En ces temps difficiles pour les grands transporteurs aériens, on comprend que ces derniers soient un peu plus prudents qu’à l’accoutumée. Alors que le secteur était en pleine ébullition avant la crise, les fusions et autres rapprochements étaient devenus monnaie courante. Entre l’affaire Iberia/British Airways ou la conquête de l’Europe par la Lufthansa, les observateurs avaient de quoi se mettre sous la dent. Or aujourd’hui, on dirait que certaines compagnies comme le géant allemand aient toujours les dents longues et que d’autres, comme Air France laissent passer l’orage en limitant la casse. L’immobilisme ayant toujours était la marque des vaincus, l’incompréhension gagne quand l’on regarde l’attitude du groupe Air France – KLM.
Premier transporteur mondial au dernier comptage, le groupe franco-néerlandais est une compagnie qui marche bien, mieux que ses rivales. Ca, c’était avant la crise. Aujourd’hui, force est de constater que le bilan n’est plus aussi idyllique puisque les derniers résultats de trafic sont toujours en baisse (on parle toujours d’hémorragie) alors que d’autres compagnies comme US Airways, Air Canada ou encore Lufthansa affichent des chiffres en hausses. Pour limiter la casse, le transporteur n’aura rien trouvé de mieux que de réduire les capacités sur ses lignes les plus touchées (-4,2% de réduction sur son offre globale) portant ainsi le coefficient d’occupation à 84,8%. Une réaction comptable logique mais qui ne prend plus en compte la clientèle ni la concurrence. Or c’est aussi sur la satisfaction client que le bas blesse chez Air France. Confronté à une hausse de la menace TGV sur ses lignes intérieures et à une compétition des low-costs de plus en plus agressive malgré un lobbying efficace, la compagnie continue de réduire au maximum ses services. Or, personne ne semble avoir fait le raisonnement inverse : plus de services à un prix certes plus important continuera de fidéliser une clientèle qui ne souhaite pas forcément passer des heures debout dans un appareil où les toilettes sont payantes.
Air France – KLM a également souffert de la baisse des échanges mondiaux et affiche une baisse de 16,9% de son activité cargo. En conséquence, le groupe justifie un plan de 1500 départs volontaires qui ne concernera pas les pilotes et les mécaniciens. Des mesures de chômage partiel pourraient également avoir lieu si l’activité ne reprenait pas. Or, selon IATA le trafic serait déjà en train de reprendre même si pour le moment la prudence reste de mise. De leur côté, les constructeurs tablent sur une reprise de leur activité en 2010 (Airbus) ou 2011 (Boeing).
Reste que la frilosité a pris le dessus alors qu’il a quelques mois déjà nous annoncions craindre que le géant allemand Lufthansa était en train de prendre le contrôle des cieux européens grâce à une série de fusions stratégiques. SAS, Air Brussels, Austrian etc… nous tempérions l’appétit du transporteur germanique en affichant la bonne tenue des activités d’Air France et des projets de fusion tel que celui avec la compagnie nationale tchèque CSA. En invoquant la crise qui pèse sur le secteur mentionnée plus avant, Air France – KLM a maintenant retiré sa candidature pour l’appel d’offres en cours pour la privatisation de CSA. Dans les circonstances actuelles, le groupe franco-néerlandais souhaite que la compagnie justifie d’un plan de redressement autonome avant une éventuelle reprise des discussions. La compagnie affiche une baisse de 12% de son activité passagers, une perte nette au premier trimestre de 36,9 millions d’euros et un plan d’économie de 9,4 millions d’euros est déjà en place. Une stratégie sans risque pour Air France – KLM mais qui est en contradiction avec celle mise en place par son concurrent Lufthansa. Brussels a désormais autorisé le rachat d’Austrian, la compagnie nationale autrichienne. Ceci alors même que la compagnie faisait face à des problèmes financiers importants (le prêt d’urgence de 200 millions d’euros accordé par le gouvernement autrichien est lui aussi accordé par l’exécutif européen.). Lufthansa n’a donc pas baissé les bras, bien au contraire. La valeur de la compagnie étant moindre qu’avant la crise, l’affaire est tout simplement meilleure et a permis de faire passer entre autre le prêt d’urgence mentionné ci-dessus auprès de Brussels.
On remarque que les stratégies sont bien différentes l’une de l’autre. Pour CSA, le ministère des finances tchèque laisse encore jusqu’au 30 septembre au dernier candidat en lice Unimex/Travel Service pour faire la meilleure offre possible. L’opération pourrait alors définitivement échapper à Air France – KLM grâce à cette offre des deux sociétés tchèques. Dans ce cas comme dans d’autres, le mur que continue de constituer Lufthansa en Europe de l’est associé à une stratégie multi hubs efficace devrait porter un coup important à Air France – KLM. Si le groupe franco-néerlandais agit désormais sur deux hubs principaux que sont Paris et Amsterdam, ils restent relativement proches l’un de l’autre. De son côté, l’empire Lufthansa continue de s’étendre avec des hubs en Allemagne, en Autriche et de plus en plus en Italie via Lufthansa Italia. Ceci sans parler des vues de plus en plus importantes vers le Royaume Unis et l’Europe scandinave. Face à une telle puissance de feu bientôt déployée, la stratégie d’Air France – KLM devient de plus en plus mystérieuse pour les observateurs que nous sommes.
MC.