Analyse – Il y des nations qui essayent d'en sortir et d'autres qui, visiblement, ont envie d'y rentrer. L'aventure F-35 fait encore rêver le Japon, qui a décidé en ce mois de décembre de signer avec Lockheed Martin pour l'achat de 42 appareils. Alors que le montant estimé de l'offre américaine est de 113M$ par avion, le F-35 était le choix le plus cher et le plus risqué. Après que le Japon ait eu à souffrir de différentes catastrophes récentes entrainant notamment des dommages sur 18 de ses F-2, un tel choix peut sembler énigmatique. Et pourtant, l'archipel nippon doit faire face à de nombreuses incertitudes militaires devenues de plus en plus urgentes. Dans tous les cas, cela clos un des appels d'offres les plus importants du moment et auquel participaient encore le F-18 Super Hornet de Boeing et l'Eurofighter (Cassidian, BAe Systems, Finmeccanica).
Un contexte militaire de plus en plus tendu.
Si les yeux des Européens sont souvent tournés vers le Maghreb ou le Moyen-Orient, la situation géostratégique de l'Asie évolue constamment. Ceci à commencer par la situation du Japon qui voit la montée en puissance de ses voisins avec de plus en plus d'inquiétude.
Au premier rang de ces puissances montantes se trouve évidemment la Chine. Le pays engage un budget de la défense conséquent et développe une industrie de défense qui fait parfois sensation. Dernière annonce en date, les images du Chengdu J-20 que beaucoup d'observateurs s'accordent à dire qu'il est loin d'être opérationnel pour être un véritable appareil de cinquième génération. Reste que personne n'attendait cet appareil en vol aussi rapidement, alors bon…
Depuis cette semaine, la Corée du Nord est devenue un sujet d'inquiétude encore plus important que dans les années passées. Après le mort de Kim-Jong Il, la succession au pouvoir pose beaucoup de questions aux Japonais. Ceci à juste titre alors que le successeur légitime est un fils encore trop jeune pour prendre correctement les reines d'une dictature. Reste alors à déterminer qu'elles influences seront à l'œuvre et où cela mènera la Corée du Nord.
Dans le passé, le Japon s'est montré à de nombreuses reprises intéressé par l'achat de la technologie la plus pointue afin de faire face à ces problématiques. Pendant des années, le F-22 Raptor faisait l'objet de nombreuses tractations menant à des déclarations politiques édulcorées. Aujourd'hui, le Japon fait son choix pour le F-35, un avion potentiellement au plus haut niveau technologique dans son domaine, mais qui aujourd'hui n'est ni véritablement testé ni opérationnel.
Le choix du F-35 au lieu de l'Eurofighter peut aussi avoir un intérêt industriel pour le Japon. En effet, Tokyo planche déjà depuis quelques années sur la conception d'un chasseur de 5ème génération indigène appelé provisoirement ATD-X. Hors, il est possible que l'achat du F-35 de Lokheed Martin se fasse en contrepartie de l'aide de l'industriel pour le développement du futur chasseur furtif nippon. De plus, l'appareil serait un chasseur pur tel que le F-22 ou l'Eurofighter, et non un chasseur-bombardier à l'image du F-35. D'où l'achat de ce dernier et non de l'appareil européen, qui aurait eu un rôle redondant à celui de l'ATD-X, sans en avoir les qualités furtives.
Champagne chez Lockheed Martin !
On dira ce que l'on voudra, mais seuls les Américains sont capables de vendre un avion hors de prix et pas encore terminé. De ce point de vue là, toutes nos félicitations à Lockheed Martin ! Une nouvelle de bonne augure alors que la Corée du Sud doit elle aussi se décider pour l'achat de 60 chasseurs. Vu l'influence américaine et une belle référence japonaise, le F-35 avance sûrement plus sereinement. Surtout que cela fait suite au ralliement en octobre d'un autre nouveau partenaire, Israël.
Aujourd'hui, les premiers exemplaires du F-35 sortent doucement des lignes d'assemblage, mais il ne demeure pas moins que le programme reste incertain et si l'issue japonaise avait été moins favorable, beaucoup se seraient demandé immédiatement quel avenir l'appareil avait devant lui. Après des choix techniques remodelés, d'innombrables retards dans son calendrier et un dépassement de budget astronomique, il devient quand même le prochain avion de combat nippon. Un temps envisagée, une jointure avec quelques Eurofighter ou F-18 semble elle aussi passer à la trappe.
Alors que le choix du chasseur aura été précipité par les évènements mentionnés plus avant, le Japon fait aussi le choix de rester sous l'influence de l'Oncle Sam. Alors que c'est le cas depuis des années, certains envisagaient un changement vers l'Europe, à commencer par BAe Systems, en charge de la campagne pour Eurofighter. En même temps, faire plaisir à une Europe sans politique commune et budget de la défense, cela se serait avéré un choix bien plus énigmatique. Au Japon, l'Eurofighter pariait sur une récente publicité en Libye (alors que l'avion n'y a pas particulièrement brillé par sa polyvalence...) et sa capacité en devenir pour l'utilisation de missiles longue portée.
Compte tenu des impératifs japonais, le F-35 aura fait mouche avec ses capacités (non prouvées) de guerre électronique, radar et furtivité. Des arguments qui mettent d'office le F-18, Silent Eagle ou pas, dans les choux. L'Eurofighter pareil. Il est alors intéressant d'observer l'orientation de marchés de pointe dont l'Europe ne fait visiblement plus partie. Mettant l'accent sur la furtivité et l'engagement à longue distance. En bref, rien de nouveau.
En conclusion, on remarquera tout de même que la participation des entreprises japonaises à la construction de l'avion et la répartition de la masse de travail qui en découle ne sont pas encore définies. Un éléments des plus déterminants, surtout que le Japon tente de favoriser à nouveau l'émergence de son industrie aéronautique locale. Ce point pourrait faire capoter l'accord, mais ce n'est pas le seul car de nouvelles dérives chez Lockheed Martin ne seraient sûrement pas du goût d'un client aussi exigeant que le Japon.