Analyse - Bien que ce blog ne concerne habituellement pas les hélicoptères, cette information nous aura parus assez inédite pour vous la relayer. Alors que de nombreuses zones d’ombre restent à éclaircir suite au raid des forces spéciales visant le chef d’Al Qaida à Abbottabad, des sites spécialisés anglophones ont fait état de l’utilisation d’hélicoptères furtifs pour mener à bien cette mission exceptionnelle.
Sans le crash de l'un de ces hélicoptères, dont le nombre varie de deux à quatre suivant les sources, le secret entourant ces appareils serait probablement resté inviolé pendant plusieurs années. L’appareil en question devait se poser à l’intérieur de la propriété visée, mais il semblerait qu’il ait heurté un obstacle durant sa descente. Les dégâts étant trop importants pour lui permettre de redécoller, les SEALs auraient alors entrepris de détruire la cellule de l’appareil, suivant la procédure en vigueur pour ce genre d’accident. Cependant, la poutre arrière étant tombée hors de l’enceinte du bâtiment, elle fut préservée de la destruction, la laissant ainsi à la vue de tout le voisinage et des média qui n’ont cessé d’affluer à la suite de l’évènement. La plupart d’entre eux n’étant pas experts en aéronautique, ils ne prêtèrent pas une grande attention à cette carcasse.
Cependant, il est vite apparu sur certaines photos que la poutre possédait des caractéristiques pour le moins inhabituelles. En effet, il était admis que ce fut des MH-60, variante destinée aux forces spéciales du fameux Black Hawk de Sikorsky, qui furent mis à contribution ce jour là. Or, le rotor anti-couple et sa structure ne ressemblent en rien à ceux d’un MH-60.
Une furtivité acoustique, thermique et radar
Premièrement, le nombre de pâles s’élève semblerait-il à cinq, à opposer aux quatre des versions « connues ». Cette technique permet de réduire sensiblement le bruit émis par l’hélicoptère, contribuant à la partie acoustique de sa furtivité. Par ailleurs, certains témoins du raid ont déclaré n’avoir entendu les hélicoptères que lorsqu’ils étaient directement au dessus d’eux, ce qui signifie que d’autres systèmes de limitation du bruit sont à l’œuvre sur ce type d’appareil.
Pour ce qui est dans la signature thermique, l’utilisation d’une peinture blanche ou argentée, chose assez inhabituelle dans le monde militaire, permettrait de réfléchir les émissions en provenance des parties chaudes de l’appareil. Ce dernier possède très certainement des déflecteurs de jet en sortie des turbines, afin de renvoyer l'air chaud vers le haut, technique assez répendu de nos jours, notamment pour protéger les hélicoptères contre la menace des missiles sol-air courte portée.
Enfin, concernant la signature radar, celle qu’on associe souvent au terme « furtif », un ensemble de faces lisses avec des angles prononcés entre elles est destiné à renvoyer les signaux radar dans une autre direction que celle d’origine, cette solution ayant déjà été mise en oeuvre sur le chasseur-bombardier F-117 Night Hawk. L’empennage horizontal légèrement avancé ainsi que le capot couvrant le rotor anti-couple, le tout recouvert d'un revêtement spécial, participeraient également à la réduction de la signature radar de l’hélicoptère.
Une surprise pas si surpenante que ça
Si l’existence d’un tel appareil peut sembler être une surprise, on était toutefois au courant que les centres de R&D américains planchaient depuis maintenant plus de deux décennies sur des programmes d’hélicoptères furtifs. Le plus médiatique d’entre eux fut sans conteste l’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque RAH-66 Comanche, destiné à remplacer les actuels OH-58 Kiowa Warrior de l’Army dans leur rôle d’éclaireurs des AH-64D Apache Longbow. Cependant, ce programme, directement issu de la Guerre Froide, connut d’importants dépassements budgétaires, tandis que ses caractéristiques furtives ne servaient pas à grand-chose dans les conflits dits « asymétriques » tels que celui d’Afghanistan où la menace radar est inexistante, la puissance de feu étant alors privilégiée. Le programme fut donc purement et simplement annulé en 2004 afin de dégager des crédits supplémentaires pour des drones et des hélicoptères plus conventionnels.
Les Skunk Works toujours aussi discrets
Cependant, alors que le programme Comanche était pratiquement sous le feu des projecteurs, les fameux bureaux d’études Skunk Works de Lockheed Martin auraient travaillé conjointement avec le commandement des opérations spéciales US pour améliorer la furtivité de la flotte des MH-60 du 160th Special Operations Aviation Regiment. C’est en tout cas ce que révèle un ancien pilote des forces spéciales américaines, qui ajoute qu’au moins quatre appareils auraient reçu ces modifications au Nevada, avant que le programme ne soit arrêté, sans que la raison, technique ou financière, ne lui soit connue.
Vers une fuite technologique
Il semblerait donc que ce soit plusieurs de ces hélicoptères qui furent utilisés le 2 mai 2011 afin de capturé Oussama Ben Laden, alias "Geronimo". Le Pentagone, qui n’a toujours pas réagi à propos de ces informations, craint probablement, et à juste titre, que les éléments intacts de la cellule ne tombent entre de mauvaises mains, comme ce fut le cas lorsqu’un F-117 fut abattu au dessus de la Serbie en 1999. Si à l’époque ce sont les Russes qui avaient bénéficié de cette fantastique opportunité de percer les propriétés technologiques des appareils américains, ce sera cette fois très probablement au tour de la Chine d’en profiter, puisque des liens stratégiques existent de longue date entre Islamabad et Pékin.
En tout cas, si cet appareil est bien une version furtive du MH-60, il semblerait que ce soit désormais de coutume pour les industriels américains de modifier leurs appareils afin de leur donner de nouvelles capacités furtives à moindre coût, comme l’a fait Boeing avec son F-15 Silent Eagle, ainsi que possiblement avec le F-18 Silent Hornet.
Un soutien aérien fourni
Pour finir, nous pouvons également faire état de la possible utilisation d’un drone furtif RQ-170 Sentinel lors du raid sur Abbottabad. Suivant plusieurs sources, ce drone, mis secrètement en service sur la base de Kandahar à l’été 2007, aurait servi à assurer la surveillance du site durant l’opération. Son utilisation opérationnelle ne peut pas être affirmée à l'heure actuelle.
Plusieurs appareils de soutiens étaient bien évidemment disponibles aux alentours, parmi lesquels des RC-135 River Joint, E-2C Hawkeye ou encore des F-18 E/F opérant depuis deux porte-avions croisant au large du Pakistan et servant habituellement à l’appui des troupes de l’ISAF en Afghanistan. Il est probable que ces appareils se soient servis du passage nécessaire au dessus du Pakistan pour rejoindre le théâtre afghan dans le but de légitimer leur présence en territoire pakistanais, alors que le gouvernement d’Islamabad n’aurait pas été mis dans la confidence du raid. On imagine alors la situation pour le moins embarrassante si le raid avait été détecté et si la chasse pakistanaise avait décollé…