300, c'est le nombre de nouveaux avions que la compagnie aérienne à bas coûts Ryanair voudrait s'offrir. Si le chiffre semble faramineux, il l'est encore plus quand on regarde la conjoncture du marché de l'aérien pour cette année 2009. Toutes les grandes compagnies sont dans le rouge, les avionneurs essayent de rattraper du mieux qu'ils peuvent les annulations de commandes et certains employés de compagnies aériennes comme British Airways sont aujourd'hui volontaires pour travailler gratuitement sur un période donnée.
Justement, c'est ce contexte de récession qui donne à l'emblématique patron de la compagnie irlandaise Michael O'Leary l'opportunité d'enfoncer le clou vis-à-vis de ses concurrents, des acteurs de plus en plus en difficulté. La capitalisation boursière de la compagnie continue de dépasser celle des majors comme British Airways et ce, malgré une première perte annoncée en juin de 169,17 millions d'euros.
« Boeing ou Airbus », la compétition va être rude entre les deux avionneurs déjà en lice pour la méga commande de United. Si cela redonnera surement du travail et le goût du défi aux équipes européenne et américaine, il va falloir être convainquant dans ce contexte particulièrement morose. En effet O'Leary ne s'y trompe pas, cette situation économique va lui permettre de tirer le meilleur prix pour ces avions, un peu comme lors de sa commande d'appareils après le 11 septembre 2001.
Alors que pour beaucoup d'observateurs nous sommes proches du fond du trou, Airbus et Boeing doivent remplir leurs carnets de commandes en attendant la reprise. Déjà l'auteur de quelques coups fumeux, le patron de Ryanair n'avait jusque là pas obtenu gain de cause pour cette nouvelle commande. Aujourd'hui pourrait bien être le jour qu'il attendait, les fournisseurs étant au pied du mur. Reste que le choix d'un constructeur unique s'il est logique économiquement parlant va accroître la concurrence entre la firme de Seattle et Airbus. Boeing partant avec une mince avance sur les Européens, car la compagnie irlandaise ne possède à ce jour qu'un seul type d'appareil, le B737-800. 179 de ces appareils volent actuellement aux couleurs de Ryanair, 115 sont en commande et 161 pourraient bien venir s'y ajouter puisque la compagnie possède une option d'achat chez l'avionneur américain.
Si tant d'appareils sont déjà en cours de livraison, pourquoi Ryanair cherche-t-elle à commander encore plus d'appareils ? Le modèle de croissance appliqué par Michael O'Leary est particulièrement dynamique, 300 appareils supplémentaires vont lui permettre de porter sa compagnie vers les 150 millions de passagers transportés par an d'ici à 2017 (au plus tard !). Si l'année dernière 58,5 millions de personnes ont choisi la compagnie irlandaise, l'objectif peut sembler particulièrement ambitieux tandis que la crise profite évidement aux compagnies à bas coûts.
Ainsi, les Irlandais comptent bien se développer sur les cendres de leurs concurrents qui eux, ne traversent pas la crise avec le même optimisme. Ceci à un tel point que la vision de Michael O'Leary entraperçoit dans son viseur le géant allemand Lufthansa. Loufoque ? Pas du tout assure le PDG qui ne donne cependant pas plus de détails sur la faisabilité d'une telle opération. Reste que la vision et le dynamisme imputés à une société quelqu'elle soit a toujours été un élément essentiel pour le développement de cette dernière. Tant qu'O'Leary gardera un tel dynamisme, nul doute que Ryanair aura une chance de devenir un acteur majeur du transport aérien mondial.
Pendant ce temps, la révolution O'Leary continue d'avancer. La compagnie cherchant toujours à tirer le maximum de ses rotations explore des pistes jusque là considérées comme politiquement incorrectes. Pour faire changer le comportement de ses usagers et maximiser ses coûts d'exploitation, la compagnie instaure des taxes de plus en plus nombreuses : taxe pour les bagages en soute, pénalité pour l'enregistrement au comptoir de l'aérogare ou encore un prélèvement pour le paiement par carte de crédit, tout est bon pour rendre les rotations plus profitables.
Ryanair fait également parler d'elle avec des « réflexions sur de nouvelles taxes » qui pourraient bien voir le jour d'ici peu : Une taxe pour les gros passagers, une autre pour l'utilisation des toilettes de bord, tout est étudié pour augmenter toujours plus le prix de revien par passager. Si l'on revient sur l'idée d'une taxe pour l'utilisation des toilettes de bord, Michael O'Leary affirme que le but visé n'est pas de gagner de l'argent sur l'utilisation de ces derniers mais bel et bien de supprimer la majeure partie d'entres eux gagnant ainsi de la place pour des sièges supplémentaires. Sur un B737, deux des trois cabinets pourraient alors être supprimés faisant gagner 6 sièges à la cabine.
Dirigée par un patron emblématique, la compagnie à bas coûts Ryanair semble mener la révolution des compagnies aériennes sur le créneau, plus qu'EasyJet ou les autres. L'utilisation d'un seul type d'aéronef, le recours à des méga-commandes d'avions, la réduction des services à bord, le changement des habitudes des consommateurs vers une rationalité poussée, l'utilisation de taxes ciblées, mais logiques, et j'en passe, la compagnie que l'on ne peut pas qualifier de politiquement correcte pourrait bien sortir de la crise la tête haute et ce, malgré certaines pratiques discutées par les associations de consommateurs ou par son propre personnel, dont les conditions de travail ne sont pas des plus enviables. Si tout n'est pas bon à prendre chez Ryanair, son dynamisme et son envie de se développer restent un exemple.