Après un 48ème salon du Bourget moins morose que prévu, le programme A350 d'Airbus continue de prendre son envol. En effet, les compagnies AirAsia et Vietnam Airlines ont commandé ou pris des options pour une douzaine d'exemplaires du futur long courrier dont la mise en service est prévue pour 2013. Seulement le développement de l'appareil demande des moyens financiers, plutôt difficiles à trouver en ces temps de crise. Les grands pays européens membres du programme s'engagent à l'image de la France et de l'Allemagne. Seule ombre au programme, l'Espagne qui ne s'est pas encore positionnée de façon claire.
493, c'est le nombre de commandes fermes que totalise déjà l'Airbus A350. Un nombre conséquent qui a surement joué en faveur de l'avionneur lorsque la France et l'Allemagne se sont engagées à financer une partie du programme à hauteur de 1,4 milliards d'euros pour la France et 1,1 milliards pour l'Allemagne. Le reste des coûts, soit les deux tiers du montant global qui pourrait s'élever à 11 milliards d'euros, seront pris en charge par EADS sans aucune difficulté, assure-t-on du côté du consortium.
La France devient donc le principal actionnaire autre qu'Airbus dans ce programme qui s'annonce déjà comme un succès commercial et montre encore une fois son envie de rester le moteur de l'industrie aéronautique européenne. De l'autre côté de la Manche, Londres n'a pas encore divulgué le montant de son aide mais s'est engagée à participer, alors qu'il reste 1,1 milliards d'euros à trouver pour Airbus. On connait la situation politique de la Grande Bretagne en ce moment, rien de grave a priori à ce que le pays prenne un peu le temps de la réflexion.
La posture de l'Espagne est elle plus étonnante puisqu'à ce jour, le pays pourtant largement impliqué du point de vue industriel ne se positionne pas de façon claire. "Le gouvernement n'a pas encore promis de participation financière ni pris une décision définitive concernant le financement du nouvel appareil" indique un porte-parole du gouvernement. Lors de la réunion des ministres des transports des pays membres du programme chez Airbus, le ministre espagnol n'est pas venu.
Malgré la remise à plus tard de la prise de décision sur les avances remboursables, le PDG d'Airbus Thomas Enders ne semble pas s'alarmer. Les spéculations quant à un éventuel conflit entre la société et Madrid vont pourtant bon train. La situation économique de l'Espagne en serait-elle la cause ? Possible vu que le pays est particulièrement en mauvaise posture. Suite à une crise immobilière difficile à vivre puisque le secteur de la construction portait l'économie espagnole depuis des années, le gouvernement pourrait jouer la prudence.
Reste que l'argument est bancal, puisque les Espagnols ont largement bénéficié d'Airbus avec une charge de travail passée de 4% à 10% depuis le lancement du programme A350. Notons tout de même que la réunion mentionnée plus haut portait justement sur la répartition de la charge de travail. De plus, le pays s'est largement impliqué dans différents programme liés à l'aéronautique et au spatial : drones, armement, aviation de combat... Pourquoi un tel revirement de situation ?
Thomas Enders réfute cette thèse : « Du point de vue d'Airbus il n'existe aucun différent avec le gouvernement espagnol. » L'Espagne pourrait alors agir par mauvaise humeur. Récemment les usines françaises de Socata-Daher ont perçu une partie de la charge de travail espagnole. Les Espagnols ont également besoin de faire pression sur les négociations en cours sur le programme A400M alors que l'armée de l'air ibérique y est particulièrement exposée.
Boeing vient tout logiquement jeter de l'huile sur le feu. La firme de Seattle s'est dit « très déçue » et proteste contre l'attribution d'aides publiques alors que sa plainte devant l'OMC déposée en 2004 suit son cours. Si l'Organisation Mondiale du Commerce reste très contrôlée par les Etats-Unis, les arguments d'Airbus tiennent la route. Si le procédé peut sembler anticoncurrentiel, il n'en demeure pas une excellente affaire pour les Etats qui y participe puisqu'il s'agit au final d'un prêt que la filiale d'EADS rembourse avec intérêts. Des intérêts qui s'élèveraient supérieurs de 40% à la somme prêtée depuis 1993. A ce jour, même les Britanniques, pourtant très proches des Américains et de l'économie libérale, ont affirmé que c'était un placement sûr et lucratif. Après, cela fait partie du jeu (l'A350 viendra concurrencer le B787), Boeing recevant également de l'aide de la part de Washington à en croire la plainte européenne contre des subventions publiques. Mais ça, c'est un autre débat.