Analyse - Une fois de plus, la décision est reportée. Le président brésilien Lula Da Silva a récemment annoncé qu'il ne choisirait finalement pas le gagnant de la compétition FX-2 pour l'achat de 36 avions de combat avant la fin de son mandat. Ce revirement de situation laisse une fois de plus l'équipe Rafale dans l'angoisse de l'attente.

En soi, l'annonce n'est pas aussi catastrophique qu'il n'y paraît. En effet, Dilma Rousseff, la future dirigeante du Brésil s'est également, prononcée en faveur de l'avion de Dassault, ne souhaitant pas remettre radicalement en question l'héritage de son prédécesseur. Les responsables français se sont d'ailleurs déclarés "confiants" quant à l'issue de l'appel d'offre.

Le Gripen comme trouble fête

Néanmoins, plusieurs obstacles se dressent encore et toujours sur la route du Rafale. Le principal étant incarné par le Gripen NG suédois, le plus sérieux des concurrents de l'avion français pour ce marché. Ainsi, si le Rafale est l'avion préféré des politiques brésiliens, le Gripen est lui le favoris des militaires, voyant en lui un avion plus adapté à leurs besoins, notamment en terme de rapport qualité/prix. Le coût d'achat du Rafale est son principal handicape, étant significativement plus élevé que celui du Gripen du fait d'une plus grande sophistication.

Cependant, la décision finale reviendra aux politiques, plus particulièrement au ministre de la défense, qui restera à son poste dans le nouveau gouvernement et à la présidente, tous deux favorables à l'offre française. La principale raison à cette préférence tient au fait qu'il existe un accord de défense conclu en 2008 entre Brasilia et Paris, les deux pays devenant ainsi des partenaires privilégiés. Le choix du Rafale par l'exécutif brésilien serait donc une manière de souligner l'importance de cet accord à leur yeux, tout comme ils ont acquis 50 hélicoptères et quatre sous-marins auprès d'Eurocopter et de la DCNS. Reste à savoir si Madame Russeff fera preuve d'autant de détermination que son mentor face à l'armée. Ainsi, lors des récentes manoeuvres Crussex V qui se déroulèrent au Brésil le mois dernier et auxquelles le Rafale a participé, le chef d'état-major suédois a été invité par son homologue brésilien alors que la Suède ne participait pas à l'exercice. Ceci semble constituer un message clair des militaires à destination des dirigeants politiques.

Les autres priorités brésiliennes

Autre sujet d'inquiétude, le possible report à une date indéterminée de l'achat des appareils, là encore au motif du coût excessif d'un tel contrat. Ceci ne serait pas une première puisque la Suisse a pris il y a quelques mois une telle décision en repoussant à la prochaine décennie sa décision d'achat d'appareils destinés à remplacer ses F-5 hors d'âge.

Pour revenir au cas brésilien, Rousseff s'est récemment déclarée favorable à une réduction des dépenses publiques. Le coût des réformes sociales dans lesquelles est engagé le gouvernement pourraient pousser celui-ci à transférer les fonds destinés au programme FX-2 vers des projets sociaux. Ceci est cependant peu probable au vu des ambitions du Brésil et du rôle qu'il entend mener dans le monde, en tant que leader de l'Amérique latine. Hors, pour pouvoir s'affirmer comme puissance régionale, Brasilia se doit de posséder une force armée puissante, à même de protéger l'intégrité de son immense territoire ainsi que ses nouveaux gisements pétroliers situés au large de ses côtes. L'annulation du programme laisserait l'armée de l'air dotée d'appareils de générations dépassées tels que le F-5 ou l'AMX, alors que certains voisins disposent déjà d'appareils de quatrième génération tels que les Su-30 vénézuéliens.

Wikileaks révèle quelques informations sur la compétition

Pour en finir avec les déboires  du Rafale en Amazonie, la récente mise sur internet des câbles diplomatiques américains par Wikileaks laisse transparaître les manœuvres du gouvernement américain afin de contrer l'offre française. Ainsi, Washington argue que la conception de l'avion de Dassault ferait appel à des composants américains soumis à des restrictions à l'exportation. La vente du Rafale à un pays tiers nécessiterait donc l'accord explicite des Etats-Unis, par ailleurs parties prenantes de la compétition puisque ceux-ci proposent le F-18E/F Super Hornet de Boeing. L'avion français ne constituerait ainsi donc pas une alternative au matériel américain. Cependant, il est là encore peu probable que ce fait soit un obstacle à l'achat du Rafale par l'armée de l'air brésilienne. Les composants en question ne seraient pas des éléments critiques de l'appareil, ils auraient été choisis sur étagères car leur production en Europe aurait été trop coûteuse. De plus, un véto américain à la vente du Rafale serait très mal pris par la France et pourrait ainsi détériorer les relations pour l'instant au beau fixe entre les deux pays.

Un crash au mauvais moment

Comme si le Rafale n'avait pas suffisant de problèmes à se vendre hors du territoire national, un des appareils de la Marine nationale s'est abimé en mer le 28 novembre alors qu'il était engagé dans la mission Agapanthe dans l'océan indien. L'accident, qui n'a heureusement pas fait de victime, eut lieu juste après que l'appareil eut fini de se ravitailler auprès d'une "nounou", c'est-à-dire d'un autre appareil jouant le rôle de ravitailleur en vol. D'après les premières analyses, c'est une panne informatique suivie d'un non-respect des procédures qui aurait entraîné la perte de l'appareil, qui se serait vidé de son carburant en quelques minutes, se retrouvant ainsi rapidement en panne sèche 100km au large des côtes pakistanaises. L'appareil en lui même ne serait donc pas impliqué, c'est ce qu'a voulu démontrer la Marine en reprenant rapidement les vols des Rafale au-dessus de l'Afghanistan.

Ainsi, une fois de plus le Rafale de Dassault se retrouve dans une période d'incertitude quant à son avenir hors de France. Cependant, aucun des obstacles auxquels il est confronté n'est insurmontable. Si l'appareil continue de recevoir un soutien indéfectible de la part du gouvernement français tout en bénéficiant d'une démarche commerciale pragmatique et adaptée à un contexte concurrentiel très aggressif, il est toujours permis d'espérer l'annonce d'une bonne nouvelle d'ici à quelques mois. Nouvelle qui serait salvatrice aussi bien pour Dassault que pour l'armée française, qui se verrait ainsi décharger d'une part du fardeau financier que constitue ce programme.