Aeroplans - Premier décollage A400M

C’est le 11 décembre que l'avion de transport militaire européen a prit pour la première fois son envol depuis l’aéroport de Séville en Espagne pour une durée de trois heures et quarante sept minutes. Le 24 décembre, l’A400M a également effectué un deuxième vol, pendant trois heures et dix minutes, durant lequel il a atteint son altitude de croisière de 30.000 pieds et la vitesse de 555 kilomètres par heure. Bravant le sort, celui qui est appelé à devenir le nouvel appareil de transport de plusieurs pays européens et étrangers a effectué ses premiers vols sans problèmes hormis quelques ajustements, ce qui est normal pour une première série de vols. Observé avec admiration par ses supporters, l’avion d’Airbus Military, filiale d’EADS n’a pourtant jamais été aussi proche de l’abandon.

 

Aeroplans - A400M

Cependant, si tout se passe bien à l’avenir, les premières livraisons pourraient désormais commencer fin 2012 à un standard incomplet (80%) et en 2015 en version complète. A terme, Airbus pourrait produire une trentaine d’avions par an. En attendant la première livraison prévue donc pour fin 2012 au profit de l'armée française (il faudra encore ajouter deux ans pour tester les avions et former les pilotes), le programme d'essais de l'A400M va monter en puissance au fil des mois. En 2010, trois autres appareils, vont se joindre aux essais. En 2011, un cinquième viendra en renfort pour être testé uniquement dans des conditions d'opération militaire. Au total, 3.700 heures de vol sont prévues pour cette flotte de cinq unités. La certification de l'avion devrait alors être délivrée à la fois par les autorités militaires et civiles.

Véritable symbole d’une Europe de la défense qui commence tout doucement à sombrer, l’A400M aura finalement levé la tête à 10H16 du matin ce 11 décembre avec à bord 15 tonnes de matériel et six membres d'équipage : deux pilotes -un Britannique et un Espagnol -et quatre ingénieurs navigants Français. Alors que les discussions continuaient pour un avion qui reste à financer, les industriels, qui jouent parfois gros dans ce projet, voulaient donner un signal fort aux politiques en charge du projet avec leurs armées. Des clients de plus en plus perplexes et irrités par les aléas de l’avion. Ils étaient d’ailleurs présents en force ce matin là à Séville puisque c’est toute la communauté aéronautique et militaire européenne qui avait les yeux rivés sur ce premier décollage. Le signal était d’ailleurs assez bien relayé puisqu’une centaine de journalistes étaient invités et l’équipe communication avait notamment mis en place un canal vidéo pour suivre ce premier vol sur Internet. Les vidéos sont d’ailleurs toujours disponibles sur ce site.

Aeroplans - A400MA l’occasion de cet événement, les principaux acteurs institutionnels du programme se félicités évidement de l’avancée du programme. L’Allemagne qui est le plus gros client d’Airbus sur ce programme avec 60 appareils en commande avait déclaré s’en tenir à sa commande initiale. Malgré les retards et la hausse des coûts, le pays se déclaré prêt à négocier avec EADS lors de la future réunion qui aura lieu le 14 janvier. De son côté, le ministre de la défense turque a également confirmé que son pays ne souhaitait pas l’annulation du programme. La Turquie a passé commande de 10 avions et continue de résister aux contrariétés contrairement à l’Afrique du sud ayant abandonné le projet jusqu’à nouvel ordre. Le pays était d’ailleurs le premier à affirmer pouvoir allouer plus de crédits pour l’achat de ses avions. Enfin, la France via son ministre de la défense Hervé Morin déclarait rester confiante quant à la poursuite du programme. Il faut dire que le pays porte le plus gros projet commun d’armement en Europe à bout de bras et veut y croire. Malgré les contrariétés que nous connaissons, le pays reste ouvert aux négociations avec EADS et fait son possible pour garder « l’équipe » soudée.

EADS, maison mère d’Airbus Military confirmera néanmoins en ce jour du vol inaugural que les coûts se sont bien envolés « de manière significative ». On parlera ce jour là de plus de 27.5 milliards d'euros pour 180 appareils, alors que le contrat initial était de 20 milliards. Le prix unitaire de l'avion passerait ainsi à environ 150 millions d'euros soit un tiers plus cher que prévu et avec 1 an et demi de retard pour son vol inaugural. A ce moment, Domingo Ureña-Raso, chef de la division d’Airbus qui nous intéresse aujourd’hui, lors d'une interview pour LesEchos semblait tout disposé à admettre qu’EADS devait faire des efforts jusqu’à prendre à sa charge les coûts de développement restants tout en incluant au contrat des pénalités de retards encore plus drastiques pour l’industriel. Il proposait alors aux Etats clients de prendre en charge la hausse du coût de production de l’avion. A ce stade, on aurait pu croire que tout se petit monde était en train de négocier tranquillement. Certains avaient déjà annoncé que certains pays allaient baisser leur nombre de commandes trouvant ainsi une solution à cette envolée des prix tout en engageant autant de crédits qu’escompté. La France de son côté affirmait pouvoir ouvrir la bourse plus que prévu de manière à sauver le programme et à répondre aux besoins de ses armées. Le roi Carlos d’Espagne également présent encourageait également « tous les gouvernements et les industriels à arriver le plus rapidement possible à un accord final pour faire de ce programme un succès total ». Mais déjà, l’Allemagne boycottait ce premier vol puisque son ministre de la défense n’y a même pas assisté. Alors que certains pensaient qu’une solution finale allait être annoncée ce jour, on s’est finalement rendu compte que le dossier n’avançait pas du tout. Et ce, notamment car les Allemands annonceraient dans la foulée ne pas vouloir payer plus que prévu. Aeroplans - A400M

Au final, nous sommes aujourd’hui début janvier et c’est dans quelques jours que va s’ouvrir la grande réunion qui, une fois n’est pas coutume est annoncée comme déterminante pour la vie ou la mort du programme. La France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique et le Luxembourg et la Turquie attendent en tout 180 appareils. Derrière les belles paroles et les exploits effectués par les équipes de l’A400M pour faire voler l’avion, on remarque aujourd’hui que c’est une véritable guerre ouverte que se livre EADS et les clients du programme entre eux. Derrière l’urgence du renouvellement de la flotte anglaise et française et les rêves politiques et idéologiques européens, se cachent en réalité des desseins économiques individuels qui caractérisent encore l’Europe d’aujourd’hui. L’Allemagne rajoute qu’elle se réserve encore le droit d’annuler sa commande jusqu’en mars et se fait le porte drapeau de ceux qui veulent qu’EADS se retrouve face à ses responsabilités en temps que maitre d’œuvre du projet. Dans notre article suivant, nous reviendrons donc sur des événements plus actuels mais qui nécessitaient un minimum de contexte.

Michael Colaone.