJ-100, si elle ne fut pas une surprise, fait plaisir à voir après l’accident tragique de cette année en Indonésie. Le public semble d’ailleurs particulièrement sensibilisé à cet avion. Mais ce ne fut rien en comparaison de la Corée du Sud, dont les délégations officielles se sont succédées les unes après les autres. Les chantiers navals du pays ont déployé de gros moyens, tout comme KAI qui vend littéralement du rêve dans ce pays. Le T-50 fut présenté en vedette, tout comme les autres produits de l’industriel qui lui aussi se diversifie dans les drones. Car si ce pays compte largement sur les Etats-Unis pour se fournir en technologies de pointe, il peut fournir en revanche un pays comme l’Indonésie avec des technologies moins avancées. Les Etats-Unis, qui sont présents depuis longtemps en Indonésie afin de fournir des appareils dont ils ont la spécialité. Pendant le salon en revanche l’ambiance était assez morne avec peu de produits sur les rayons. Mais ce n’est pas forcément significatif car depuis quelques mois les américains fuient les grands salons mondiaux sous prétexte de réduction de coûts. Après, comme le disait un exposant turc, si tu veux vendre, il faut bien voir le client...
La situation est donc de plus en plus complexe à décrypter en Indonésie, alors que chaque nationalité s’accorde à dire que le marché à un fort potentiel. Reste que pour certains, les budgets sont là et pour d’autres, cela est moins évident. Nous avons eu l’impression que l’influence est déterminante dans ce pays. Si les Chinois annoncent ne pas avoir obtenus de garanties budgétaires, les Américains disent n’avoir aucun problèmes, même si évidement, ce n’est pas le Pentagone. Les faits sont d’ailleurs là pour leur donner raisons au vu des commandes passées. Reste que l’Indonésie semble plus à l’aise avec ses voisins directs. Singapour ou encore la Malaise pourraient être des partenaires de choix pour le développement de l’industrie indonésienne. Si tous les Indonésiens semblent d’accord sur un point, c’est bien qu’ils veulent apprendre à faire les choses par eux-mêmes.